Introduction a la civilisation musulmane (II)

Mar 12, 2019 par

 

VIIIe siècle : seconde moitié

 

750-1258.  Califat Abasside. Capitale : Baghdâd (à partir de 772).

L’Empire Abasside fut à la tête de la civilisation mondiale, notamment sous le règne de Hârûn Ar-Rashîd[1].

  1. Après la victoire sur les Chinois lors de la bataille de Talas (dans le Kirghiztan actuel), les Arabes arrêtent leur avancée en Chine.

754-775.  Règne du Calife Abasside Abû Ja’far Al-Mançûr (m.775).

756-929.  Émirat Omeyyade en Espagne. Capitale : Cordoue.

Lorsque les Omeyyades ont été vaincus par les Abassides, ‘Abd Ar-Rahmân, le petit-fils du Calife Hishâm, échappa au massacre et s’enfuit au Maroc d’où il mena une expédition et conquit Cordoue. Ainsi, ‘Abd Ar-Rahmân I fonda l’Émirat de Cordoue. Ainsi, en plus du Calife de Baghdâd, le monde musulman était gouverné également par un autre pouvoir. Plus tard, avec la conquête des territoires allant de l’Espagne jusqu’à la Chine, il y eut très souvent plusieurs dynasties de souverains musulmans qui gouvernaient simultanément dans différentes parties du monde, et indépendamment du Calife.

  1. Expédition arabe contre Kâbûl en Afghanistan.
  1. Le Calife Abû Ja’far Al-Mançûr pose les fondations de la ville de Baghdâd.
  1. Le Sind est gouverné par les Arabes.
  1. Conquête de Kâbûl.

786-809. Règne du Calife Abasside Hârûn Ar-Rashîd (m.809).

788-985.  Règne de la Dynastie Idrîs au Maghreb. Capitale : Fès, ville fondée en 807 par Idrîs II (m.828).

Idrîs I (m.793), un partisan de ‘Alî Ibn Abî Tâlib, s’enfuit de la Mecque après une révolte manquée. Les habitants du Maroc l’accueillirent ; par la suite beaucoup d’entre eux passèrent à la doctrine shiite, et le prirent pour Imâm. Ce fut ainsi l’établissement de la première dynastie shiite.

Les Acteurs

Théologie et jurisprudence

*  Le théologien, juriste, philosophe, mystique et alchimiste Abû Mûsâ Ja’far Aç-Çûfî (m.765), plus connu sous le nom d’Imâm Ja’far Çâdiq. Dans la doctrine shiite, il est considéré comme le sixième Imâm. Il a mis au point deux manières de distiller. Les Arabes inventent la technique de distillation. Le mot alambic, l’appareil servant à distiller, provient du mot arabe al-inbîq.

*  Muhammad Ibn Ishâq (m.767), un Tâbi’î[2], rédige la première biographie importante très détaillée du Prophète de l’Islam, Sirât Rasûl Allâh (Biographie du Prophète de Dieu)[3]. Tous les auteurs postérieurs ont eu recours à son œuvre, malheureusement perdue dans sa forme intégrale, mais existant sous une forme abrégée dans la Biographie du Prophète composée par Ibn Hishâm (m.834).

*  Le théologien et juriste Imâm Abû Hanîfa Nu’mân Ibn Thâbit (m.767). L’Imâm Abû Hanîfa a donné son nom à l’une des quatre écoles de jurisprudence les plus courantes de l’Islam sunnite. Parmi ses œuvres nous pouvons citer Kitâb as-Siyar (Le Livre des Conduites) constituant le premier livre complet de Loi Internationale[4] qui jette les bases de cette discipline. En effet, auparavant, les lois grecques étaient conçues pour la seule cité grecque, et la Loi romaine était uniquement applicable à Rome et aux nations qui avaient conclu un pacte avec elle ; les autres nations en étaient exclues.

*  Le théologien et juriste Imâm Mâlik Ibn Abas (m.795) qui a donné son nom à l’une des quatre écoles de jurisprudence les plus courantes de l’Islam sunnite. Son ouvrage principal Al-Muwatta’ est très célèbre et très estimé.

*  Ma’mar Ibn Rashîd (m.770), l’un des plus anciens compilateurs de Hadîths, auteur d’Al-Jâmi’.

*  Le grand juriste de Damas Imâm Al-Awzâ’î (m.773), dont le père était originaire du Sind (Pakistan). À une certaine époque, son école de droit avait maints partisans dans le monde musulman. Le dernier Muftî (expert en droit islamique) de cette école mourut à Damas en 958.

