Le Gaspillage Alimentaire et Sanitaire

Juin 11, 2021 par

Osman Nuri Topbaş

Comme le Messager d’Allah r l’a déclaré dans le récit ci-dessous, l’être humain ne considère pas à sa juste valeur la santé qui constitue pourtant une des plus grandes bénédictions divines qui lui est octroyé :

« Il est deux bienfaits que beaucoup de gens n’apprécient pas à leur juste valeur : la santé et le temps libre» (Al Boukhari, Rikak, 1).

À travers cette parole notre Prophète r souligne la négligence universelle sur le sujet et nous avertit donc, nous sa communauté, de ne pas prendre le risque d’aboutir au regret qui résulte de la perte de ces deux grands bienfaits. 

Ibn Omar t a rapporté: « Lorsque tu parviens au soir, n’attends pas le lendemain, et parvenu au matin, n’attends pas le soir. Tire avantage de ta santé avant ta maladie et de ta vie avant ta mort» (Al Boukhari, Rikak, 3).

Notre corps est un dépôt qui nous a été confié par Allah U. De ce fait notre Omnipotent Créateur a un droit sur nous. Car il n’est possible de mener une vie de servitude acceptable qu’avec un corps sain en termes matériels et spirituels. Et en fin de compte un corps sain permet d’accomplir les actes cultuels avec plus de sérénité. En effet, est-il possible d’effectuer une des prières paisibles et jeûner sans être en bonne santé? De nombreux actes d’adorations et de services qui rapprochent le serviteur au Créateur U ne peuvent être accomplis qu’avec la bénédiction de la santé.  Lorsque la santé se détériore, les adorations et les services perdent de leurs consistances. À cet égard, lorsque nous en avons l’occasion et que notre santé le permet, nous devons exprimer la gratitude pour ces bienfaits de la meilleure façon et faire des efforts pour accomplir nos actes d’adoration et nous empresser d’œuvrer pour la charité.

Comme toutes les bénédictions, la santé ne peut être sauvée du gaspillage si les ordres divins ne sont pas suivis. La détérioration de la santé par le tabagisme et divers autres produits spiritueux illicites, qu’on juge de nos jours banals, voire inoffensifs, est une des plus terribles formes de gaspillage de c bienfait. Par ailleurs il faut bien souligner que le devoir essentiel de protéger et ne pas gaspiller ce bienfait qu’est la santé, guidé en cela par sa raison et les commandements divins, ne se limite pas à l’alimentation mais s’étend aussi à l’exposition au refroidissement ou à la chaleur ainsi qu’à l’imprudence qui provoque entre autres les accidents de la route.

Notre sublime religion, l’Islam, nous a montré de nombreuses façons de prendre des mesures matérielles et spirituelles pour protéger notre santé. Il nous a ordonné d’être modéré en nous alimentant, de ne pas pénétrer dans un lieu où il y a une maladie infectieuse et de ne pas en sortir si on y est déjà. Il nous indique aussi avec de nombreux ordres et recommandations similaires les principes de base de la médecine préventive. En plus de ces mesures matérielles, il nous a conseillé de recourir à des précautions spirituelles telles que l’aumône et les dons pour Allah pour ainsi trouver le salut des troubles et malheurs de la vie.

Le Messager d’Allah e dit en ce qui concerne les précautions spirituelles qui protègent la santé : « Tout organe de l’homme nécessite pour lui-même une aumône à chaque jour nouveau. C’est pour cela que toutes les implorations, toutes les louanges, toutes les glorifications du Seigneur sont une aumône. De même pour celui qui prescrit le bien et proscrit le mal. Quant à celui qui accomplit deux unités de prière à l’aube, elle sera équitable à tout cela. » (Muslim, Musafirin, 13, 720 ; Voir aussi Al Boukhari, Sulh, 11 ; Muslim, Zakat, 16, 1009).

