L’Ecole du Pèlerinage
Le but principal des religions divines, et l’objectif premier et la visée fondamentale des Prophètes , c’est de purifier le cœur des humains et de l’humanité tout entière de tout ce qui est désir mondain, de raffiner les âmes en les débarrassant de leurs mauvais penchants et habitudes.
La purification commence par l’élimination dans le cœur de toute croyance et pensée contraires à la croyance en un Dieu Unique. La mission fondamentale des Prophètes mentionnés dans le Saint Coran était de lutter pour enraciner dans les cœurs la croyance en un Dieu Unique, et pour extirper les gens du gouffre de la mécréance et du polythéisme. La première phase de la mission prophétique de onze années du Prophète r à La Mecque se déroula dans la lutte pour établir la croyance en Allah Seul. Après l’écoulement des onze ans, la mission de purification des cœurs se poursuivit avec l’instauration de la prière, du jeûne, de la zakat, et fut finalement couronnée par l’injonction du hajj.
Chaque acte d’adoration a pour but principal d’assurer la purification progressive et constante des cœurs.
La prière, adoration qui éloigne de la turpitude et des actes blâmables[1], représente le plus grand rappel de Dieu car, elle enseigne aux serviteurs l’humilité et la crainte révérencielle de leur Auguste Créateur. De plus, lorsqu’elle est dûment accomplie, elle permet d’accéder au véritable salut[2]. Le jeûne lui aussi est un acte d’adoration qui enseigne l’abstinence, préserve le cœur et le fait accéder à la piété[3]. Quant à la zakat, qui signifie « purification » selon son sens littéral, elle nettoie le cœur de tout sentiment d’avarice, de pingrerie et d’égoïsme[4] ; en outre, elle arrose et alimente les cœurs avec les sentiments de générosité et de bienfaisance, au point de détruire les barrières entre les riches et les pauvres. Le pèlerinage est une école dont la formation s’étend sur une durée moyenne de vingt à trente jours. Sa finalité est de purifier, de raffiner le cœur et d’assurer son accession à la piété.
D’ailleurs, voici ce qui est mentionné dans le verset qui aborde le sujet du pèlerinage :
“ Le pèlerinage a lieu dans des mois connus. Si l’on se décide de l’accomplir, alors point de rapport sexuel, point de perversité, point de dispute pendant le pèlerinage. Et le bien que vous faites, Allah le sait. Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure provision est la piété. Et redoutez-Moi, ô doués d’intelligence ! ”[5]
Selon la déclaration coranique, “ La première Maison qui a été édifiée pour les gens, c’est bien celle de Bakka (La Mecque) bénie et une bonne direction pour l’univers. ”[6]
Tout comme le pèlerinage est un voyage vers La Mecque et Médine, c’est également un tunnel temporel pour voyager vers le passé et l’avenir. C’est un voyage dans le passé car, le lieu d’accomplissement du pèlerinage représente celui de la rencontre de nos aïeux Adam et Ève u, après leur sortie du paradis et descente sur terre. D’après une source, Adam u fut le premier bâtisseur de la Kaaba. Après qu’il fût introduit au paradis, il lui fut interdit de consommer le fruit défendu ; selon les gloses de certains exégètes du Coran par rapport à ce fruit défendu, il était question du rapport sexuel avec Ève.
Dans l’interdiction du « rapport sexuel » lors du pèlerinage, il y a la perception de la première phase d’existence d’Adam u et Ève, et un rappel de ce qu’ils vécurent dans le paradis. Pour ce qui est de l’interdiction de « la perversité », c’est de pousser les gens à s’abstenir et à éviter de tomber dans les pièges du Diable, tel que ce fut le cas d’Adam u et Ève lorsqu’ils vivaient dans le paradis. Enfin, l’interdiction de « la dispute » nous rappelle le combat mené par le Diable contre Adam u, qui fut la cause de son bannissement et de sa lapidation, et son fils. Cette interdiction a pour but d’exhorter les gens à éviter les polémiques et querelles, pour ne pas mériter le même sort que le fils désobéissant d’Adam u. Par conséquent, durant la période d’observation des interdictions de l’ihram[7] lors du pèlerinage, les pèlerins voyagent vers les premières époques de l’humanité et vivent les expériences vécues par le premier homme.