*  L’Imâm Sufyân Ath-Thawrî (m.778) de Kûfa et l’Imâm ‘Abd Allâh Ibn Muhammad (m.797) du Khurâsân, deux grands juristes.

*  Abû Yûsuf (m.798), disciple de l’Imâm Abû Hanîfa, qui a exercé la fonction de Qâdî (Juge) sous le règne de trois Califes Abassides : Al-Mahdî, Al-Hâdî et Hârûn Ar-Rashîd. Sous le règne de ce dernier, il avait le titre de Grand Qâdî.

*  Ibrâhim Ibn Adham, prince de Balkh, (m.782), quitte son trône pour devenir mystique soufi.

*  La mystique Râbi’a Al-Adawiyya de Baçra (m.801), première femme mystique soufie.

 

Science et technologie 

* Les astronomes persans Abû Ishâq Ibrâhîm Fazârî et son fils Muhammad Fazârî (m.806) traduisent du sanskrit les travaux de Brahmagupta et sont les premiers musulmans à étudier l’astronomie, l’arithmétique et les mathématiques indiennes. Chronologiquement parlant, ils sont en tête de liste des « 534 astronomes musulmans de renom dont les noms ont été conservés dans l’histoire – phalange dont bien peu de peuples civilisés pourraient fournir l’équivalent »[5].

*  L’astronome ‘Alî Ahwâzî traduit du sanskrit les travaux d’Aryabhata et réalise des tables des mouvements planétaires.

*  Les astronomes persans Nawbakht et son fils Fazal (m.815). Ce dernier était bibliothécaire sous le Calife Hârûn Ar-Rashîd. Nawbakht est le nom éponyme de cette famille de scientifiques qui se déploie sur quatre générations au moins.

*  Le médecin persan Jirjis Ibn Bakhtiyashu Masîhî (m.775) de l’hôpital de Gondeshapur[6] en Perse. Il est à l’origine de la célèbre famille de médecins Bakhtiyashu. On peut ajouter que la ville de Gondeshapur a été fondée au IIIe siècle par le roi sassanide Shâpûr I. L’école médicale de Gondeshapur a été créée aux alentours de 370, et une autre Académie avec son école médicale, a été établie probablement sous le règne du roi sassanide Khusrû (Khosrô) Anûshirwân (m.578) au VIe siècle.

*  L’alchimiste, biologiste et philosophe Jâbir Ibn Hayyân (m.776), connu en Europe sous le nom latin de Geber. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages importants dont « La somme de la Perfection », « Le Livre des Fournaises », « La quête de la Perfection » et « L’invention de la Vérité ». Il a tellement influencé l’Europe que ses ouvrages ont été régulièrement traduits en diverses langues européennes jusqu’au XVIIe siècle. Au cours du Moyen Âge, son livre « La Somme de la Perfection » fut traduit à plusieurs reprises en latin ; une des dernières éditions françaises remontent à 1672. Premier grand expérimentateur, on dit qu’il a découvert l’acide nitrique et l’acide sulfurique. Ses écrits mentionnent pour la première fois des mots comme alcalin, sel d’ammonium (NH4CI), vitriol, orpiment et tuthie (oxyde de zinc). Il donne de manière relativement claire différentes méthodes pour préparer et purifier certains métaux, pour construire des fourneaux, pour obtenir des huiles végétales, pour nettoyer à l’aide de savons et de soude, ainsi que des techniques de distillation de divers liquides. Ses travaux en chimie restent inégalés jusqu’au XVIe siècle, date des écrits du chimiste italien V. Biringuccio et du minéralogiste allemand G. Agricola[7].

*  Le biologiste et philologue Al-Asma’î de Baçra (m.828), connu pour ses travaux sur la nomenclature anatomique du cheval et du chameau.

Lettre et culture

*  Le grammairien Khalil Ibn Ahmad (m.791), l’un des fondateurs de la poésie arabe. Il compose le premier dictionnaire de langue arabe.

*  Abû Bishr ‘Amr ‘Uthmân Sibawayh (m.796), disciple de Khalîl Ibn Ahmad, universellement considéré comme le plus grand grammairien arabe. Son ouvrage Kitâb al-‘Ayn (Le Livre Source), appelé par antonomase Al-Kitâb (Le Livre), est la base de tous les traités postérieurs de grammaire et de syntaxe.

*  Bashshar Ibn Burd (m.784) qui est le premier grand poète de la langue arabe, a être d’origine non-arabe.

*  Le célèbre poète Abû Nuwâs (m.810).

Divers

*  Ouverture de la première pharmacie publique à Baghdâd en 754. Pour comparaison, la première pharmacie européenne ouvre à Salerne au XIe siècle ; à Paris ce sera en 1180[8]. La pharmacologie arabe restera utilisée en Europe jusqu’au XIXe siècle[9].

