Un Islam sans Sunna est-il Possible ?
Selon un rapport d’Abû Rafi r.a. , le Messager d’Allah (pbsl) a dit :
« Que je ne trouve personne qui, allongé sur son divan, reçoit un ordre ou une interdiction de ma part, et réponde en disant : « Nous suivons que ce que nous trouvons dans le Livre d’Allah. »[1]
D’après les spécialistes en commentaire de hadiths, la Sunna englobe tout ce qui nous a été transmis de la part du Prophète Muhammad[2] (pbsl).
En bref, la Sunna, c’est la vie du Prophète auquel cette expression coranique est attribuée “Uswa-i Hasana”[3], et dont “la moralité était le Saint Coran”[4] comme signifié par notre sainte mère Aïcha c.
Ceci dit, le Prophète (pbsl) représente le serviteur unique qui a incarné la Parole divine de la plus belle manière. Pour lui, le Coran était plus que les paroles et les écrits, car il était lui-même un Coran vivant. Il est donc recommandé à ceux qui veulent s’imprégner de l’éducation coranique de l’imiter et de toujours le prendre en exemple.
D’ailleurs, en déclarant Son Envoyé comme le “meilleur exemple” à suivre, Allah I a utilisé le terme « certes » pour mettre l’accent sur ce point :
« Certes, vous avez dans le Messager d’Allah un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment. »[5]
Prendre le Messager de Dieu (pbsl) comme exemple, c’est avant tout chercher à comprendre, à pratiquer et à enseigner aux autres la religion.
En ce sens, la Sunna du Prophète (pbsl) demeure une partie indispensable de l’Islam et ne peut être dissociée du Coran.
PEUT-ON SE CONTENTER SEULEMENT DU CORAN ?
Le hadith, cité plus-haut, connu sous le nom de “Arîka hadith” parmi les spécialistes du Hadith (en tant que science), est mentionné dans les sources avec différentes narrations.
Par exemple, alors que dans une narration on trouve l’expression « allongé sur son siège », dans une autre narration, il est plutôt marqué « un homme allongé sur son siège en état de satiété ».
Malgré cette différence, le point souligné dans toutes les narrations reste le même. Ce hadith charif nous informe qu’au fil du temps émergera un groupe de personnes avec des concepts, des idiomes et expressions tels que «Se contenter seulement du Coran», «Agir avec le Coran», «L’approche coranique», «L’Islam du Coran», et ce, avec l’intention de dissocier le Coran de la Sunna.
Notre hadith, avec la prédiction et l’avertissement prophétique qu’il comporte, vient à ce moment opportun réconforter les croyants et leur dévoiler les enjeux diaboliques cachés derrière de telles tentatives.
Le Prophète (pbsl) avait informé ses Compagnons y de la venue d’une époque où des insouciants malintentionnés se présenteraient pour exhorter les gens à se contenter seulement du Coran, tout en bafouant les enseignements universels apportés par la Sunna. En fait, il a mis à nu leurs intentions malveillantes. Il a signalé, de façon claire et nette, qu’il les désavouait, et a même averti qu’il ne voulait voir aucun des Compagnons y (ni ceux qui les suivraient) s’adonner à une telle attitude et affirmation, à savoir l’Islam sans Sunna.”[6]
OBJECTIONS CONTRE LA SUNNA DANS L’HISTOIRE DE L’ISLAM
Sans nul doute, les objections contre la Sunna sont une réalité qui ne date pas de maintenant. Il est possible de trouver des exemples de telles pratiques contradictoires à chaque période de l’histoire de l’Islam.
De telles tendances commencèrent à occuper l’agenda de la communauté islamique surtout après la période des Tabi’in[7], et continuèrent à animer la scène des périodes qui suivirent. Elles furent adoptées et promues par des groupes marginaux qui sont restés toujours minoritaires, tout comme à l’époque où elles avaient émergé.
