Commentaire du verset 31 de la sourate an-Nour au sujet du port du voile
Selahaddin Kip
Le voile, tel que mentionné dans le dictionnaire Lugat, signifie « se couvrir ». Ce sujet est l’un des problèmes importants de notre religion. De nos jours, le quotidien est alimenté par les manifestations qui hantent au maximum une partie de notre peuple. C’est pour cette raison que j’ai bien voulu apporter quelques éclaircissements sur ce sujet sous un angle religieux. Car notre peuple est musulman.[1] La tranquillité quant à ces questions n’est effective qu’à l’aide d’une prise en compte de la religion. Car ce problème reste un sujet de préoccupation pour les gens qui veulent vivre la religion en tant qu’individu.
Lors des divers débats et colloques organisés sur ce sujet, il y eut à l’issue de ces différentes explications divergentes des gens qui ont obnubilé l’esprit des gens.
Dans tous les sujets religieux, avant les pensées et points de vue personnels, le verdict net et sans appel de la religion sur ce sujet en question doit être bien connu.
Comme cela est connu, la religion ne donne aucune contrainte. D’ailleurs, toute chose que l’on fait accomplir par force sort des normes de la religion. Elle n’est qu’un droit et un devoir pour ceux qui y croient afin de pouvoir appliquer ses recommandations et connaître ses verdicts. Et puisque les savants en religion sont ceux qui doivent enseigner cela, ils sont amenés à expliquer les sujets religieux tels qu’ils sont, sans interprétation forcée ni partie pris, sinon ils seraient responsables de tout éventuel questionnement. Pour ce fait, il est nécessaire de faire appel aux sources mêmes de la religion. Ces dernières sont au nombre de quatre :
- Le Coran,
- La Sunna du Prophète (pbsl),
- Le consensus des Oulémas,
- Le syllogisme du droit coranique.
Relativement à cette question centrale qui nous intéresse présentement, notre argumentaire sera par conséquent tiré des points précédents évoqués.
Une expression claire de ce sujet est affirmée dans le verset 31 de la sourate an-Nour :
« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées de leurs parures. […] Et repentez-vous tous devant Allah, ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. »
Ce verset, dans la partie suivante, fait l’objet de détails concernant les proches auxquels les femmes musulmanes peuvent se découvrir.
Faisons ici l’analyse des mots employés dans ce passage précis du verset et voyons quelle sorte de verdict il a exprimé !
« Baisser leurs regards » est exprimé par le mot « Gadd ». Ce mot exprime « le fait de baisser les yeux ». C’est-à-dire que si l’on baisse les yeux et regardons ailleurs, les yeux ne verront pas la chose en question. Cependant nous trouvons ici la préposition « min » qui désigne le non-désir de fermer totalement les yeux et exprime le morcellement en fragments. C’est-à-dire que cela indique le fait qu’il est demandé de couvrir certaines parties. Conformément à cet état, l’objectif de la fermeture de l’œil n’est pas ici de le fermer totalement, mais plutôt de le fermer aux choses qui peuvent être inconvenantes, en clair partiellement.
Quand on essaie de donner un sens à ce verset, il y a des règles très importantes à suivre. D’abord, les mots qui y sont évoqués doivent être commodes au sens. Ce sens ne doit pas être en opposition avec un autre verset. Il ne doit pas également y avoir de contradiction avec n’importe quel verdict stable, avec la Sunna ou le consensus (ijma). Ici nous comprenons que l’objectif de ce qui est exprimé dans ce verset, c’est l’honneur. Le hadith suivant dévoile aussi le fait qu’il n’est pas nécessaire de fermer totalement les yeux : « Une part de fornication est décrétée pour la descendance d’Adam et c’est lui qui va l’y amener. Regarder est la fornication de l’œil, parler est la fornication de la langue, écouter est la fornication de l’oreille, toucher (tâter) est la fornication de la main, suivre quelqu’un de près est la fornication des pieds. L’ego ne souhaite que cela. Il éprouve de l’appétit. La différenciation va confirmer ou démentir cela. »
Un autre hadith dit aussi : « Soyez de la sorte à ne pas vous asseoir sur les chemins, s’il vous faut forcément vous y asseoir, alors payez le droit inhérent au chemin. » Quand la question « qu’est-ce que le droit inhérent au chemin » lui fut posée, le Messager de Dieu répondit : « Fermez les yeux, retenez vos mains, si l’on vous adresse le salam, répondez-y, ordonnez le juste et interdisez ce qui est prohibé. » (Bukharî, Muslim, Abû Dawûd)
Nous comprenons par-là que l’action de fermer les yeux (encore une fois dans le sens de baisser le regard) évoquée dans le verset coranique précité ne consiste pas seulement à une fermeture physique des yeux, mais plutôt à une fermeture ayant le sens de protéger l’honneur.