Le fait d’être en bonne santé est une grande bénédiction qui requiert d’être reconnaissant envers Allah Y. On peut aussi bien exprimer notre gratitude sur le plan matériel en donnant des aumônes que sur le plan spirituel par des invocations, des actes d’adoration et toutes sortes d’actions considérées elles aussi comme étant une aumône telles que services entrepris pour accéder à la satisfaction divine.

Grâce à leurs hautes vertus, les Compagnons y, qui sont pour nous la génération exemplaire  firent l’effort d’utiliser avec conscience les bienfaits qu’Allah leur avait octroyés pour en faire un capital dans la vie de l’au-delà (Sourate At-Tawba, 100). Quant à Allah Y, face à leur persévérance et à leur excitation, Il Y bénit leurs efforts. La surconsommation, la voracité, le luxe et l’étalage sont des maladies implacables de nos jours et représentent un mode de vie que les Compagnons ne connurent pas car ils vivaient constamment avec la conscience que « La tombe sera demain l’hôte des âmes ».

D’autre part il est évident que le corps, qui nous été confié pour une durée déterminée, sera exposé à diverses faiblesses et maladies si ses besoins nutritionnels sont insuffisants, que ce soit par nécessité ou par avarice. Toutefois à l’inverse le fait de s’alimenter excessivement conduira également au même résultat. Cela indépendamment du fait que les nourritures soient licites ou  illicites, bien qu’une alimentation illicite risque de détériorer la santé matérielle et spirituelle.

La sensibilité des individus sur la question alimentaire est proportionnelle à leur niveau spirituel.

Par exemple, là où selon la “Charia” se gaver de nourriture est synonyme de gaspillage, pour les Tarîqa[1], manger à satiété est synonyme de gaspillage.

Selon la « Hakîka »[2], le gaspillage se matérialise par le fait de manger en quantité suffisante mais toutefois en ignorant la présence d’Allah U.

Tandis que dans la “Marifa”[3], s’alimenter sans méditer sur les manifestations divines qu’Allah a exposées sur ces bienfaits octroyés se traduit également par le gaspillage.

Cette conversation entre par Khidir u et Abdul Khaliq Ghajadwani ç, lors de sa visite est exemplaire car elle expose l’apogée de la sensibilité spirituelle à propos de l’alimentation : 

Khidir u ne toucha pas au repas qui avait été préparé et se retira de la table. Surpris par la situation Abdul Khaliq Ghajadwani ç lui demanda :

« Ces bouchées sont licites. Pourquoi vous en abstenez-vous donc ? ».

Khidir u répondit :

« Effectivement ces mets sont licites mais elles ont été cuisinées avec colère et insouciance ».

Par conséquent, comme on le voit au-delà de la licéité des aliments, l’état d’esprit du cuisiner influence également sur la spiritualité des actes d’adoration, le comportement et les agissements de la personne. Cela révèle l’importance de notre attitude alimentaire. 

De nos jours, les dégâts des aliments pouvant nuire à notre état spirituel sont généralement négligés. De plus ces aliments, dont on ne sait pas comment ils ont été cuisinés, sont vendus ouvertement, sous diverses formes et odeurs au vu et au su de personnes démunies. Tout cela ne prend pas en compte la dégradation qu’ils peuvent entraîner à notre spiritualité.

La bouchée licite a une place vitale pour la purification du cœur.

Abd al Qadir al-Jilani ç dit :

« La bouchée illicite tue le cœur, et la bouchée licite, le revivifie. Nombreuses sont les bouchées qui te préoccupent avec ce bas-monde, et nombreuses d’autres te font penser à l’au-delà. Et enfin nombreuses sont les bouchées qui te rendent désireux d’Allah U ».

Mawlânâ ç, à travers ces sages paroles, révèle que nous devons prêter attention à la condition spirituelle ainsi qu’à la condition matérielle des aliments consommés :

« Hier les quelques bouchées douteuses qui ont atteint mon estomac ont par la suite, bloquées le chemin de l’inspiration ».