Cette objection contre la Sunna, que le Prophète (pbsl) avait signalée dans son hadith charif, apparut peu de temps après lui et se manifesta sur la scène de l’histoire lors de la lutte entre les défenseurs et les négateurs de la Sunna qui débuta durant la période des Tabi’in.
Citons cet incident remarquable en guise d’exemple à cette réalité :
D’après ce que relate Hasan al-Basrî ç, pendant qu’Imran b. Huseyn évoquait la Sunna du Prophète r, un homme l’interrompit en disant : “Abû Nujay ! Parle-nous du Coran !”
Imran répliqua ainsi : “Toi et tes amis récitez le Coran. Peux-tu me parler de la prière, de son contenu et de ses limites ? Peux-tu me détailler la zakat à prélever sur l’or, les chameaux, le bétail et les autres types de biens ? Sache que lorsque tu étais absent, j’ai été témoin des explications sur ces sujets.”
Puis il continua comme suit : “Le Messager d’Allah (pbsl) nous a défini la part de zakat à prélever sur tel et tel bien.”
Après ces propos, l’homme dit : “Tu as réveillé ma conscience. Que Dieu t’en inspire davantage !”
Hasan al-Basrî ç, qui relata cet événement, a déclaré que cet homme devint finalement un des juristes musulmans.[8]
LA RÉFUTATION DE LA SUNNA EN TANT QUE PREUVE
Au IIe siècle après l’Hégire, certaines personnes, bien que très peu nombreuses, refusèrent d’admettre la Sunna comme preuve et source légale.
Après le IIe siècle, cette objection prit fin.
De nos jours, cette tentation est encore réapparue suite à l’influence du colonialisme occidental.
Dans les pays islamiques, en particulier en Inde, on commence à voir des serviteurs pourvus de la mentalité du rejet de la Sunna, bien qu’ils soient en nombre restreint.
Dans notre pays, outre les opposants partiels à la Sunna, il existe également des personnes qui nient complètement la Sunna et sont appelées “mealdjiler”[9].
Et pourtant, la Sunna représente l’explication théorique et la mise en application du Coran.[10]
Il s’avère donc nécessaire de se soumettre à la Sunna, l’exégèse universelle du Coran, et d’agir selon les règles et directives qu’elle a apportées.
Telle est la réplique marquante du Coran adressée à ces personnes malveillantes qui disent : «Nous suivons que ce que nous trouvons dans le “Livre d’Allah” et essayons de dissocier Allah de Son Messager (pbsl) :
« Ceux qui ne croient pas en Allah et en Ses Messagers, et qui veulent faire distinction entre Allah et Ses Messagers et qui disent : «Nous croyons en certains d’entre eux mais ne croyons pas en d’autres», et qui veulent prendre un chemin intermédiaire (entre la foi et la mécréance). »[11]
D’autre part, la complémentarité entre l’obéissance à Dieu et l’obéissance au Prophète (pbsl) est ainsi évoquée :
« Dis : « Obéissez à Allah et au Messager. Et si vous tournez le dos… alors Allah n’aime pas les infidèles ! »[12]
En effet, ce verset affirme clairement que le fait de prétendre obéir à Allah tout en négligeant l’obéissance à Son Envoyé (pbsl) est synonyme de mécréance.
Dans un autre verset, au sujet de l’obéissance, Dieu évoque Son nom simultanément avec celui de Son Prophète r:
« Et obéissez à Allah et au Messager afin qu’il vous soit fait miséricorde ! »[13]
La soumission au Prophète (pbsl) est considérée comme la soumission à Allah :
« Quiconque obéit au Messager obéit certainement à Allah. »[14]
Le Coran mentionne la guidance comme fruit de l’obéissance au Prophète (pbsl) :
« Et si vous lui obéissez, vous serez bien guidés. »[15]
« Et suivez-le afin que vous soyez bien guidés. »[16]
De même, la soumission au Prophète (pbsl) est indiquée comme la condition de l’accession au pardon et à la satisfaction divine :
« Dis : “Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Allah est Pardonneur et Miséricordieux”. »[17]
Le verset suivant nous exhorte à prendre tout ce qui vient du Messager de Dieu r:
« Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en. »[18]
Un autre verset nous avertit contre toute objection à l’ordre prophétique :
« Que ceux, donc, qui s’opposent à son commandement prennent garde qu’une épreuve ne les atteigne, ou que ne les atteigne un châtiment douloureux. »[19]
CEUX QUI ONT DÉLAISSÉ LA SUNNA SUITE À DES INTERPRÉTATIONS ERRONÉES
Dans le Coran, Allah ordonne aux croyants de «répondre à l’invitation du Prophète (pbsl) tout en qualifiant de ‘vraie vie’ ce à quoi Il les invite»[20].
