De la moralité exemplaire des bien-aimés d’Allah : L’obéissance au Prophète par amour et déférence
Osman Nûri Topbaş
Pour que la religion puisse être vécue avec amour, affection, sérénité et saveur, il est indispensable que le Coran et la Sunna soient présents à chaque étape de la vie. Pour une telle approche de l’esprit, le plus important est que le cœur soit orné « d’amour » car cet amour amène avec lui la foi et le sacrifice. Cet amour dont il est question ne peut se construire que grâce au courant spirituel qui se situe entre les cœurs.
Anas ibn Malik, l’un des Compagnons du Prophète, raconte :
Un homme vint au Prophète et lui demanda :
« Ô Messager d’Allah ! Quand aura lieu le Jour du Jugement dernier ? »
Le Prophète répondit :
« Qu’as-tu préparé pour ce Jour ? »
L’homme répliqua:
« L’amour d’Allah et de Son Messager. »
Le Prophète lui dit alors:
« Si c’est ainsi, tu seras avec celui que tu aimes. »
Anas continue de commenter ce récit:
« Outre entrer dans l’islam, il n’y a rien d’autre qui nous a fait tant plaisir que cette parole de l’Envoyé d’Allah : « il est certain que tu seras avec celui que tu aimes. » Voilà, moi aussi, j’aime Allah, Son Messager, Abû Bakr et aussi ‘Umar ; et même si je n’ai jamais pu agir comme eux ont agi, je garde néanmoins l’espoir de demeurer parmi eux. » (Muslim, Birr, 163)
Nous pouvons connaître notre Prophète selon la mesure de l’amour que nous lui portons. Un sentiment de similarité est vécu entre l’amour lui-même et l’objet aimé. Ce hadith : « L’homme est avec celui qu’il aime » (Bukharî, Adab, 96) exprime l’unité des cœurs. Autrement dit, celui qui aime essaie de ressembler à l’être aimé selon le degré de son amour envers lui et commence à s’en inspirer. La plus importante spiritualité que nous devons bénéficier également du Prophète, c’est de pouvoir intérioriser son amour au plus profond de nous.
Avec le regard affectionné d’Abû Bakr
Lorsqu’on parvient à un niveau très élevé en matière d’amour, la véritable amitié se définit. Dans toute l’humanité, c’est Abû Bakr qui incarne le summum de cette véritable amitié puisqu’il était uni de cœur avec le Prophète et avait sacrifié sa vie, ses biens et tout ce qu’il possédait pour Lui. Les sacrifices qu’Abû Bakr effectua ont été pour lui le plus grand honneur qu’il pouvait exprimer envers le Prophète. Ainsi, en raison de l’horizon de cet amour si singulier, il déclara ceci :
« Trois choses m’ont été rendu agréable dans ce monde :
- Contempler le visage du Prophète
- Que ma fille soit devenue son épouse
- Mettre mes biens à son service. »
En d’autres termes, le fait qu’Abû Bakr ait donné tout ce qu’il possédait à Allah et à Son Messager a permis à sa foi de rayonner. De plus, cette relation avec le Prophète était si intense que même après sa mort il faisait vivre au fond de lui son souvenir et œuvrait de la même manière que de son vivant. Tel cet exemple relaté par Abû Hurayra :
Un jour, Abû Bakr monta sur le minbar (la chaire) :
« Comme vous le savez, le Messager d’Allah se tenait l’année dernière à cette même place où je me tiens présentement » dit-il alors que des larmes coulaient de ses yeux. Puis il voulut répéter les mêmes paroles, mais sa gorge fut nouée (par l’émotion). Lorsqu’il voulut les répéter une troisième fois, il ne put se contenir et se mit à pleurer. (Voir. Tirmidhî, Deavât, 105)
Tous les cœurs sages qui connaissaient le lien intime qui unissait le Prophète et Abû Bakr tentaient à chaque occasion de bénéficier de lui ; grâce aux souvenirs attachés à notre Prophète, ils essayaient d’apaiser leur nostalgie.