Il rapporte également :

« Ne nourris pas exagérément ton corps en le suralimentant ! Car, en fin de compte, il sera l’objet d’un sacrifice qui sera enterré. Concentre-toi à remplir ton cœur de sources bénéfiques car c’est lui qui ira au Suprême et c’est lui qui sera honoré. Octroie peu de miel et d’aliments gras à ton corps. Car, celui qui nourrit trop sa chair, tombe dans les désirs charnels et finit dans un état infâme ».

Se comporter avec prodigalité dans un sujet aussi sensible est bien sûr incompatible avec la personnalité exemplaire que doit être celle du croyant. Les pieux prédécesseurs exprimèrent l’importance d’éviter le gaspillage alimentaire pour mener une vie saine, tant sur le plan matériel que spirituel. Ils disaient qu’Allah U avait rassemblé toute la science médicale dans un demi-verset, qui est le suivant : 

« Mangez et buvez mais ne commettez pas d’excès ! »[4] [Tafsir Ibn Khatir, II, 219]

Ce récit prophétique définit les limites légitimes pour que l’homme réponde à ses besoins :

« Mangez, buvez, couvrez-vous et dépensez en aumône sans pour autant tomber dans le gaspillage ni l’orgueil. » [Boukhari, Libas, 1]

Il est également rapporté dans un autre Hadith :

« Consommer tout ce que tu désires est sans doute une forme de gaspillage ! » [Ibn Majah, Et’ime, 51]

Cet état, défini par « voracité ou gloutonnerie » dans la société est également rejeté par notre religion. Il démontre aussi que la possession de biens et d’opportunités ne rend pas légitime la consommation abusive.

Ainsi, Omar t demanda à Jabir t lorsqu’il le rencontra avec un morceau de viande dans sa main : « Qu’est-ce que c’est ? ».

Jabir t répondit : « C’est un morceau de viande que j’ai désiré acheter ».

Pour donner suite à cette réponse, Omar t l’avertit en ces termes :

« Achètes-tu tout ce que tu désires ? Ne crains-tu pas d’être parmi les gens concernés par ce verset  coranique : « … vous avez dissipé vos [biens] excellents et vous en avez joui pleinement durant votre vie sur terre … »[5] ? ». [Ibn Hanbal, Zuhd, p. 124]

Notre bien-aimé Prophète e a également résumé parfaitement les mesures à respecter dans la consommation des aliments ainsi que sa grande influence sur la santé :

« Nulle personne n’a rempli un récipient plus dangereux que son estomac. Tandis que quelques bouchées suffisent à l’homme de survivre. Mais cependant, s’il ne peut se contenter de cela, qu’il réserve un tiers de son estomac pour les aliments, un autre tiers pour les boissons et le dernier tiers pour la respiration ! » [Tirmidhî, Zuhd, 47]

Cet événement vécu pendant l’Âge d’Or de l’Islam[6] exprime merveilleusement la bénédiction de la conformité aux principes prophétiques en ce qui concerne l’alimentation :

Le patriarche d’Alexandrie envoya de nombreux cadeaux et un médecin à notre bien-aimé Prophète Muhammad e qui lui dit :

« Tu peux retourner vers ta famille. Car nous sommes une tribu qui ne mange que lorsqu’elle a faim. Et quand nous mangeons, nous ne mangeons pas jusqu’à satiété. » [Halabî, İnsânu’l-Uyûn, III, 299]

En effet, ces déclarations prophétiques contiennent la prescription médicale de nombreuses maladies causées par les folies du gaspillage et d’une consommation excessive, dépendant de notre siècle.  