*  Pendant son règne, le 3ème Calife Abasside Al-Mahdî pose les bases d’une administration moderne en créant différents secrétariats ou départements administratifs (Diwân), tels que : Diwân al-Kharâj (Département des Finances), Diwân al-Azimma (Contrôleur des Comptes des Départements de l’Administration), Diwân al-Barîd (Postes), Diwân ash-Shurta[10] (Maintien de l’Ordre).

*  Construction de la mosquée de Taril Hana, probablement le plus ancien monument islamique de Perse. Elle est située dans la ville de Damghan, au sud de la mer Caspienne, et possède deux minarets séparés de l’édifice principal.

*  Début de la construction de Jâmi’a Masjid, la Grande Mosquée, à Cordoue, en 785.

*  En Azerbaïdjan, la ville de Tabrîz (nom ancien Tauris), détruite dans le tremblement de terre de 791, est reconstruite sous le patronage de Zubayda Khatûn, l’épouse du Calife Hârûn Ar-Rashîd.

*  Introduction de l’industrie du papier dans le monde islamique. La première fabrique de papier est établie à Baghdâd vers 795.

IXe siècle : première moitié

800-909.  Règne de la dynastie arabe des Aghlabides en Ifrîqiya.

813-833.  Règne du Calife Abasside Al-Ma’mûn (m.833).

820-999.  Dynasties indépendantes dans la partie orientale de la Perse : Tahiride (820-873), Saffaride (863-902), Samanide (874-999).

  1. Conquête de la Crète (aujourd’hui en Grèce) par l’armée d’Abû Hafs, puissant cher Berbère de la tribu Rabadiyyûn, chassé de Cordoue par Hakam I (m.821).

827-832.  Conquête de la Sicile (aujourd’hui en Italie) par les Aghlabides.

  1. Invasion de Rome par les Aghlabides.

Les Acteurs

*  Le théologien et juriste Imâm Abû ‘Abd Allâh Muhammad Ibn Idrîs Ash-Shâfi’i (m.820) qui a donné son nom à l’une des quatre écoles de jurisprudence les plus courantes de l’Islam sunnite. Son ouvrage principal est Ar-Risâla (L’Épître) qui traite les fondements du droit (uçûl al-fiqh) ; il est le premier au monde à avoir créé une science abstraite du droit (distincte des codes de lois). Il est également l’auteur de Kitâb al-Umm (Le Livre Source) qui est un traité de fiqh (jurisprudence).

*  Abû Ubayd (m.838) célèbre compilateur de Hadîths et auteur de Kitâb al-Amwâl (Livre des Finances) sur les finances islamiques. Il est également auteur du plus ancien recueil de proverbes arabes.

*  Le théologien et philosophe mutazilite, fondateur de l’école de Baghdâd, Bishr Ibn Al-Mu’tamir (m.825).

*  Le théologien et philosophe mutazilite de l’école de Baçra, Abû Al-Hudhayl Muhammad Al-Allaf (m.841 ou 850). Il est l’auteur du Kitâb al-Hujaj (Livre des Preuves) dans lequel il détaille les cinq grands principes mutazilites.

*  Le théologien et philosophe mutazilite, Ibrâhîm Ibn Sayyar Ibn Nazzam (m.854). Il fut le disciple le plus brillant d’Abû Al-Hudhayl.

*  Ancien brigand repenti, originaire de Merv (Marw), le soufi Bishr Al-Hâfî (m.842)

*  Le soufi mystique Abû ‘Abd Allâh Hârith Ibn Asad Al-Anazî Al-Muhâsibî (M.857). Il a reçu le surnom de Muhâsibî (Comptable) car il avait l’habitude de tenir un compte de ses actes. Son grand ouvrage mystique Ri’âya li Huqûq Allâh, manuel complet de vie intérieure, exerça une grande influence sur l’Imâm Abû Hamîd Al-Ghazâlî, le grand philosophe mystique du XIe siècle, mort en 1111.