Al-Bara Ibn Âzib, un des Compagnons, évoque de la manière suivante le désir qu’avait son père d’écouter un souvenir relatif au Prophète :
Abû Bakr acheta une selle à mon père et me sollicita pour que je l’emmenasse jusque chez lui quand soudain mon père s’exclama : « Non ! Pas avant que tu évoques la façon dont vous avez émigré de La Mecque à Médine alors que les idolâtres étaient à vos trousses. » (Voir Bukharî, Ashâbu’n Nabî, 2, Ahmad, I, 2)
De même, ces paroles d’Abû Bakr expriment de la plus belle façon le lien intime qui l’unissait au Prophète :
« Aimer le Messager d’Allah est plus important que de saisir l’épée dans la voie d’Allah. » (Bağdadî, Târihu Bağdad, VII, 161)
Maints exemples similaires ont été aperçus à Badr, Uhud et Khandaq.
Un amour sans réserve
Les Compagnons avaient un tel amour pour le Prophète qu’ils se sentaient redevables à vie, aussi offrirent-ils tous leurs biens dans la voie d’Allah et de Son Messager. À titre d’exemple parmi les plus évocateurs, il y a ce fameux jour d’Uhud où l’armée de l’islam connut une grande débâcle. En effet, un groupe de polythéistes, profitant de l’inattention des musulmans, prirent pour cible le Messager d’Allah et passèrent à l’offensive. Une partie des croyants parmi les Ansars et les Muhajjirouns encerclèrent le Prophète afin de le protéger ; d’un commun accord et en son nom ils se sont entendus pour mourir martyr, disant :
« Que notre visage soit un bouclier devant ton visage et que notre corps soit sacrifié pour toi ! Que le salut d’Allah soit sur toi à chaque instant ! Jamais nous ne nous séparerons de toi ! »
Avec la force qui leur restait, ils combattirent jusqu’à leur dernier souffle. (Ibn Sa’d, II, 46 ; Al-Waqidî, I, 240)
Abû Talha était un excellent archer qui tirait très vite. Lors de la bataille d’Uhud, alors que le combat était intense, deux-trois arcs néanmoins se brisèrent dans sa main. Le Messager d’Allah s’adressa à tous ceux qui possédaient encore des flèches dans leur carquois :
« Déposez vos flèches auprès d’Abû Talha ! »
À un moment donné, quand le Prophète voulut se retourner pour examiner la situation de l’ennemi, Abû Talha dit :
« Que ma mère et mon père te soient sacrifiés ô Messager d’Allah ! Ne lève pas la tête ! Peut-être que l’une des flèches de l’ennemi pourrait t’atteindre. Que mon corps soit le bouclier de ton corps. Que ce qui peut t’atteindre puisse m’atteindre aussi ! » (Bukharî, Mağazî, 18)
Sa’d ibn Abî Waqqas, alors qu’il était à côté du Prophète de l’univers et qu’il faisait pleuvoir ses flèches sur l’ennemi, face à son esprit de sacrifice, se vit entendre de la part du Prophète :
« Ô Sa’d, n’hésite pas à lancer tes flèches ! » Que ma mère et mon père te soient sacrifiés ! » Avec une certaine envie, Hazrat ‘Ali dit à propos de ce grand compliment :
« Moi je n’ai jamais entendu le Prophète dire « que ma mère et mon père te soient sacrifiés » excepté à Sa’d. » (Tirmidhî, Adab 61, Manâkib 26 ; Ahmed, I, 92)
Une fois la bataille de Uhud achevée, le Prophète s’enquit de la situation de Sa’d car il l’aimait particulièrement parmi ses autres Compagnons. Il envoya l’un de ces derniers sur le champ de bataille afin de le quérir. Le Compagnon, malgré les recherches effectuées, ne put retrouver Sa’d. Cependant, alors qu’il fût sur le point de s’en aller, en guise de dernier espoir, il se mit à crier :