Omar t fait ces recommandations suivantes à cet égard :

« Evitez de remplir excessivement vos estomacs d’aliments et de boissons. Car cela détériore le corps, cause les maladies et rend la personne paresseuse contre la prière. Mais suivez plutôt le juste milieu ! Car un tel comportement sera plus bénéfique pour le corps et répulsif contre le gaspillage. » [Ali al-Muttaqî, Kenz, XV, 433/41713]

Jean de Thévenot, un voyageur Français, déclare dans son guide de voyage publié à Paris en 1665, les propos suivants faisant référence à la sobriété exposée par nos ancêtres, qui furent la bannière de l’Islam pendant des siècles, à quel point ils ont pu créér une société saine :

« Les Turcs vivent sainement et tombent rarement malades. Ils sont peu exposés aux maladies rénales et aux autres nombreuses maladies dangereuses, dont ils ne connaissent même pas les noms, et qui sont présentes chez nous. Je pense que cette faveur leur vient en partie des bains qu’ils prennent fréquemment et à la modération dans la consommation des aliments qu’ils ne mélangent pas comme le font le les Chrétiens ».[7]

Un proverbe enseigne : « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ! ».

Cette devise illustre parfaitement le sujet tout en étant aussi une caractéristique importante des croyants.

Cet événement exposant la dimension de la moralité islamique à cet égard est très significatif :

Un jour, un invité, infidèle à cette époque, était venu rendre visite au Prophète e.

Notre bien-aimé Prophète e demanda alors qu’un mouton soit trait pour lui. L’invité but et finit le lait apporté. Ce même événement se répéta jusqu’à ce que l’invité but au total sept verre de lait. Le lendemain, cet invité embrassa l’Islam. Le Messager d’Allah e ordonna encore une fois de lui ramener du lait. L’invité le but. Lorsque le Prophète e ordonna pour une deuxième fois consécutive de lui ramener du lait, l’invité ne put le terminer. À la suite de cela, le Messager d’Allah prononça ces paroles :

« Le croyant boit avec un seul intestin et l’infidèle, avec sept. » [Mouslim, Eshribâ, 186]

Allah U souhaite que nous ayons une attitude alimentaire modérée et que nous restions loin des personnes dépourvues de foi. Il nous avertit ainsi de cet état à travers ces paroles divines :

« … Quant à ceux qui dénient, ils se contentent de profiter des biens de la vie terrestre, et de se repaître comme le font les animaux (obéissant ainsi à des instincts purement bestiaux). L’Enfer sera une demeure pour eux. »[8]

Les différents comportements susceptibles d’éroder les bénédictions des aliments sont également considérés comme relevant du gaspillage. S’apprêter à manger sans au préalable s’être lavé les mains, ne pas prononcer la formule du début du repas[9] et se retirer de la table sans avoir remercié Allah U qui a octroyé tous ces bienfaits, ce sont toutes des attitudes synonymes d’ingratitude et de gaspillage.

Un Hadith indique ce qui suit :

« La bénédiction d’un repas se trouve dans le lavage des mains, avant et après celui-ci. » [AtTirmidhî, Et’ime, 39]

« Si des dommages sont causés à celui qui s’endort sans au préalable laver ses mains des résidus alimentaires, qu’il ne blâme personne d’autre que lui-même ! » [Abu Dawûd, Et’ime, 53]

La minutie dont firent preuve nos ancêtres en ce qui concerne le lavage des mains avant et après le repas est vraiment admirable et digne d’éloge.

Paul Ricaut, un écrivain du 17ième siècle, qui était à l’origine un ennemi des Turcs et travaillait à l’ambassade britannique à Istanbul, admet dans une de ses œuvres la sensibilité que nos ancêtres apportèrent à la propreté en ces termes : 

« Se laver les mains tant avant, qu’après les repas, sont devenus pour les Turcs si fréquents, qu’ils disent en forme de parabole, que Dieu a créé les aliments, afin de donner l’occasion aux hommes de se laver souvent les mains. »[10]

Par conséquent, cette conformité à la propreté en ce qui concerne l’alimentation est la cause de la bénédiction des bienfaits ainsi que la santé et la paix, tant matérielle que spirituelle.

De plus, les repas débutant avec une formule appropriée (Basmala) et s’achevant avec une louange, sont une source de guérison. Tandis que les repas qui en sont dépourvus, seront la cause d’insouciance et de détresse spirituelle.