Science et technologie

*  Abû Ja’far Muhammad Ibn Mûsâ Al-Khwârizmî (m.850), l’un des plus grands mathématiciens du monde musulman qui fut aussi astronome et géographe. Il est originaire de Khiva, la capitale du Khwârizm (Khwarezm)[11]. Son traité, connu dans le monde entier, est intitulé Al-Muqâbala wa al-Jabar (Équations et Transpositions) ; de cette œuvre est dérivé le terme européen algèbre (al-jabar). Ses travaux sont à l’origine de la création de la branche mathématique de l’algèbre. Son nom en latin fut traduit en Alcoarism, ce qui donna le mot algorism en anglais, qui fut par la suite mal traduit par confusion avec le mot grec arithmos pour donner finalement algorithme. Ses autres œuvres célèbres sont « Le Livre de l’Addition et de la Soustraction » ainsi que « Le Traité sur les Mathématiques Indiennes ». Ses travaux ont introduit la notation décimale de position dans le Monde Musulman ainsi que dans l’Occident Chrétien. Son ouvrage géographique Çûrat al-Ard (Forme de la Terre) a permis le développement de la géographie dans le monde arabe. Il était attaché à Bayt al-Hikma (La Maison de la Sagesse).

*  Le mathématicien Al-Hajjâj Ibn Yûsuf Ibn Matar de Baghdâd (m.835), qui a traduit les travaux d’Euclide en arabe.

*  Le mathématicien Al-Himsî qui a révélé l’œuvre d’Apollonios de Perga.

* L’astronome et mathématicien Al-‘Abbâs Ibn Sa’îd Al-Jawharî (m.860), qui effectua l’un des premiers travaux sur la théorie des parallèles. Il était attaché à la Maison de la Sagesse (Bayt al-Hikma).

*  L’astronome persan Yahyâ Ibn Abî Mançûr (m.832), auteur de l’œuvre Az-Zij al-Muntahan (Tables Astronomiques Vérifiées).

*  L’astronome Sanad Ibn ‘Alî, fondateur de l’observatoire de Baghdâd.

*  L’astronome Abû Sa’îd Darîr (m.845/6) de la région Bahr Khizr (près de la mer Caspienne), auteur d’un traité sur les méridiens.

*  L’astronome Al-Abbâs qui introduisit pour la première fois la fonction tangente.

*  Le mathématicien ‘Abd Al-Hamîd Ibn Waçî (m.850), et les astronomes Ahmad Ibn Muhammad An-Nahawandî de Gondeshapur (m.835/45), et ‘Umar Ibn Farukhân (m.815) du Tabaristân.

*  L’astronome Ahmad Ibn ‘Abd Allâh Al-Marwarâdhî (de Merv), connu sous le nom de Hasbat al-Hâsib (Le Calculateur) qui compila une table de tangentes. Il est mort centenaire vers 870.

*  L’astronome Abû Al-‘Abbâs Al-Farghânî de Transoxiane, latinisé en Alfraganus (m.860), dont le livre Uçûl ‘Ilm an-Nujûm (Principe d’Astronomie) a été régulièrement traduit pendant des siècles. Il a établi de nouvelles tables astronomiques, améliorant ainsi l’Almageste de Ptolémée. Christophe Colomb a écrit que lors de son voyage vers l’Amérique, les calculs qu’il effectua pour déterminer le méridien et le zénith du soleil étaient les mêmes que ceux réalisés par Al-Farghânî. Soulignons que six siècles et demi séparent Colomb d’Al-Farghânî !

*  ‘Alî Ibn ‘Isâ Asturlâbî qui était expert dans la fabrication d’instruments astronomiques, et plus particulièrement les astrolabes, d’où son surnom.

*  Abû Zakariyyâ Yuhanna Ibn Masawayh (m.857), médecin de cour sous six Califes, dont Al-Hârûn et Al-Ma’mûn. Il a traduit des ouvrages médicaux grecs et byzantins en arabe. Il fut maître de Hunayn Ibn Ishâq.

*  Le philosophe et médecin ‘Alî Rabbân Tabarî (m. 861), dont la principale œuvre philosophique est Firdaws al-Hikma (Le Paradis de la Sagesse). En médecine, il est le premier à écrire sur les droits du patient ; il est ainsi le pionnier de la déontologie médicale. Il ne doit pas être confondu avec l’historien Abû Ja’far Muhammad Ibn Jarîr Ibn Yazîd At-Tabarî du Xe siècle.

*  Le philosophe et médecin Abû Yûsuf Ibn Ishâq Ya’qûb Al-Kindî, latinisé en Alkindus (m.873), considéré comme le premier grand philosophe du monde musulman. On lui doit, selon Ibn Nadîm, 241 ouvrages et selon Ibn Abî Usaybiya, 281[12]. en plus de la philosophie et de la logique, il a écrit des traités de médecine, de physiologie, d’astronomie, de mathématiques, de physique et d’optique géométrique. Il fut l’un des pionniers de Bayt al-Hikma (La Maison de la Sagesse), sorte d’académie des sciences fondée à Baghdâd. Ses ouvrages connus qui existent encore à ce jour sont « Matière, Forme, Mouvement, Espace et Temps », « Essence de la Philosophie », « Intelligence » et « Visions ». Il est le premier scientifique à donner une explication satisfaisante à la question de savoir pourquoi la surface de la terre est plus chaude que l’atmosphère. Il est également le premier à expliquer la formation des nuages et le mouvement des vents, en se basant sur les différences des températures. Il a traduit en arabe de nombreux textes de philosophie grecque et il fut le premier savant musulman à essayer de concilier philosophie et religion. La grande tradition de la philosophie musulmane prenait avec lui son départ.

