Le véritable handicap réside-t-il dans le corps ou dans l’âme

Mar 13, 2019 par

Ali RızaTemel

Bien évidemment, aucun reproche ne peut être fait à celui dont le handicap physique ou moral est inné. Si ce handicap résulte d’un mauvais choix ou d’une mauvaise conduite de la part des parents, ils seront eux-mêmes responsables des conséquences. Ainsi, est-il de notre devoir d’assister ce genre de handicapés innocents et de les traiter avec tendresse et compassion. Le fait de leur venir en aide constitue pour nous une part d’aumône et de reconnaissance vis-à-vis de Dieu, pour nous avoir préservés de tout handicap. Il en est de même pour ceux qui ont été involontairement victimes d’un handicap après la naissance. Leur situation doit aussi susciter en nous de l’attention et de la miséricorde à leur égard. En ce qui concerne les personnes responsables elles-mêmes de leur handicap, elles ne doivent pas être totalement abandonnées à leur propre sort. Toutefois, les handicapés innés et innocents nécessitent un suivi intégral.

Dieu l’Exalté éprouve Ses serviteurs les uns à travers les autres. La richesse et la pauvreté, la santé et la maladie, la jeunesse et la vieillesse représentent des facteurs d’épreuves. C’est ce que traduit le verset coranique suivant : « Et Nous avons fait de certains d’entre vous une épreuve pour les autres – endurerez-vous avec constance ? – Et ton Seigneur demeure Clairvoyant. » (Al-Furqân, 20).

Face à un aveugle, le voyant réalise le don de la vue ; face à un boiteux, le valide comprend la grâce de pouvoir marcher normalement ; et face au malade, le bien-portant apprécie la santé à sa juste valeur. Ces situations poussent l’homme à la reconnaissance vis-à-vis de son Majestueux Seigneur. De ce point de vue, nous sommes redevables d’une astreinte de remerciement vis-à-vis des handicapés pare que leurs différents états sont à même de nous rappeler les innombrables grâces divines dont nous jouissons goulûment. Plus qu’un simple verbe, le remerciement à leur égard doit se manifester par une assistance morale et matérielle.

Dieu ne tient responsable aucun serviteur pour ce qui transcende ses capacités. Par conséquent, ceux qui souffrent d’un quelconque handicap comme l’aveugle, l’impotent, le malade, le vieillarde le pauvre sont exemptés d’un certain nombre de responsabilités. Par exemple, l’aumône légale n’est en aucun cas une obligation pour le pauvre ; le malade est déchargé du jeûne durant sa maladie. En effet, le Noble Coran déclare : « Il n’y a pas d’empêchement à l’aveugle, au boiteux, au malade. » (An-Nûr, 61).

En vérité, un intérêt particulier doit être réservé à tous ces handicapés.À défaut, on doit au moins utiliser une locution plus positive pour les désigner.

Tout comme celui qui jouit de toutes ses facultés physiques et mentales subvient lui-même à ses besoins, de même il doit aussi assister à la mesure du possible le faible et l’handicapé. Ces derniers ne sont pas tenus en rigueur à l’instar des valides, lorsqu’ils commettent des fautes car ils sont excusables.

Alors qu’il était en train d’inviter à l’Islam les chefs des polythéistes qurayshites, le Noble Prophète () fut averti par Dieu Le Glorieux pour s’être renfrogné lorsque ‘Abdullah Ibn UmmiMaktum(que Dieu l’agrée) s’adressa ainsi à lui à haute voix en ignorant les circonstances: « Ô Messager de Dieu ! Enseigne-moi aussi parmi ce que Ton Seigneur T’a enseigné ! » Après cette circonstance, le sage Prophète () réserva une attention beaucoup plus particulière à ‘Abdullah. Toutes les fois qu’il le croisait, il lui faisait les éloges suivants : « Bienvenue à celui qui fut la cause de la réprimande de Mon Seigneur à mon égard ! »

Au-delà de ces handicapés innocents susmentionnés, il en existe d’autres qui sont loin d’être excusables, qui suscitent plutôt la peur en lieu et place de la miséricorde. La cécité, la surdité et le mutisme qui empêchent de voir, de comprendre et dire la vérité sont très nuisibles et difficilement curables, étant donné que ces déficiences sont liées à la volonté du sujet. En effet, il s’agit ici de sujets qui décident volontairement de ne pas voir, comprendre ou dire la vérité. Ils ne songent aucunement à remédier à leurs maladies étant donné qu’ils n’en sont pas eux-mêmes conscients. Ces derniers deviennent des oppresseurs parce qu’ils n’utilisent pas à bon escient les facultés dont Dieu les a gratifiés ; dès lors, ils suscitent la crainte et non la compassion. Selon l’expression divine, ils représentent les pires des créatures : « Les pires des bêtes auprès d’Allah, sont, [en vérité], les sourds-muets qui ne raisonnent pas. » (AlAnfâl, 22).