« Eh Sa’d ! C’est le Messager d’Allah qui m’envoie. Il m’a ordonné de lui dire si tu es vivant ou bien martyr ! »
À ce moment, Sa’d, qui vivait ses derniers instants et qui n’avait plus la force de répondre, ayant ouï que le Messager d’Allah s’inquiétait de son sort, rassembla toutes ses forces et dit : « Je suis ici, parmi les morts ! »
Le Compagnon (qui avait été envoyé par le Prophète) se précipita près de Sa’d et trouva son corps transpercé de coups d’épée. Il put néanmoins recueillir ses dernières paroles sous forme de gémissements :
« Wallah ! Tant que vos yeux ne bougent pas, si vous ne protégez pas le Messager d’Allah de ses ennemis et qu’il lui arrive quoi que ce soit, vous n’aurez aucune excuse devant Allah ! » (Muwatta, Djihâd, 41 ; Hâkim, III, 221/4906 ; Ibn Hishâm, III, 47)
Il convient de noter que les attaques perpétrées à l’encontre du Sultan des prophètes de son vivant se poursuivent aujourd’hui de façon différente, couvrant des formes variées telles que l’insulte la plus abjecte et /ou la langue emplie de venin. À l’époque du Prophète, les Compagnons, au risque de leur vie, furent pour lui un bouclier. De nos jours, cela signifie pour nous montrer de l’attention et de la sensibilité à l’égard de l’héritage du Prophète. Ladite attention est une dette que nous assumons en tant que communauté de Muhammad.
N’oublions pas que le Prophète n’a laissé aucun héritage mondain ; le véritable héritage qu’il a laissé à sa communauté, c’est sa personnalité, son identité et sa foi. Son plus grand trésor est le Coran et la Sunna. Par conséquent, il est nécessaire que nous prenions garde à ce trésor et à cet héritage, que nous fortifiions notre foi par sa moralité et que nous soyons son digne représentant en tout temps et en tout lieu. Il ne faut pas oublier également que cette attitude représente pour nous un test de foi.
Dans l’esprit du Messager d’Allah, il se joint pour ainsi dire aux soucis de sa communauté jusqu’au Jour du Jugement. Tout au long de son existence, il lutta pour sauver l’humanité jusqu’à sa mort ; jusqu’à son dernier souffle, il invoqua son Seigneur en faveur de sa communauté et il n’y eut jamais de conscience aussi substantielle que la sienne.
En effet, il accordait inlassablement un amour et une attention inégalés à l’égard de ses Compagnons. Il était leur confident, et, dès l’aube, il se trouvait toujours auprès des personnes nécessiteuses. Ainsi, avec l’aide d’Allah, il éduqua une communauté de croyants qui l’aima en retour.
Le message provenant de son être empli de grâce pour sa communauté est : « La personne dont vous solutionnez son problème est à vous et la communauté que vous aimez vous appartient. »
Les Compagnons qui ont évolué dans un tel climat d’amour disaient à notre Prophète : « Que ma mère et mon père te soient sacrifiés ô Messager d’Allah ! » Ils sacrifièrent en effet leur vie pour lui ; c’était pour eux comme quelque chose de savoureux. Parmi de nombreux exemples, nous pouvons citer celui vécu lors de l’évènement de Radji :
Le Messager d’Allah avait envoyé des enseignants auprès de tribus proches (de Médine) afin de leur apprendre l’islam. Les tribus d’Adal et de Qara’ furent parmi celles qui sollicitèrent l’octroi de maîtres enseignants. Un groupe de dix enseignants leur fut donc envoyé. En chemin, ils furent pris dans une embuscade, huit d’entre eux tombèrent martyrs et les deux survivants furent capturés. Les tribus qui capturèrent ces deux Compagnons, à savoir Zayd et Khubayb, les remirent entre les mains des polythéistes de La Mecque afin de les tuer. De ce fait, avant de les exécuter, un polythéiste demanda à Zayd :