Lettres et culture

*  L’historien et généalogiste Ibn Al-Kalbî (m.819), spécialiste de l’histoire antique pré-islamique d’Arabie.

*  Le grand historien et biographe Abû ‘Abd Allâh Muhammad Ibn ‘Umar Ibn Wâqîdî (m.822), connu pour ses récits des premières batailles et conquêtes : Kitâb at-Târîkh wa-l-Maghâzî (Livre de l’Histoire et des Batailles) ; Futûh al-Irâq (Conquête de l’Iraq), Futûh ash-Shâm (Conquête de la Syrie).

*  Muhammad ‘Abd Al-Mâlik Ibn Hishâm (m.834), historien et biographe d’une grande renommée. Sa biographie du Prophète (Sîrat) est célèbre, à juste titre. C’est la plus ancienne biographie existant du Prophète ; elle est l’abrégé de la première Sîrat monumentale composée par Muhammad Ibn Ishâq (m.767).

*  L’historien Muç’ab Az-Zubayrî (m.850), auteur de Nasab Quraysh (La Généalogie des Quraysh).

*  L’historien Muhammad Ibn Sa’d, (m.844°, auteur de plusieurs biographies volumineuses. Il est spécialiste dans la connaissance des transmetteurs de Hadîths (‘Ilm ar-Rijâl ou Ma’rifat ar-Rijâl). Son œuvre la plus connue est Kitâb at-Tabaqât (Le Livre des Catégories), dans lequel il classe les Compagnons du Prophète (Çahâba) et ceux qui les suivirent (Tâbi’în).

*  Les écrivains et poètes Aç-Çûlî, Abû ‘Atâhiya (m.826) et Abû Tammâm (m.845).

Divers

Fondation de Bayt al-Hikma (La Maison de la Sagesse) à Baghdâd, en 832. Ce fut une sorte d’académie des sciences, où, dans un premier temps, l’héritage culturel de l’Antiquité grecque et sanskrite fut traduit en arabe. Par la suite, elle servit de centre avancé d’érudition pour le monde entier. Dans le monde musulman, d’autres centres furent ensuite créés sur son exemple, comme l’École de Médecine de Cordoue fondée par le Calife ‘Abd ar-Rahmân III vers 950, Dâr al-Hikma, Jâmi’a al-Azhâr au Caire en 972 et Madrasa Nizâmiyya à Baghdâd en 1067.[13]

*  C’est probablement au cours de ce siècle que fut écrit Alf layla wa Layla (Les Mille et une Nuits), chef-d’œuvre anonyme de la littérature arabe. Il est composé d’un ensemble de contes et de légendes comme ceux de Shéhérazade, Ali Baba, Sindbad le marin, Aladin et la Lampe merveilleuse, etc., devenus depuis partie intégrante du patrimoine mythique universel[14].

IXe siècle : seconde moitié

868-905.  Règne de la Dynastie Tulunide en Égypte et en Syrie.

  1. Conquête de l’île de Malte.

875-999.  Règne de la Dynastie Samanide au nord-est de la Perse, en Afghanistan et au Tadjikistan.

  1. L’Italie est reprise par les forces chrétiennes sous le commandement de Basile I (m.886).

Les Acteurs

Théologie et jurisprudence

*  Le théologien et juriste Imâm Ibn Muhammad Ibn Hanbal (m.855), qui a donné son nom à l’une des quatre écoles de jurisprudence les plus connues de l’Islam sunnite. Son œuvre la plus populaire est le volumineux recueil de traditions Al-Musnad.

*  Ad-Darimî (m.869), un des principaux compilateurs de Hadîths.

*  Le grand mystique soufi Abû Al-Fayd Thawbân Ibn Ibrâhîm Dhû An-Nûn Al-Miçrî (m.859) considéré comme le père de la mystique. On lui attribue la doctrine ma’rifa (gnose) et la classification des états mystiques.

*  Le soufi Sarî As-Saqatî (m.871), un des disciples d’Al-Muhâsibî.

*  Le mystique soufi Abû Yazîd Al-Bistâmî (m.874) connu sous le nom de Bayazîd, de la ville de Bistâm dans le Khurâsân.

