Muhammed Emin Saraç, Un Connaisseur de Dieu qui Forge l’âme
Tout au long de sa vie, notre maître a fourni des efforts pour mener une existence conforme à la Sunna et à la vie des nobles compagnons. Il fut un serviteur exemplaire qui retourna paisiblement au Seigneur après avoir laissé derrière lui des dizaines de milliers de disciples qu’il a guidés sur le chemin de droiture.
Ahmet Hamdi Yıldırım
« Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis. »[1]
Les connaissances et la perspicacité dont jouit une personne ne peuvent lui suffire pour acquérir une personnalité religieuse ferme. Chacun a besoin d’un guide pour forger et parfaire sa personnalité. Ceci dit, il est nécessaire de se subordonner à un serviteur sage qui a su purifier son for intérieur et son aspect extérieur, et a pu joindre des actes nobles à ses connaissances.
Notre Seigneur, qui sait que l’homme a besoin d’un exemple concret de droiture, parle de la guidance dans le droit chemin dans le tout premier chapitre du Coran, Al-Fatiha. Et, comme pour exprimer qu’il ne peut y avoir de guidance sans guide sur ce chemin de droiture, Il décrit ce chemin comme celui des prophètes, des véridiques, des martyrs et des justes qu’Il a bénis et comblés. Le Prophète lui-même (pbsl) décrit ce chemin comme suit : « Le chemin sur lequel moi-même et mes compagnons sommes. »
L’un des guides de ce chemin béni de notre siècle fut sans aucun doute notre maître Muhammed Emin Saraç, qui est récemment retourné au Très Miséricordieux. Tout au long de sa vie, il a fourni des efforts pour mener une existence conforme à la Sunna et à la vie des nobles compagnons. Il fut un serviteur exemplaire qui retourna paisiblement au Seigneur après avoir laissé derrière lui des dizaines de milliers de disciples qu’il a guidés sur ce chemin de droiture.
L’expression pour décrire au mieux notre défunt maître est la sensibilité qu’il manifestait vis-à-vis du chemin de droiture, ses efforts indéfectibles pour demeurer sur la voie des pieux prédécesseurs. Il ne pouvait tolérer le fait de dévier d’un iota de la voie des Ahl as-Sunna. Bref, sa sensibilité pour le chemin de guidance était au-delà de tout.
Il y a trente ans, j’ai eu l’honneur de faire partie du cercle d’enseignement de ce maître. Dieu m’a fait cette grâce alors que nous étions encore à l’époque de l’enseignement dans les médersas. Avec quelques amis, j’ai commencé à suivre régulièrement les cours de ce maître dans une salle de la bibliothèque de Fatih. Durant ses cours, nous ressentions jusqu’à nos os, comme une leçon à part, l’étendue et la diversité de la vie scientifique dans laquelle il était plongé. L’une des routines de nos cours consistait à partager avec notre maître les bagels qu’il achetait à la boulangerie, et ce accompagnés de thé. Durant ces petites pauses-café, il avait l’habitude de nous donner des leçons à travers ses souvenirs agréables à même de forger la personnalité. Le point principal de ces leçons était que le capital le plus fondamental d’un voyageur vers la science devrait être la connaissance. Un disciple qui renonçait à l’apprentissage et ne se concentrait que sur les activités mondaines perdait toute estime aux yeux de notre maître. En effet, le chemin de la recherche de la science était celui des prophètes, des véridiques, des martyrs et des justes. Notre maître considérait la connaissance comme le capital de l’au-delà et que cela ne peut être échangé contre quoi que ce soit de mondain. D’ailleurs, selon les mots de Ali Haydar Efendi, le maître de notre maître Emin Hoca disait de lui qu’il sera, par la grâce divine, un serviteur bienheureux dans l’au-delà car il aspirait à la science uniquement pour mériter l’amour d’Allah.
La caractéristique la plus fondamentale qui fait d’un érudit un érudit digne, c’est son dévouement total à la religion. Et telle était la caractéristique la plus évidente de notre maître Emin Hoca. Même le ton de sa voix indiquait sa dévotion lorsqu’il prononçait la phrase « la Sunna du Noble Muhammad ». Ceci étant, il n’admettait jamais que l’on fasse des concessions au détriment de la religion, ou que l’on fasse la paix avec les ennemis de la religion. Notre défunt maître a passé sa vie entière en état d’hostilité envers les ennemis de l’Islam. Il n’a jamais adopté une posture amicale envers les détracteurs de l’Islam et des choses sacrées. De même, il n’a jamais eu d’estime pour ceux qui étaient proches des ennemis de l’Islam, que ce soit pour des raisons politiques ou par hypocrisie.