De même, concernant la deuxième dimension temporelle du pèlerinage, il est question du souvenir de la rencontre d’Ibrahim u avec notre mère Agar et Ismaël, et de leur lutte contre Satan le banni. “ Ibrahim a établi une partie de ma descendance dans une vallée sans agriculture, près de la Kaaba, afin qu’ils accomplissent la Salat. ”[8]
En installant sa femme Agar et son fils Ismaël u dans la vallée de La Mecque, Ibrahim les avait confiés à Allah. La Kaaba fut une Terre Sainte, et La Mecque une citée sûre.
En Terre Sainte, les pèlerins vivent l’émotion vécue par notre mère Agar quand elle cherchait l’eau pour son fils Ismaël u entre les monts Safa et Maroua, et sa joie et sa réjouissance quand elle fut gratifiée par l’eau de Zamzam. La lapidation de Satan à Mina rappelle sa lapidation par Ibrahim, Ismaël et notre mère Agar lorsqu’il leur tendit un piège ; c’est donc la commémoration de cette tradition. En outre, c’est pour montrer à Satan son caractère insignifiant, puisque sa lapidation se fait à l’aide de cailloux provenant de la terre qui servit à la création d’Adam u par rapport à laquelle il se sentit supérieur.
D’autre part, cela met en exergue la lutte acharnée du Prophète r sur ces terres où il passa les cinquante-trois de ses soixante-trois années d’existence, pour nettoyer la Kaaba des idoles. L’effervescence et l’excitation de la circumambulation font revivre l’enthousiasme de la circumambulation du Prophète r à dos de chameau lors du pèlerinage d’adieu, après qu’il eût nettoyé la Kaaba des idoles et l’eût rendue propice au pèlerinage.
À Arafat, c’est comme si les pèlerins assistaient au sermon d’adieu du Prophète r qu’il adressa à cent vingt-cinq mille compagnons y à partir de Jabal ar-Rahma[9] et lors duquel il fit la déclaration universelle des droits de l’homme. Dans ce lieu, les cœurs sont profondément imprégnés de la réalité des paroles de vérité et messages transmis par le Messager de Dieu r à ses compagnons y et à toute l’humanité. “Que tous ceux qui m’écoutent transmettent ce message à d’autres, et ceux-là à d’autres encore ; et que les derniers puissent le comprendre mieux que ceux qui m’écoutent directement. ” Ceux qui accomplissent le pèlerinage doivent percevoir ces paroles bénies comme un dépôt prophétique, et veiller à les transmettre et à les propager dans leur entourage une fois de retour chez eux. C’est ce que firent les cent vingt-cinq mille compagnons ; en effet, ils se rendirent à Istanbul, en Andalousie, en Afrique et en Asie Orientale, rien que pour transmettre ces paroles vers de nouveaux horizons et les enraciner dans de nouveaux cœurs.
Le serviteur qui accomplit le pèlerinage voyage dans le tunnel temporel, monte jusqu’au passé, et se projette dans l’avenir. L’expérience du rassemblement apocalyptique qu’il y vit lui permet de découvrir le secret de la mort avant même de mourir et de voler vers l’au-delà. Sur la place d’Arafat, le pèlerin doit s’imaginer face au tribunal divin sur le plateau du jugement dernier ; de même, avec le vêtement d’ihram qui simule le linceul, il doit vivre l’expérience de la vie après la mort. L’éducation de la mort permet au musulman de prendre toutes les dispositions nécessaires pour mourir en état de soumission au Créateur. En effet, l’homme meurt de la manière qu’il a vécue ; et il sera ressuscité de cette même manière. Et le but fondamental dans ce bas-monde, c’est de mourir en état de pleine soumission à Dieu[10].
Dans l’école du pèlerinage, en subissant dans l’état d’ihram l’interdiction temporaire des choses qui lui sont licites dans la vie courante, le pèlerin reçoit là une éducation de son égo, de son libre arbitre au plus haut niveau. Le serviteur qui parvient à délaisser pour Dieu même les choses qui lui sont permises, à fondre sa volonté dans la volonté divine, démontre par cet acte qu’il n’a aucun intérêt pour ce bas-monde et ses jouissances trompeuses.
Le pèlerinage qui demande à la fois des efforts physiques et des sacrifices financiers permet au serviteur d’accéder à la purification et à la maturité spirituelle.
Dans le Saint Coran, Allah nous cite les termes Safa, Maroua, sacrifice et autres, en tant que lexique et injonction du pèlerinage[11]. Et le fait d’exalter les injonctions d’Allah est une inspiration de la piété des cœurs[12].