Le Messager d’Allah e à travers cette sagesse a dit :

« Lorsqu’une personne prononce la formule contenant le nom de Dieu en entrant à son domicile et au début de chaque repas, le Diable dit à ses soldats : « Vous ne pouvez ni manger ni habiter ce lieu. » En revanche, si cette personne ne prononce pas cette formule, alors le Diable dit : « Vous avez désormais trouvé un lieu d’hébergement ». Si cette personne en question ne prononce pas cette formule avant son repas, alors le Diable s’adresse comme ceci : « Vous avez enfin trouvé non seulement un abri mais aussi de quoi manger ». » [Mouslim, Eshribâ, 103]

Aïcha c raconte ce qui suit :

Le Messager de Dieu mangeait un repas avec six de ses Compagnons. A ce moment arriva un Bédouin qui avala le repas en deux bouchées.

Le Messager d’Allah r dit :

« S’il avait prononcé la formule contenant le nom de Dieu, le repas vous aurait suffi ». Quand l’un de vous mange, qu’il commence par prononcer cette formule. S’il oublie de la prononcer au début, qu’il dise : « Au nom de Dieu à son début et à sa fin ». [Ibn Majah, Et’ime, 7]

Il en va de même en ce qui concerne les boissons. Ainsi, nous devons les consommer en trois traites et prononcer la formule de louange (Al Hamdoulillah) à la fin.

Le Prophète r, quant à lui, buvait l’eau et les autres boissons en trois traites, et dit sur le sujet :

« Ne buvez pas d’une seule traite à la manière des chameaux. Mais plutôt en deux ou trois traites. Prononcez la formule contenant le nom de Dieu au moment de boire et dites à la fin : « La louange est à Dieu ». » [Tirmidhî, Eshribâ, 13]

Le Messager de Dieu r a aussi interdit de souffler sur la boisson quelle qu’en soit la raison.

Un homme dit : « Que faire si je m’aperçois qu’une saleté flotte à la surface de ce récipient ? ».

Le Prophète r lui dit : « Verse cette saleté ».

À la suite de cela, l’homme dit : « Je n’étanche jamais ma soif en buvant d’une seule traite ».

Le Prophète r lui dit par la suite, tout en affirmant qu’il doit boire en trois traites :

« Alors, ne colle pas ta bouche au récipient ». [Tirmidhî, Eshribâ, 15]

Manger en aparté alors qu’il y a opportunité de le faire en communauté diminue la bénédiction du repas ; cela est donc source de gaspillage.

Le Prophète r exhorta sa communauté à prendre le repas en groupe si possible en disant :

« La miséricorde descend sur la collectivité ; tandis que l’individualisme encourt le supplice. ». [Munâwî, III, 470] 

D’après Vahchi bin Harb t, des compagnons vinrent voir le Prophète r et Lui dirent :

 « O Messager de Dieu ! Nous mangeons mais nous restons quand même sur notre faim ».

Le Prophète r leur dit : « C’est peut-être que vous mangez en aparté ? ».

Ils répondirent : « Oui, c’est exactement comme ceci que nous faisons ».

Alors le Prophète r dit : « Mangez en communauté, prononcez la formule contenant le nom de Dieu afin que votre repas soit béni. » [Abu Dawûd, Et’ime, 14]

Le Prophète r dit à nouveau : « Quand l’un de vous laisse tomber une bouchée, qu’il la ramasse, l’essuie et la mange sans la laisser au Diable ».

Puis il ordonna par la suite de ne laisser aucun  résidu alimentaire dans l’assiette en nous exhortant avec ces paroles :

« Vous ne pouvez savoir où se trouve la bénédiction du repas ». [Mouslim, Et’ime, 136] 

Dans notre alimentation, notre vie quotidienne et surtout dans nos cérémonies de mariages et festins, on assiste à des gaspillages si vertigineux qu’ils sont au-dessus de tout ce que l’être humain peut imaginer. Si on estime le taux de dilapidation du pain au sein de notre communauté et qu’on le compare au taux de gaspillage des autres produits alimentaires, qu’on ne peut même pas évaluer, les chiffres obtenus sont si considérables qu’ils font pousser des hurlements semblables à ceux de l’apocalypse et du Jour de la Résurrection.