« Voudrais-tu échanger ta place avec Muhammad pour avoir la vie sauve ? »
Zayd regarda Abû Sufyân avec pitié (l’homme qui lui avait posé la question) et lui répondit :
« Non ! De plus, je préfère en échange renoncer à vivre heureux en compagnie de ma famille plutôt que de savoir que son pied puisse être blessé par une épine ! »
Abû Sufyân fut stupéfait par cette incomparable preuve d’amour. Il déclara :
« Je suis vraiment surpris ! Jamais, de par le monde, je n’ai rencontré de gens qui aiment autant Muhammad que ses Compagnons. » (Wakidî, I, 360 ; Ibn Sa’d, II, 56)
Nombre de non-musulmans qui ont analysé et examiné avec honnêteté la vie du Prophèten’ont jamais réussi à cacher leur admiration à son égard. Ainsi, Thomas Carlyle affirma cette vérité comme suit :
« Aucun empereur qui pourtant portait une couronne sur la tête n’avait autant de respect et de considération envers Muhammad qui raccommodait lui-même son vêtement. »
En effet, connaître notre Prophète dans le vrai sens du terme et bénéficier de sa personne consiste à lui témoigner du respect et de l’amour. Pour cette raison, aucune sorte d’affection particulière n’a habité le cœur des Compagones à l’exception de celle exprimée envers Allah et Son Messager. Ni biens ni avoir, ni enfants ni amour de la vie… car tout cela va rester ici-bas ; quant à l’amour d’Allah et de Son Messager, il demeure infini et représente le trésor du bonheur éternel.
Si vous aimez Allah…
Hasan Al-Basrî rapporte : Les Compagnons demandèrent au Prophète :
« Ô Messager d’Allah ! Nous aimons tant Allah le Tout-Puissant. Pourrais-tu nous dire ce que cet amour implique ? »
Sur ce, Allah le Tout-Puissant révéla le verset suivant : Dis : « Si vous aimez vraiment Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux. » (Coran, Al-Imran, 3/31) (Voir. Tabarî, Djamiu’l Bayân, nr. 6845, 6846)
C’est-à-dire que celui qui aime Allah doit aussi aimer (et suivre) le Prophète. Aimer le Prophète , c’est aimer Allah. Lui obéir, c’est obéir à Allah, et se révolter contre lui, c’est se révolter contre Allah.
Afin de se conformer au Messager d’Allah et de le suivre, Hazrat Alaeddîn Konevî posa les conditions suivantes à ses disciples :
- Saluer le prophète quand un des noms sacrés du Prophète est prononcé.
- Ne pas parler à voix haute lorsqu’on visite sa tombe et garder un bon comportement.
- Montrer du respect envers Médine car c’est la ville du Messager d’Allah et offrir à ces habitants.
- Éviter de comparer toute parole ou toute œuvre (sacrées) avec des choses qui peuvent minimiser son nom et sa renommée. Par exemple, quand on affirme que le Messager d’Allah aimait telle ou telle chose, il faut que dans notre cœur nous ayons le désir d’aimer cette chose comme l’éveil d’une beauté ou d’une joie.
- Ne pas poser sur le Coran ou sur des recueils de hadiths d’autres livres ou objets quelconques.
- Ne pas déchirer ou jeter un morceau de papier sur lequel le nom d’Allah ou de Son Messager y serait inscrit. Manifester beaucoup de respect envers tous les livres religieux. Dans le cas où ces livres ne sont pas utilisés, les dissimuler ou les enterrer afin que quiconque ne puisse pas les fouler aux pieds ou les brûler.