Le Messager de Dieu () a défini à notre intention le véritable mutisme et son danger : « Celui qui reste muet en face de l’injustice est un adepte de Satan. » Ceux qui refusent de voir, d’admettre et de comprendre la vérité auraient volontairement renié leur dignité humaine. Il est ainsi stipulé dans le Sublime Coran :

« Que ne voyagent-ils sur la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre, et des oreilles pour entendre ? Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent. »(Al-Hajj 46).

                 

« Nous avons destiné beaucoup de djinns et d’hommes pour l’Enfer. Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore. Tels sont les insouciants. » (Al-A’râf, 179).

Ces catégories de personnes susmentionnées seront vouées à l’Enfer, vu qu’elles avaient joui de leurs facultés à l’encontre de la Volonté Divine. Même les animaux sont au-dessus de celles-ci, car la responsabilité de la soumission n’incombe pas aux animaux. Le fait pour l’homme de ne pas jouir des grâces divines à son égard conformément à la moralité et la dignité humaine dénote une trahison du dépôt que son Seigneur lui aurait confié, d’un bafouillage de sa nature humaine.

Les hommes au cœur atteint de cécité se détournent de la vérité et admettent comme vérité leurs égarements. Emboîter le pas à ces derniers, c’est se diriger droit vers l’abîme. Le prophète Jésus (paix sur Lui) nous définit élégamment cette situation : « Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or si un aveugle guide un autre aveugle, tous les deux tomberont dans un trou ! » (Matthieu, 15/14). Il est question ici de la cécité spirituelle.Fondamentalement, c’est la cécité spirituelle qui constitue la véritable cécité. Le Coran déclare : « Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent. » (Al-Hajj, 46).

Certains savants ont certifié comme étantmakruh(réprouvé) le fait de désigner un aveugle au poste d’imam (guide religieux), car il est possible que celui-ci ne soit pas en mesure de voir l’impureté susceptible de toucher son corps ou son vêtement. Pour ce qui est des serviteurs au cœur aveuglé, ils n’aperçoivent pas leurs péchés, ne réalisent pas leurs pratiques de l’illicite, confondent le bien au mal et la perfection à la corruption. Dieu a caractérisé les mécréants d’impurs (At-Tawba, 28). En vérité, la véritable source de l’impureté est la cécité spirituelle. Eclaircissant ses propos susmentionnés, le prophète Jésus (paix sur Lui) dit ceci : « Du cœur en effet proviennent intentions mauvaises, meurtres, adultères, inconduites, vols, faux témoignages, injures. » (Matthieu 15/19).

MawlanaRûmî(kuddissasirru) nous énonce ces belles paroles : « Lorsque tu admires l’être humain, tente de résoudre le mystère en lui. Ne le vois pas à l’instar d’Iblis comme une simple créature provenant d’eau et d’argile, car au-delà de l’argile, il y a en lui des milliers de jardins de roses. N’admire pas l’homme créé de boue. Réalise l’âme qui fut insufflée en lui. Sois émerveillé devant cette âme. Si tu dois te déplacer, déplace-toi vers Celui qui t’a gratifié de jambes ; si tu dois admirer, admire les œuvres d’art éblouissantes de Celui qui t’a rendu la vue et essayé de comprendre leur réalité. »

 

À travers le monde et dans notre pays (la Turquie), on proclame la semaine dédiée au handicap physique et à ceux qui en souffrent. Durant ladite semaine, bon nombre d’activités sont organisées en l’honneur de ces derniers. Toutes les précautions sont prises pour le bien-être des infirmes. En vérité, ceci est une très bonne initiative. Toutefois, l’on doit songer tout de même à définir un moment propice afin organiser des programmes dédiés aux handicaps spirituels. En effet, les handicaps de l’âme sont d’une portée plus considérable que ceux du corps. Il est fort probable que les handicaps spirituels ne soient pas visibles de prime abord. Mais l’élaboration de l’arrière-plan d’une œuvre s’avère beaucoup plus difficile. Les handicaps de l’âme sont pareils à un cancer dissimulé qui n’est pas visible à son début, et lorsqu’il est découvert, il est trop tard car tout remède s’avère inefficace.