Des exagérations telles que la préparation de fêtes, festins et banquets flamboyants avec une intention orgueilleuse de démonstration, d’arrogance, de vanité et de vantardise, porter par prétention des accoutrements de marque aux prix farfelus et autres sont tous des attitudes inconscientes à même de susciter le regret éternel dans l’au-delà. Car, sans nul doute, lors de la Balance Divine, tous ces actes commis seront désormais dévoilés et il faudra en rendre compte.

Les mariages et festins constituent un facteur prépondérant dans le renforcement des liens de fraternité. Malheureusement de nos jours, en plus des gaspillages auxquels donnent cours ces cérémonies, elles détériorent les sentiments en se résumant à des scènes d’orgueil, d’arrogance, d’esbroufe, de fanfaronnade, de jalousie et d’animosité et finissent par être synonyme de frustration et de chagrin. Ces genres de rassemblements sont très loin de mériter la miséricorde et grâce divines.

Le verset coranique nous prouve à quel point le gaspillage est le fruit d’un instinct diabolique :

« Car les prodigues sont frères des démons »[11]

À travers ce noble Hadith, le Prophète r éveille notre conscience en nous rappelant que nous aurons sûrement à rendre compte au Jour Dernier des dons et dépôts divins dont nous aurions joui :  

« Au Jour Dernier, l’homme ne sera pas laissé libre sans avoir rendu compte sur ces quatre choses :

Sa vie et en quoi il l’a dépensée ;

Son savoir et comment il s’en est servi ;

Ses biens, où et comment les a-t-il acquis et dépensés ;

Son corps et comment en a-t-il disposé ». [Tirmidhî, Qiyâma, 1] 

Dès lors, il est de notre intérêt d’avoir toujours présent à l’esprit que les abus d’alimentation, la mauvaise utilisation du bienfait de la santé et l’oisiveté sont des actes de gaspillage. La non-préservation des dépôts matériels et spirituels, la mauvaise exploitation et abusive de nos sens et intellect sont aussi source de gaspillage. Surtout dans l’éducation, c’est-à-dire dans l’édification de la personnalité de toute personne, le fait qu’il ne soit pas élevé dans le sens d’être le plus honorable de tous les êtres est l’un des plus gros gaspillages.

Assurément, la responsabilité cruciale des parents est d’éduquer leurs enfants à la lumière du Coran et de la Sunna, pour éviter le gâchis de leur vie spirituelle. La méticulosité des parents en matière d’éducation de leur progéniture montre également le degré de leurs liens et d’affection pour le Coran et le Prophète r.

En effet, le Prophète r a dit : « Je vous laisse en héritage ces deux choses : le Coran et la Sunna ».

Voici donc devant nous, une période de vacances. Nous devons donc l’évaluer correctement afin qu’elle soit, avant tout, une occasion pour nos enfants dans l’optique de les familiariser avec le Saint-Coran. Nous devons donc saisir dignement, pendant cette période qui s’offre à nous,  l’occasion de compenser la déficience spirituelle négligée de nos enfants. Car le plus précieux héritage que nous puissions leur léguer est la culture coranique et prophétique.

Nous devons mobiliser et mettre en œuvre toutes nos forces et ressources, afin que nos descendants puissent bénéficier de la moralité sublime du Prophète r, autrement dit, le vécu du Coran avec amour. Nous devons veiller à ce qu’ils ne ruinent pas leur avenir éternel au profit de leur avenir éphémère dans ce monde.

Cela dit, si nous prétendons aimer nos enfants, souhaitons les protéger contre toute calamité et ambitionnons d’être à leurs côtés au Jour Dernier, l’obligation de les éduquer dans la foi s’impose à nous.