*  Le mystique et philosophe Hakîm Tirmidhî. Il reste avant tout, dans l’histoire du Soufisme, le théoricien de la walaya (amitié que Dieu réserve à ceux qui Le servent). Il ne faut pas le confondre avec ‘Alî At-Tirmidhî, le traditioniste.

*  Les six grands traditionistes (spécialistes du Hadîth), auteurs des Çihâh Sitta (Les Six recueils Authentiques) qui rassemblent les paroles et traditions du Prophète de l’Islam : l’Imâm Abû ‘Abd Allâh Muhammad Ibn Ismâ’îl Al-Bukhârî (Bukhârî, m.870), l’Imâm Abû Al-Husayn Muslim Ibn Al-Hajjâj An-Nishapurî (Muslim, m.875), l’Imâm Abû Dâwûd As-Sijistânî (Abû Dâwûd, m.888/9), l’Imâm Abû ‘Abd Allâh Ibn Mâjah (Ibn Mâjah, m.886), l’Imâm Abû Muhammad ‘Alî At-Titmidhî (Tirmidhî, m.892) et l’Imâm Abû ‘Abd Ar-Rahmân An-Nasâ’î (Nasâ’î, m.915).

Science et technologie

*  L’astronome et géomètre Al-Mahânî (m.880) de la région de Kirmân, qui a étudié le problème de la division d’une sphère selon une équation cubique, solution qui porte son nom. Le célèbre mathématicien et poète du début du XIIe siècle, ‘Umar Khayyâm, écrivit que Al-Mahânî fut le premier mathématicien à poser le problème algébrique d’une équation du troisième degré, et que Abû Ja’far Al-Khâzinî (Xe siécle) en donna la solution.

*  Le mathématicien Ahmad Ibn Yûsuf d’Égypte (m.912), dont les travaux principaux portent sur les problèmes de proportions.

*  Les astronomes Hamîd Ibn ‘Alî et Abû Bakr, le Persan ; l’arithméticien Al-Kalwâdhî et le mathématicien Al-Qalsadî (m.890).

*  Les frères Banû Mûsâ Ibn Shâkir. Il s’agit de trois frères, Muhammad, Ahmad et Hasan, dont le père Mûsâ Ibn Shâkir était un bandit qui devint un ami personnel du Calife Al-Ma’mûn. À la mort de Mûsâ, le Calife mit les trois jeunes garçons sous la garde de Yah^ya Ibn Abî Mançûr, astronome et directeur de Bayt al-Hikma. Par la suite les trois frères ouvrirent leur propre institution où des travaux scientifiques furent traduits. On raconte qu’ils échangeaient des livres contre leurs poids en or. Des scientifiques et des traducteurs de renom comme Hunayn Ibn Ishâq et Thâbit Ibn Qurra furent formés dans leur école. Muhammad était un grand mathématicien, astronome et philosophe. Ahmad était un ingénieur et technicien doué, dont le livre sur les automates, « Le Livre des Objets Ingénieux », rencontra un grand succès et fut traduit dans plusieurs langues européennes. Quant à Hasan, il fut un géomètre remarquable. Ensemble, ils mesurèrent la précession des équinoxes avec précision ainsi que la latitude de Baghdâd : 33°20′, soit une valeur qui diffère seulement de 10 secondes de la valeur actuelle. Leur travail en astronomie fut traduit par Gérard de Crémone : Liber Trium Fratum (Le Livre des Trois Frères).

*  L’astrologue Abû Mashar (m.888), natif de Balkh dans le Khurâsân, maître dans l’art de faire des prophéties après étude des mouvements stellaires. Son principal ouvrage, Kitâb al-Qirânât (le Livre des Constellations) fut traduit en latin ; cela popularisa l’astrologie en Europe. Il est connu sous le nom latin d’Albumasar.

*  L’arithméticien, astronome, botaniste et historien persan Abû Hanîfa Ahmad Ibn Dâwûd Ad-Dînawarî (m.895), auteur de Kitâb an-Nabât (Le Livre des Plantes), l’un des premiers travaux musulmans sur la botanique qui servit de pilier pour les générations suivantes. En histoire, son Akhbâr at-Tiwâl (Les Longues Narrations) est une histoire universelle axée sur la Perse. Son principal travail en astronomie reste le Kitâb al-Anwâ’ (Le Livre des Étoiles).

*  Le pharmacologue Çabûr Ibn Sahal (m.869) de Gondeshapur, auteur d’un traité sur les antidotes.