En outre, Il recommande aux musulmans d’avoir recours au Messager (pbsl) en cas de désaccord[21], de s’en remettre exclusivement à son jugement bon gré ou contre gré[22], de lui demander de juger de leurs disputes et de se soumettre complètement à sa sentence s’ils veulent être des croyants[23], car, ne réussiront point ceux qui prétendent croire en Allah et au Messager (pbsl) tout en faisant volte-face après cela, et ne prennent pas le Prophète (pbsl) comme juge de leurs différends[24].
Et pourtant, malgré tous ces avertissements coraniques, il y eut des gens dans le passé, tout comme à notre époque, qui ont rejeté la Sunna suite à des arrière-pensées et des interprétations erronées.[25]
Le hadith charif cité plus-haut et mentionné par Mubârekfûrî dans son écrit intitulé “Delâil-i Nubuwwah”[26], a été détaillé de manière efficace et éloquente par le grand savant At-Tirmidhî. Il a recommandé aux croyants de ne pas tomber dans ces tentations vicieuses et sataniques qui sont une forme d’épreuve, et d’organiser leur vie conformément à la Sunna du Noble Messager de Dieu (pbsl). De plus, dans notre hadith en question, à travers l’expression “allongé sur (ou s’y est vautré)”, il est signifié qu’à la base de l’objection contre la Sunna, il y a la grossièreté, l’insouciance, l’égocentrisme, un sentiment de fatuité, et qu’une telle attitude est inappropriée et contraire à l’éthique islamique.[27]
L’expression “allongé sur son divan” utilisée dans le hadith est un indice qui montre que les attitudes de rejet de la Sunna émaneront des personnes vivant dans le confort.
Et l’ordonnance divine à ce sujet est très significative :
« Prenez-garde ! Vraiment l’homme devient rebelle, dès qu’il estime qu’il peut se suffire à lui-même (à cause de sa richesse). »[28]
Ceci dit, l’expression “allongé sur son divan” peut donc faire allusion à l’objection contre la Sunna due à la mégalomanie, un abus de pouvoir.
Que ces avertissements divins éveillent la conscience des personnes épargnées des problèmes financiers, mais qui, rien que pour servir les intérêts des dirigeants, soutiennent leur hostilité envers l’Islam tout en s’affichant comme des serviteurs fidèles du Coran :
« Ô vous qui avez cru ! Ne devancez pas Allah et Son Messager (N’essayez pas de parler avant Eux ou d’émettre un jugement à propos d’une question). Et craignez Allah. Allah est Audiant et Omniscient.»[29]
« Ô vous qui avez cru ! N’élevez pas vos voix au-dessus de la voix du Prophète, et ne haussez pas le ton en lui parlant, comme vous le haussez les uns avec les autres, sinon vos œuvres deviendraient vaines sans que vous vous en rendiez compte.»[30]
Encore une fois, cette même expression “allongé sur son divan” peut aussi faire allusion à une personne oisive qui n’a rien à faire ou qui s’adonne à des futilités. Il est donc probable que cette expression attire implicitement l’attention sur l’absurdité des propos émanant d’une telle personne.
Prétendre n’obéir qu’au Coran et à rien d’autre, tout en négligeant le serviteur honoré par la révélation de la Parole divine à savoir le Glorieux Prophète r, juste dans l’intention de satisfaire ses passions et bénéficier de l’assentiment et des compliments de ceux qui nous entourent, n’est qu’infamie et ignominie.