D’ailleurs, Allah U nous cite dans Son Glorieux Livre, à quel point ces efforts seront les fruits d’un bonheur éternel :

« Quant à ceux qui croient, et qui sont suivis dans leur foi par leur progéniture, Nous accordons à celle-ci de les rejoindre, sans pour autant les frustrer de leurs actions respectives… »[12]

Les bienheureux croyants qui auront joui de cette grâce divine seront ensemble avec leurs descendants dans la vie céleste. C’est une grâce exceptionnelle dont Allah U leur fera largesse en les faisant vivre dans le même Paradis avec leurs enfants. De cette manière, les parents seront entièrement comblés de joie et de bonheur. Voilà donc, en fait l’accession à cette récompense divine passe par une génération façonnée et assimilée à la réalité coranique et à la tradition prophétique. Cela exige l’endossement de nos responsabilités vis-à-vis de nos enfants, afin qu’ils soient prémunis contre le plus désastreux gaspillage qu’est « la corruption de leur saine nature ».

Lorsque nous prenons en compte les critères de toutes les formes de gaspillage que nous avons pu évoquer tout au long de notre rédaction, et qu’ensuite, nous faisons une analyse générale de nos activités quotidiennes, nous réalisons en de bons points l’étendue du concept du gaspillage au sein de notre environnement. Les manifestations des différents gaspillages, commee les dépassements des limites, les sentiments d’animosité et de haine ainsi les scènes de gâchis durant nos spectacles d’esbroufe, cérémonies fastueuses et banquets, sont une réalité absolue. Nous n’avons fait ici que mentionner les points colossaux et définit les mesures à prendre, dans l’idéal que chacun retrouve et demeure sur la ligne de guidance. Toutefois, il ne faut pas omettre que les mesures spécifiées ici ne doivent pas seulement être appliquées dans les domaines que nous avons longuement abordés, mais qu’elles doivent se refléter sur tous les aspects de notre vécu quotidien. Aussi nous avons devons donc éviter toutes formes de gaspillage et d’avarice.

Qu’Allah U dans Son Infinie Munificence nous préserve de l’immodération dans tous les aspects de notre vie et nous facilite une existence de soumission à même de mériter Son Agrément à notre égard ! Qu’Il nous fasse jouir à bon escient de tous Ses dons gracieux dont nous sommes bénéficiaires et nous permette de Lui rendre dignement grâce !

Amin !


[1].          Ordre religieux soufi (mysticisme islamique).

[2].          Ce terme se réfère, dans le mysticisme islamique, aux réalités se trouvant en dehors des choses apparentes, telles que les secrets divins et Ses manifestations.

[3].          Ce terme désigne une connaissance directement acquise par expérience spirituelle en ce qui concerne Allah U, Ses attributs, Ses manifestations et Ses noms.

[4].          Al-A’raf, 7 : 31.

[5].          Al-Ahkâf, 46 : 20.

[6].          L’Âge d’Or de l’Islam ne fut point une période de confort et de bien-être du point de vue mondain et personnel. Au contraire, les conditions de vie très difficiles et pénibles marquèrent cette ère. Mais les bénédictions telles que le Saint Coran, l’Envoyé d’Allah r et l’Islam assurèrent le bonheur et la paix de l’humanité par les recommandations alors prescrites.  

[7].          Jean De Thévenot, Relation d’un Voyage Fait au Levant, Chapitre 27 « Les maladies des Turcs et de leurs remèdes », Paris, 1665.

[8].          Muhammad, 47 : 12.

[9].          La Basmala qui se traduit par « Au Nom d’Allah ». En Islam on la prononce au commencement de tout acte licite.

[10].         Paul Ricaut, Histoire de l’état Présent de I’Empire Ottoman, chapitre 13 « Les cinq points nécessaires pour faire un véritable Mahométan », p. 285, Paris, 1670.

[11].         Al-Isrâ, 17 : 27.

[12].         At-Tûr, 21.

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