Certaines injonctions et les versets en rapport avec le pèlerinage portent une signification symbolique. Particulièrement, la lapidation du Satan symbolise le supplice de l’égo, l’interdiction du rasage symbolise la coupure de tout lien avec ce bas-monde, et le sacrifice de la bête symbolise lui aussi le sacrifice de son âme et tout ce qu’on possède pour la cause divine. La circumambulation de la Kaaba ressemble à la situation d’un amant qui tourne autour de la maison de son amante tout en aspirant à l’admiration de sa face. Dans chaque injonction se rapportant au pèlerinage, il y a un sens profond et subtil. Tout au long du pèlerinage, ces injonctions et sentences suscitent dans le for intérieur des pèlerins des sentiments à même de les éduquer.
Quant à l’interdiction de l’ihram constituant à ne pas nuire aux animaux et plantes dans cette vallée qui n’est pas adaptée à l’agriculture, elle relève d’un ordre divin qui inculque la conscience environnementale et enseigne la préservation de l’équilibre environnemental. La plus grande richesse d’ici-bas est de pouvoir parfaire l’âme à la lumière de ce dicton: « les mains occupées par le labeur, et le cœur orienté vers Le Créateur », et d’accéder à l’agrément divin.
L’école du pèlerinage enseigne toutes ces notions au serviteur. Et pour réussir sa formation dans cette école, il faut être un bon élève, avoir un niveau requis de connaissance et manifester un grand intérêt. Si la durée de formation dans cette école est très bien évaluée, elle sera pour les gens une grande aubaine pour entamer le processus de l’évolution spirituelle et pour atteindre la piété. Pour vivre un pèlerinage qui bonde le cœur de l’amour du Prophète, de la nostalgie de la Kaaba et de la réalité de la mort il faut nécessairement accomplir cette adoration avec crainte et concentration. Car, un pèlerinage agréé pourvu de crainte et concentration procure la paix et le bonheur dans ce bas-monde, et le paradis et la contemplation de la Face Divine dans l’au-delà.
D’autre part, la négligence du gouvernement Saoudien quant au respect des valeurs humaines, en plus d’attrister le monde islamique, donne une mauvaise image de l’Islam au monde extérieur. Les incidents vécus chaque année à Mina dénotent d’une irresponsabilité. Pour les adeptes de l’école juridique chafiite, c’est une obligation formelle de rester à Mina pendant la période de lapidation. Le fait de ne pas allouer à ces pèlerins l’espace nécessaire pour leur séjour temporaire les pousse à s’installer sur les routes et lieux de lapidation ; par conséquent, le rétrécissement des voies ouvre naturellement la porte à des situations catastrophiques. Nous souhaitons de vivement que ce gouvernement tire des leçons du dernier incident catastrophique et prenne les précautions nécessaires.
[1]. Voir sourate al-Ankabût, verset 45.
[2]. Voir sourate al–Mü’minûn, verset 2.
[3]. Voir sourate al–Bakara, verset 83.
[4]. Voir sourate at-Tawba, verset 103.
[5]. Sourate al-Bakara, verset 197.
[6]. Sourate Al-’Imrân, verset 96.
[7]. L’ihram (arabe : إحرام), est un terme arabe lié au hajj : tout au long du pèlerinage, le pèlerin doit être en état d’ihram état de consécration rituelle ; sacralisation ; vêtement de pèlerinage). L’ihrâm symbolise l’entrée dans l’univers sacré. Pour cela, le pèlerin doit se soumettre à une purification complète (grandes ablutions) et à une hygiène de vie.
[8]. Voir sourate Ibrahim, verset 37 ; sourate al-Bakara, verset 132; sourate Al-i Imran verset 102.
[9]. Le mont Arafat (aussi appelé mont Arafa) (en arabe: جبل عرفات ; Jabal ‘Arafat) est une colline de granit à une vingtaine de kilomètres à l’est de La Mecque ; elle atteint environ 70 mètres de hauteur. On l’appelle aussi Jabal ar-Rahma ou « montagne de la miséricorde ». C’ est là où Mohammed r donna son sermon d’adieu aux Musulmans qui l’avaient accompagné pour le hajj à la fin de sa vie.
[10]. Voir sourate al-Bakara, verset 132 ; sourate Al-i İmran, verset 102.
[11]. Voir sourate al-Haddj, verset 32.
[12]. Voir sourate al-Bakara, verset 158 ; sourate Al-Mâida, verset 2 ; sourate al-Haddj, versets 32-36.