Des maladies telles que la haine, la jalousie, le mensonge, la médisance et l’animosité dégradent l’âme ; et tout ce qui dégrade l’âme éloigne de la nature humaine. Les yeux avides atteints de cécité ne peuvent aucunement voir la réalité. Les cœurs qui ne peuvent atteindre la satiété par la nourriture spirituelle demeurent toujours insatiables. Les flammes de l’ambition s’attisent comme un feu qui s’embrase sans cesse. Elles s’attisent jusqu’à embraser notre monde. La cécité, la surdité et la faim spirituelles sont les causes principales des catastrophes et affres dont nous sommes aujourd’hui victimes.

Le corps représente la monture de l’âme. La monture est d’une portée considérable ; toutefois, le savoir qui guide la monture vers une quelconque direction est d’une portée encore plus considérable. Le cheval est un animal rendu docile par son cavalier. Un cheval dont le cavalier n’est pas ordonné ne peut pas servir. La véritable problématique demeure l’embellissement de l’âme, le traitement des maladies spirituelles. MawlanaRûmî(kuddissasirru) nous enseigne ces paroles élégantes :« Si tu parfumes ton corps, n’oublie pas aussi de parfumer ton âme. Car, tôt ou tard, ton corps pourrira et finira en poussière. » Ce qui est permanent est toujours plus valeureux et considérable que ce qui est passager.

Lors de notre évolution sur le chemin de l’humanisme, de la justice et de la vérité, de même que durant notre cheminement vers Dieu, les handicaps spirituels nous obstruent davantage la voie que les handicaps physiques. Nous avons pu observer certaines personnes qui, bien que valides et bien-portantes, refusaient de participer au noble combat ; alors que d’autres désiraient ardemment y prendre part bien qu’invalides. La source de bénédiction d’Istanbul, Abû Ayyub al-Ansarî (que Dieu l’agrée) ne se déroba pas la guerre sainte alors qu’il avait atteint un âge très avancé. L’attitude d’Amr bin Djamuh (que Dieu l’agrée) parmi les Ansars (résidents de Médine) fut un fait excessivement marquant. Bien qu’étant sévèrement infirme, il voulut néanmoins participer à la bataille de Badr ; mais ses fils l’en empêchèrent. Lorsqu’il voulut prendre part au combat d’Ouhoud et qu’il fut à nouveau empêché par ses fils sous prétexte de son impotence, il se rendit auprès du Bien-aimé Messager de Dieu () et dit : « Ô Messager de Dieu ! Mes fils s’opposent à mon idée de te suivre à la bataille. Par Dieu, je désire entrer au Paradis en demeurant dans mon état d’infirmité. » Le Messager de Dieu () lui répondit : « Pour Dieu tu es exempté. Le combat ne t’est pas obligatoire. » Il dit aussi à ses fils : « N’empêchez-pas votre père de participer au combat ! Il se peut que Dieu l’honore avec le martyre. » Amr bin Djamuh (que Dieu l’agrée) se munit alors de son arme et quitta sa demeure en faisant cette invocation : « Ô Seigneur ! Honore-moi avec le martyre, ne me fais pas retourner auprès de ma famille en me privant de l’honneur du martyre ! » Dieu agréa son invocation et le fit tomber en martyr au combat. Suite à cela, le sage Prophète () énonça ces nobles paroles : « Par Dieu, Celui dont je vis par la Force, je vis Amr bin Djamuh entrer au Paradis en boitant. »

Il existe un nombre pléthorique de personnes qui sont physiquement valides et spirituellement handicapées de même qu’il en existe qui sont physiquement infirmes mais bien saines au niveau de l’âme. Outre la validité physique, l’on doit aussi chercher à jouir d’une santé spirituelle. Nous sommes appelés à lutter pour remédier à chaque handicap et couvrir chaque handicapé d’amour et de tendresse. Toutefois, nous ne devons pas ôter de notre esprit le grand besoin lié au traitement des handicapés spirituels. Nous demandons à Dieu l’Exalté de couvrir notre cœur et nos yeux de lumière, de nous accorder la santé physique et spirituelle. Amin !

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1 Commentaire

  1. Daouda

    Merci pour ses textes enrichissants qui renforcent notre foi

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