Certaines paroles de sagesse ont été formulées à cet égard, comme par exemple Hammas qui, dans un distique, déclame ceci :
« Si tu laisses tes yeux sans surveillance devant ton cœur, tu finiras par tomber un jour dans le filet de tes regards. Il ne te sera ni possible d’avoir accès à tout ce que tu es censé voir, ni garder ta patience face à certaines choses ! »
Un autre distique de Shawqi montre que :
« C’est un regard, un sourire perplexe, une salutation ; c’est un « qalam », c’est un rendez-vous et une rencontre » dit-on. L’affirmation selon laquelle les regards que se lancent les gens entre eux portent une influence sur les relations est une chose indéniable… Dans le verset coranique faisant mention de la fornication : « Et n’approchez point la fornication » (17/32), cela signifie que toutes les pratiques qui conduisent à la fornication sont interdites dans tous ses genres, elles sont toutes dites illicites. Cette phrase : « c’est plus pur pour vous » mentionnée dans ce verset enseigne la façon dont les gens peuvent rester purs quand dans un passage du Saint Coran la pureté du Prophète (pbsl) est évoquée : « (…) Et si vous leur demandez (à ses femmes) quelque objet, demandez-le-leur derrière un rideau : c’est plus pur pour vos cœurs et leurs cœurs… » (33/53) »
Et dans un autre hadith : « Je vous préviens, que jamais un homme reste isolé en compagnie d’une femme (qui lui est étrangère). Si ces deux se retrouvent ensemble dans un endroit isolé, forcément le troisième ne peut être que Satan. Ne vous séparez pas de la communauté ! Satan est proche de celui qui reste seul, il est même plus éloigné que deux personnes (de sexe opposé) isolées ensemble » (Tirmidhî)
Il est spécifié dans le verset : « … qu’elles (les femmes) ne montrent leurs atours qu’à… » Cette phrase étant répétée deux fois dans le verset, cela démontre certainement le soin porté sur ce point. Quant aux atours, qu’est-ce que cela signifie ? Les savants ici disent que « quand l’état est évoqué, l’endroit est suggéré », c’est-à-dire que les atours en question dans ce cas précis ne font pas référence aux colliers, bracelets, boucles d’oreilles, bagues ou khôl… Il n’y a aucun inconvénient à ce que ces objets soient vus à l’extérieur. Il n’est pas non plus interdit que ces choses soient exposées en magasin, dans un coffre ou dans des endroits tout autant similaires. Seulement, quand ces objets sont portés, il est interdit de les montrer et de les afficher à l’air libre. Car ce qui est à l’origine du trouble, ce qui ouvre la porte à l’injustice, ce ne sont pas ces choses en tant que telles, mais c’est l’exposition à l’air libre des endroits du corps où elles sont placées. Celles qui agissent ainsi, n’acceptent-elles pas le fait que ceci est contraire à la religion ? Pourquoi alors s’efforcent-elles avec insistance d’exposer tout cela ?… Encore une fois, ce n’est pas le fait de porter ces ornements qui est interdit (le faire dans le privé), mais c’est leur exposition publique qui est mise en cause.
On ne joue pas avec les injonctions de Dieu. Tous ceux et toutes celles qui se dresseront contre ces injonctions divines seront perdants. En aucun cas la religion, quant à elle, ne sera vaincue.
[1] Il s’agit du peuple turc (NDLR).