Salawât ash-Sharîfa (Prière sur le Prophète )
L’amoureux imite constamment son bien-aimé selon le degré d’amour qu’il éprouve à son égard, il le gardera dans son cœur et le mentionnera sans arrêt. La plus grande richesse inhérente à cette relation, en l’occurrence s’agissant du Prophète, est le fait de se souvenir de lui. En revanche, désavouer ce fait serait l’une des raisons de l’échec moral. C’est pourquoi le Prophète a dit :
« Si mon nom est cité auprès d’une personne et que celle-ci ne ne prie par sur Moi, elle n’est pas de moi et je ne suis pas d’elle. Ô mon Seigneur ! Fais que ceux qui veulent continuer à se joindre à moi puissent se joindre à Toi. Que ceux qui coupent leur lien avec moi puissent avoir également leur lien coupé avec Toi. » (Daylamî, Al-Firdaws, III, 634)
Le Prophète a dit aussi (dans d’autres hadiths) :
« L’avare est celui qui ne m’adresse pas ses salutations (salât-u-salam) quand on se remémore de moi en sa présence. » (Tirmidhî, Daawat, 100)
« Celui qui oublie de m’adresser ses salutations (salât-u-salam) sera désorienté sur le chemin menant au paradis. » (Ibn Mâja, Ikâmat, 25)
C’est pourquoi exprimer la salawât ash-sharîfa est quelque chose de particulièrement important. De plus, en accomplissant la prière et en formulant la tahiyyât, il nous a été prescrit de saluer le Messager d’Allah. S’il arrivait de saluer n’importe quel individu pendant l’accomplissement de la prière, cela l’annulerait immédiatement ; cependant, Allah le Tout-Puissant a établi que le fait de saluer le Messager d’Allah pendant l’accomplissement de la prière soit une condition requise.
L’Imam Al-Ghazalî a dit:
« Lors de la dernière station (tahiyyat) de la prière, tu pries sur le Prophète, médites sur la personnalité et retrouves-Le dans ton cœur ! Sois certains que ta salutation Lui sera transmis et te répondra d’un meilleur salut.» (Ihyâ` ‘Ulûm Ad–Dîn, I, 224)
Hâlid al-Baghdâdî a rapporté ce qui suit de la part de Shihâb ibn Hajar al-Makkî :
« La partie tahiyyât récitée lors de l’accomplissement de la prière est une allocution faite au Prophète, semblable à un signe qu’Allah le Tout-Puissant adresse aux croyants pour que le prophète puisse en informer. De cette façon, le Prophète se trouve présent à côté de ceux qui accomplissent la prière, et le Jour du Jugement dernier, il sera témoin en leur faveur. De plus, se rappeler de Sa présence permettra l’accroissement du receuillement « khoushou’ » et amplifiera nos limites spirituelles. »1
AU CŒUR DE L’AMOUR DU PROPHÈTE
La délicatesse ottomane
Pendant plus de six siècles, nos ancêtres les Ottomans protégèrent avec amour et respect le Coran et la Sunna sous leur bannière, montrant à leur égard un attachement profond et présentant à la face du monde le visage souriant de l’Islam. De fait, ils reçurent l’honneur de dispenser le droit et la justice et, en outre, toute la sensibilité qu’ils manifestèrent envers le Prophète fut plus élevée que l’extraordinaire civilisation qu’ils avaient établie.
À l’emplacement du tombeau de notre Prophète, la première coupole fut édifiée par le Sultan mamelouk Kayıtbay, celle dont tous les amoureux du Prophète espèrent visiter. L’honneur de l’entretien des parties endommagées ainsi que la construction du dôme vert appartient au sultan ottoman Mahmut II. Celui-ci, au moment où il fallut changer le dôme, envoya d’Istanbul les meilleurs architectes et artisans. Ces derniers, avant d’entamer les travaux nécessaires, se mirent à réfléchir profondément car il fallait monter sur le dôme existant et enlever les briques qui s’y trouvaient. Afin de ne pas déranger l’esprit de notre Prophète et d’agir en toute circonspection, ils prirent la décision suivante :
« Au cours des travaux que nous allons effectuer, nous ne parlerons pas de choses qui concernent le monde d’ici-bas. Par exemple, lorsque nous demanderons une brique, nous dirons « Allah », de l’eau, nous dirons « Bismillah » et pour un marteau nous dirons « Lâ ilâha illâllah ! »
Ainsi, le dôme vert fut bâti dans cet esprit de foi, de respect et de soulagement. En outre, les travailleurs qui ont pris part à la rénovation de la Masjid an-Nabawî (la Mosquée du Prophète) avaient leurs ablutions rituelles lorsqu’ils levaient chaque pierre et prononcer la basmala2 lorsqu’ils la posaient. Qui plus est, quand il fallait planter un clou et ne pas faire de bruit, ils attachèrent des morceaux à l’extrémité de leurs marteaux.