Qui sait, cette attitude infâme pourrait occasionner ce à quoi les polythéistes voulaient parvenir à travers leurs railleries “Si seulement la révélation divine pouvait descendre sur nous aussi !”
C’est comme si ceux qui rejettent la Sunna tentaient de dire que l’impact de la mission et des enseignements du Prophète (pbsl) est limité dans le temps, et que c’est à eux de prendre désormais la relève. Le caractère abject de toutes ces attitudes et pensées erronées est remarquablement mis à nu par les amoureux fidèles du Prophète (pbsl).
Un Islam sans Sunna ou une pratique religieuse contraire à la Sunna est impossible.
Citons cette parole concise du noble compagnon Omar r.a. pour clore notre article : “Nous agréons Allah comme Seigneur, l’Islam comme religion, et Muhammad comme prophète”[31].
[1]. Abû Dawûd, Sunna, 42/1682, 4604 ; At-Tirmidhî, ‘Ilm, 10 ; Ibn Maja, Sunna 2 Al-Dârimî, Sunan, Sunna 49 ; Al-Bayhaqî, Delâil, 1/24 ; At-Tirmidhî a estimé que ce hadith était “hasan”.
[2]. Çakan İsmail Lütfi, Sunnet, Abû Dâwud, Sünen-i ve bazı hadis ıstılahları üzerine, Mukaddime, p. 14.
[3]. Uswa-i Hasana : expression coranique utilisée pour décrire le Saint Prophète (pbsl) et qui signifie “un excellent modèle”.
[4]. Voir Ahmad ibn Hanbal VI, 188 (Çakan, art. İsmail Lütfi).
[5]. Sourate Al-Aḥzâb (33), verset 21.
[6]. Voir Çakan, İsmail Lütfi, Hadislerle Gerçekler, 2, p. 138.
[7]. La génération des musulmans qui suivirent celle des nobles Compagnons y.
[8]. Aydınlı, Abdullah, Sünen-i Dârimi Tercüme, Mukaddime p. 47.
[9]. Mealdjiler: ce sont les adeptes d’une secte en Turquie qui considèrent le Coran comme seule source fondamentale de l’Islam.
[10]. Al-Qardawî, Yûsuf, Sünneti Anlamada Yöntem, p. 61.
[11]. Sourate An-Nisâ, verset 150.
[12]. Sourate Al- ‘Imrân, verset 32.
[13]. Sourate Al-‘Imrân, verset 132 ; Sourate An-Nisâ, verset 13 ; Sourate An-Nûr, verset 51.
[14]. Sourate An-Nisâ, verset 80.
[15]. Sourate an-Nûr, verset 54.
[16]. Sourate A’râf, verset 158.
[17]. Sourate Al-‘Imrân, verset 31.
[18]. Sourate Al- Hashr, verset 7.
[19]. Sourate An-Nûr, verset 63.
[20]. Voir Sourate Al-Anfâl, verset 24.
[21]. Sourate An-Nisâ, verset 59.
[22]. Sourate Al-Aḥzâb, verset 36.
[23]. Sourate An-Nisâ, verset 65.
[24]. Sourate An-Nûr, versets 47, 48 et 51.
[25]. Canan, İbrahim, Kütüb-i Site, 16 c., p. 461.
[26]. Tuhfetü’l-ahvezi, VII, 425.
[27]. Çakan, İsmail Lütfi, Hadislerle Gerçekler 2, p. 138.
[28]. Sourate Al-‘Alaq, versets 6 et 7.
[29]. Sourate Al-Hujurat, verset 1.
[30]. Sourate Al- Hujurat, verset 2.
[31]. Sourate An-Nisâ, verset 65; Sourate An-Nûr, versets 47-50; Al-Bukhârî, Ilim 26; Deâwat 34; Fiten 15; İ’tisam 3; Muslim, Îmân 56; At-Tirmidhî, İlim 10.