*  Le grand mathématicien et médecin Thâbit Ibn Qurra Al-Harrânî (m.901) qui a traduit le travail d’Archimède sur les sphères et les cylindres et a écrit des traités spécialisés sur les sections coniques. Il a également donné une démonstration claire du théorème de Pythagore, ainsi qu’une méthode de construction des carrés magiques. On dit qu’il a inventé la technique du massage cardiaque.

*  Le médecin Abû Zayd Hunayn Ibn Ishâq (m.873/7) de l’école de Gondeshapur, qui a traduit en arabe des œuvres médicales grecques ainsi que les œuvres d’Archimède, de Théodose et de Menelaüs. Il a également écrit « L’Histoire des Grands Médecins Arabes », ainsi que les deux traités de médecine ‘Ashr Maqâlât fî-l-‘Ayn (Dix chapitres sur l’Oeil) et Masâ’il fi-t-Tibb (Questions de Médecine).

* L’incomparable Abû Bakr Muhammad Ibn Zakariyyâ Ar-Râzî, latinisé en Rhazès (m.923). Originaire de la ville de Rayy en Perse, il était un grand médecin, clinicien et chimiste, et fut le chef du Bimaristan (Hôpital) fondé à Baghdâd en 918 par le Calife Al-Muqtadir. Il écrivit une encyclopédie médicale en 20 volumes : Kitâb al-Hawî (Le Livre Complet), dont il fit un résumé en 10 volumes sous le titre d’Al-Mançûr. Sa version latine fut imprimée à Padoue, Italie, en 1432 sous le titre Liber Nonus Ad Almansorem. Il est le premier praticien de l’histoire de la médecine à écrire un livre sur les maladies infantiles et peut donc être considéré comme le premier pédiatre. Il est le premier à faire une distinction entre la rubéole et la rougeole et dans son « Traité sur la Variole et la Rougeole », il donne une description claire de ces deux maladies. Il a expliqué comment un laboratoire chimique devrait être équipé. Son travail le plus célèbre en chimie est Sirr al-Asrâr (Secret des Secrets) dans lequel il décrit la déshydratation de l’alcool par la chaux, la préparation de l’acide sulfurique à partir du sulfate ferrique, différentes techniques de distillations, etc. Il a établi la division des substances selon le règne animal, végétal et minéral. En plus des sujets précédents, il a écrit plusieurs livres sur l’histoire, la philosophie, la métaphysique, la théologie, les mathématiques et l’astronomie ! Ses ouvrages, tout comme ceux d’Ibn Sînâ (Avicenne), furent enseignés dans toutes les universités médicales européennes jusqu’au XVIIIe siècle. À l’Université de Francfort-sur-l’Oder, le programme de médecine resta exclusivement basé sur les travaux d’Ibn Sînâ et d’Ar-Râzî jusqu’au XVIIe siècle. Jusqu’en 1745, on continua d’imprimer le traité d’Ar-Râzî sur la variole, soit près de neuf siècles après sa rédaction ! Il est, sans aucun doute, le plus grand clinicien musulman de tous les temps. Mahmûd Najamabadi, dans sa biographie consacrée à Ar-Râzî, lui reconnaît 250 livres et articles dont, selon Brockerlmann, seulement 59 sont parvenus jusqu’à nous.[15] « Le catalogue de ses ouvrages, selon la distribution faite par Al-Birûnî, donne : 56 écrits sur la médecine, 33 sur d’autres sciences naturelles, 8 de logique, 10 de mathématiques, 23 de philosophie et métaphysique, 14 de théologie, 23 d’alchimie et 17 sur des sujets variés »[16].

*  L’historien et géographe arabe Ya’qûbî, dont le nom complet est Ahmad Ibn Abû Ya’qûb Ibn Ja’far Ibn Wahâb Ibn Wadîh Al-Ya’qûbî (m.897). Ses plus importants travaux sont Târikh Ibn Wadîh (Chroniques d’Ibn Wadîh), une histoire universelle allant jusqu’en 872 et Kitâb al-Buldân (Le Livre des Pays), un remarquable traité de géographie.

*  Le géographe persan Ibn Khurdadbeh (m.860), auteur de Kitâb al-Masâlik wa al-Mamâlik (Le Livre des Routes et des Pays). Fils de ‘Abd Allâh Ibn Khurdadbeh, gouverneur du Tabaristân, il fut le Receveur Principal des Postes du gouvernement Abbasside.

Lettres et culture

*  Le voyageur et marchand Sulayman, qui écrivit en 851 un livre sur la Chine ultérieurement complété par Abû Zayd Al-Balkhî (en 880). La traduction de cet ouvrage fut le premier livre sur la Chine que connut le monde occidental.

*  Zubayr Ibn Bakkar (m.870), neveu de Muç’ab Az-Zubayrî, auteur d’un ouvrage d’une grande érudition sur la généalogie.