Derviş Ahmed Peşkârîzâde rapporte dans son livre « Tayyibatu’l Azkar » les souvenirs et les principes de respect et de modestie, adoptés à la fin du 18ème siècle, auprès de la tombe du prophète :
« Après l’accomplissement de la prière de la nuit, les croyants quittent la mosquée, afin que le personnel chargé effectue les tâches liées à Rawza3 ; ils prenaient des lanternes, marchaient dans chaque coin du Haram al-Sharîf, parvenaient au Bab as-Salâm et fermaient la porte. Quand ils voyaient quelqu’un présent en son sein, ils disaient « Bismillah » et lui faisaient signe de sortir. En effet, les mots d’ici-bas ne peuvent être manifestes à l’intérieur du Haram al-Shârif. De même, toutes les fois où il y avait quelqu’un à l’intérieur de Hujra al-Sharîf, ils s’adressaient à lui en disant : « Lâ ilâha illâllah ».
Trois heures avant le lever du soleil, le responsable des muezzins dit une seule et unique fois devant la porte : « Lâ ilâha illâllah ». Les gardiens à l’intérieur entendent ceci et répondent : « Muhammad-u Rasûlullah » et ouvrent la porte.
Il ne fait aucun doute que nous devons emprunter de nos ancêtres cette délicatesse et cette politesse singulières. Parmi celles-ci, il y a le fait d’aller rendre visite au Prophète lors d’un Hajj (grand pèlerinage) ou d’une Omra (petit pèlerinage). Là-bas, il faut s’abstenir de prononcer un seul mot appartenant à ce monde d’ici-bas, délaisser les paroles vides de sens pour purifier la langue et le cœur, réciter avec humilité et respect la salawât ash-sharîfa au Messager d’Allah.
Il y a peu de temps, Ziyâeddin Efendi, un des renommé sage de Médine, disaient aux invitées de ces lieux sacrés par rapport à la visite de ces lieux :
« Tous ceux qui viennent ici doivent pénétrer dans le Rawza en regardant la pointe des pieds, et retourner chez eux et à leur repos de la même manière. » (Ceci pour préserver le cœur et manifester un respect révérenciel)
Autrement dit, ils doivent préserver la sérénité de leur foi au milieu de l’agitation de ce bas monde et ne pas sortir de cette dimension dans quelque lieu où ils se trouvent.
Voici un autre exemple qui exprime le respect et la déférence que l’on manifestait au Prophète pendant l’époque ottomane :
Le sultan Abdülhamid Han II avait fait construire un chemin de fer allant d’Istanbul jusqu’à Médine. La particularité était que toutes les gares avaient été installées dans les lieux où le Prophète s’était lui-même arrêté. De plus, afin de ne pas perturber le repos du Prophète, la gare de Médine avait été construite à deux kilomètres du Rawza et tous les rails étaient couverts de cuirs pour qu’il n’y ait aucun bruit au passage des wagons.
Les divers services qu’ont rendus les Ottomans dans ces Sanctuaires Sacrés (La Mecque et Médine) ont été mis en vers par le poète Nabi :
« Abstiens-toi d’abandonner toute délicatesse car c’est Lui l’Aimé du Seigneur … »
Nos ancêtres qui par leurs actions exceptionnelles visant à mettre en évidence l’amour et le respect envers le Prophète ont accompli tant de belles choses que celles-ci demeurent encore aujourd’hui des coutumes.
Grâce à l’amour exprimé à l’égard du Messager d’Allah et à cette manière de préserver l’émoi suscité par la foi portée à son zénith, il est coutumier que trois livres soient lus aux fidèles dans les mosquées par des personnes ayant reçu l’autorisation préalable. À ces trois livres furent donnés les suffixes « Sharîf » : Bukharî –i Sharîf, Shifa-i Sharîf et Mathnawî-i Sharîf.
Les Ottomans avaient un respect et une déférence extraordinaires envers le Saint Coran et les reliques saintes du Prophète. Ceci encore un autre exemple unique d’affection. Aussi on donnait le nom de « Mehmetcik4 » à chaque soldat se battant pour élever le nom d’Allah afin de se rapprocher au plus, selon ses capacités, de l’exemple parfait « Muhammed ».
De plus, les Ottomans célébraient avec grande ferveur les jours de fêtes religieuses. Un poil de barbe appartenant au Prophète, une datte provenant de Médine ou bien de l’eau de Zamzam provenant de La Mecque suscitaient constamment chez eux le souvenir du Prophète e. Particulièrement, lors des commémorations célébrées à l’occasion de sa naissance, toute la communauté se levait tel un seul homme et le saluait comme si le Prophète était venu en personne…
Aussi il est très intéressant de noter que dans les grandes mosquées, les Ottomans ont pris soin de choisir des non-voyants parmi leurs muezzins. Effectivement, il y encore quelques temps, cette tradition était préservée dans des mosquées telles que Suleymaniye ou Fatih (à Istanbul). On croyait à ce propos que cela n’était que circonstanciel et nul n’y prêtait vraiment attention, mais nous savons à présent que les bases de cette particularité proviennent directement de la Période du Bonheur (Asr al-Saâda), car à côté de Bilal al-Habashî, le muezzin de la Mosquée du Prophète (Masjîd anNabawî), il y avait un autre muezzin dont le nom était Abdullah ibn Umm–Maktum5.
Ainsi donc, nos ancêtres, dans le dessein de préserver la sainte mémoire du Messager d’Allah, choisissaient jusqu’à peu de temps encore, des muezzins non-voyants dans les mosquées, signe d’une infinie délicatesse.
Sans aucun doute, tout cela, cette délicatesse et cette sensibilité, ne s’est jamais vu ailleurs hormis chez les Ottomans. En effet, aucun empire n’a perduré plus de six siècles comme les Ottomans et ceci sans doute dus à leur extrême respect et finesse.
Veuille Allah nous permettre de posséder les finesses de cœur de nos ancêtres ! Que la contigüité de notre cœur avec le Prophète soit éternelle ! Que sa Sunna soit dans notre vie ! Qu’Il nous pardonne et use de miséricorde envers nous à cause du respect que nous témoignons à l’égard de Son Bien-aimé…
Amin !
Mektûbât-ı Mevlânâ Hâlid, s. 118; Risâletü’r-Râbıta, (Mevlânâ Safiyyüddîn, Reşahat hâmişinde) s. 225-226.
2 La basmal[a – Bismillah ar-Rahman ar-Rahim – ]est une expression en langue arabe que l’on utilise avant de lire les sourates du Coran, mais que l’on utilise aussi avant de commencer toute action.
3 Rawza Mubarak : c’est le lieu entre la tombe bénie du Prophète et le minber (la chaire)
4 Littéralement qui veut dire « petit modèle de Muhammed »
5 Abd-Allah ibn Umm-Maktum est l´un des Compagnons du Prophète Muhammad. Il est l’un des premiers convertis à l’Islam au sujet duquel la sourate « Abasa » fut révélée. Le Prophète eut par la suite une très haute considération pour ce personnage et plusieurs fois, celui-ci dirigea la prière lorsque le Prophète fut en expédition. Malgré le fait qu’il fut aveugle, il participa à des batailles. Il mourut lors de la bataille d’Al-Qadisiya en étant fermement attaché à l’étendard musulman.