*  Le philosophe Al-Jahîz (m.869), un étudiant d’An-Nazzâm. Sa pièce maîtresse est Kitâb al-Hayawân (Le Livre des Animaux), qui est une anthologie de textes poétiques. Il est aussi l’auteur d’un livre satirique, Kitâb al-Bukhâlâ’ (Le Livre des Avares).

*  L’historien et biographe Abû Al-Abbâs Ahmad Ibn Yahyâ Ibn Jâbir Al-Balâdhurî (m.892), connu pour ses travaux Futûh al-Buldân (Conquêtes des Villes) et Ansâb al-Ashrâf (Généalogie des Nobles).

*  L’historien égyptien Ibn ‘Abd al-Hakam, connu pour son œuvre Futûh Miçr (Conquêtes Égyptiennes).

*  L’historien, grammairien et théologien Ibn Qutayba (m.889), auteur de différents travaux encyclopédiques. Son chef-d’œuvre, ‘Uyûn al-Akhbâr (Sources de Nouvelles), est une sorte d’anthologie encyclopédique dans laquelle il traite de tous les sujets possibles et inimaginables (questions de gouvernement, de guerre, d’ascétisme, d’alimentation, etc.), le tout agrémenté de nombreuses citations et de passages poétiques. Les autres œuvres célèbres d’Ibn Qutayba sont Kitâb al-Ma’ârif (Le Livre des Connaissances), un manuel d’histoire, Kitâb Tawil Mukhtalif al-Hadîth (Livre des Divergences du Hadîth), et son Kitâb ash-Sha’r wa ash-Shu’arâ (Le Livre de la Poésie et des Poètes). 29 de ses œuvres authentiques existent encore.

*  Le célèbre poète syrien Abû ‘Ubadah Al-Walîd ibn ‘Ubayd Allâh Al-Buhturî (m.897). Il fut le disciple d’Abû Tammâm.

Divers

*  Début de l’édification de la Mosquée d’al-Qarawiyyîn en 862. C’était la plus grande de tout le Maghreb, et la mosquée officielle de Fès.

*  Fondation de l’Hôpital du Caire en 872. Par la suite, sous le Calife Abasside Al-Muqtadir, sera fondé l’autre grand hôpital de Baghdâd en 918. Le Grand Hôpital du Caire fut quant à lui créé en 1276 et servit de modèle dans le monde musulman.[17]

*  Construction de la mosquée historique d’Ibn Tulun à Fustât (Caire).

[1]     Cf. Augé.

[2]                  Tâbi’ î : musulman de la génération suivant celle des Compagnons du Prophète, qui a connu ces derniers.

[3]                  Muhammad (bsl) [2 tomes], Éditions Albouraq, 2001.

[4]     Cf. Hamidullah (10).

[5]     Cf. Hunke.

[6]     Gondershapur : Jundisabûr en langue arabe.

[7]     Cf. Britannica.

[8]     Cf. Rullière.

[9]     Cf. Pareja.

[10]   Le terme arabe Shurta (police) est à l’origine du mot français « sûreté » ; cf. La sûreté Nationale.

[11]            Khwârizm (Khwarezm) : ancienne région historique située le long du fleuve Amou Daria (Oxus) au Turkestan, actuellement dans les territoires du Turkménistan et de l’Ouzbékistan.

[12]   Cf. Badawi.

[13]   Noms de quelques institutions non musulmanes importantes de l’Histoire : l’Académie, école philosophique fondée à Athènes au IVe siècle av J.-C par Platon ; l’École médicale de Gondeshapur, en Perse vers 370 ; l’École de Salerne en 750 ; l’Université d’Oxford en 1167 ; l’Université de Paris en 1215 ; l’université de Montpellier en 1220, bien que l’École Médicale de Montpellier existe depuis 1137 ; l’Université de Cambridge en 1223. Cf. Rullière.

[14]   Cf. Ifrah.

[15]   Cf. Badawi.

[16]   Cf. Pareja.

[17]   Fondation d’hôpitaux non musulmans dans l’Histoire : vers 250 av J.-C, sous le règne d’Asoka en Inde, fut fondé un hôpital faisant également office de clinique vétérinaire et étant attaché à un jardin botanique ; l’hôpital de Cesare en Cappadoce en 370 ; l’hôpital de Rome en 380 ; l’hôpital de Jérusalem en 400 ; l’hôpital de Mérida en Espagne en 580 ; l’hôpital d’Éphèse en Ionie en 610 ; l’hôpital Hôtel Dieu à Paris en 651 ; l’hôpital St Albans à Londres en 794. Cf. Rullière.

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