Pour notre maître, chacun de ses élèves était précieux à ses yeux. Selon sa méthode d’enseignement, il n’y avait pas d’élève de première ou de seconde classe, ou de bon/mauvais élève, car tous ses élèves étaient spéciaux pour lui. Un élève, dix élèves, cent élèves, peu importe le nombre d’élèves, cela n’avait aucune importance pour lui. D’ailleurs, durant une période où nous n’étions que deux élèves participant à ses cours, nous avons longtemps bénéficié de ses enseignements. Chacun de ses élèves garde de beaux souvenirs de lui. Lorsqu’il présentait l’un de ses élèves à un étranger, il le présentait comme le Shaykh al-Islam du futur. En entendant ces mots, nous nous rendions compte qu’une lourde responsabilité nous était confiée et prenions conscience que nous devrions travailler dur en conséquence.
Tout comme notre maître nous a permis de connaître les anciens savants, il nous a également ouvert les portes de la rencontre avec les grands savants de notre époque. En effet, il nous avait inclus dans sa délégation lors d’une visite scientifique qu’il a faite en Inde en 1996. Au cours de cette visite, nous avons été témoins de l’amour profond qui prévalait entre lui et Abu’l-Hasan an-Nadvi Hoca Efendi, l’un des grands érudits de l’époque. Presque tous les érudits du monde islamique qui venaient à Istanbul rendaient visite à notre maître à la mosquée Fatih. Nous avions ainsi eu l’opportunité de tirer profit de ces serviteurs distingués. L’un d’eux fut le savant Nurettin Itr, le célèbre muhaddith (spécialiste en science du Hadith) la région de Damas, récemment décédé. De surcroit, notre maître nous a permis de rencontrer et de tirer énormément profit de Abdulfattah Abû Gudda, le plus grand spécialiste des hadiths de son temps. Ceci dit, toute disciple qui faisait partie du cercle d’enseignement de notre maître était en contact avec tout le monde islamique et était ainsi habité par un souci profond du bien-être de la communauté islamique.
L’une des caractéristiques les plus distinctives de notre maître était qu’il était une personne reconnaissante et loyale. Il s’efforçait de répandre la bonté, d’annoncer les bonnes nouvelles, et luttait pour le bien-être de tous. Chaque fois qu’il parlait de la voie du pieux Hüdâyî, il la décrivait toujours comme l’une des rares sources intarissables. Il avait l’habitude de citer les paroles de nos maîtres Muhammed Esad Erbilî, Mahmud Sami Ramazanoğlu, Ali Yekta et Musa Topbaş, qui sont les anciens de ce chemin noble, et de dire qu’il admirait énormément Osman Nuri Topbaş depuis son enfance.
On a tendance à dire que « la mort du savant est synonyme de l’arrêt du monde », mais cette fois la situation est un peu différente. La mort de notre maître était en réalité synonyme d’effondrement d’un trésor spirituel qui renfermait les souvenirs de centaines d’érudits. Avec son départ, nous avons été privés de sa vertu, son savoir étendu, son caractère ferme, son visage illuminé, ses assises spirituelles, ainsi que de sa majesté et de sa courtoisie toutes deux héritées des Ottomans.
Notre maître a laissé derrière lui des milliers d’étudiants en larmes et s’est affranchi de l’esclavage de ce bas-monde pour le salut de l’au-delà suite à l’ordre « irjiî (Retourne !) » de son Seigneur. Nous prions pour que sa rencontre avec son Créateur Majestueux soit heureuse. Qu’Allah lui fasse miséricorde ! Qu’il soit le voisin de Muhammad Mustafa (pbsl), la miséricorde des mondes et la source de la guérison à laquelle il a consacré sa vie entière ! Récitons la Fatiha pour son âme… اِنَّا لِلّٰهِ وَاِنَّـا اِلَيْهِ رَاجِعُونَ
Que Dieu accorde Sa miséricorde à notre distingué maître Emin Saraç, qui a consacré sa vie à la science et à la sagesse dans la direction du Coran et de la Sunna, et qu’Il donne la patience à ses proches ! Que son rang soit exalté, que sa demeure soit le Paradis !
Notre professeur Emin Saraç a étudié en Egypte et fut diplômé d’Al-Azhar. Nos vénérables anciens, qui allèrent au pèlerinage, lui avaient rendu visite en Égypte et lui avaient demandé des nouvelles de sa situation, tout en répondant à ses questions sur la situation en Turquie. Lui aussi à son tour leur avait donné des informations sur l’Égypte. Notre maître Emin Saraç nous a raconté ce souvenir à plusieurs reprises, comme une manifestation du sentiment exceptionnel de loyauté dans son cœur.
Il était notre maître pendant nos années d’études à l’école confessionnelle Imam-Hatip. Détaché des intérêts mondains, il lisait humblement Kutub-i Sitta[2] dans la mosquée Fatih et commentait le Coran. En fait, à travers son savoir, son ingéniosité, sa sagesse et son caractère, il fit montre d’une vertu à même de servir d’exemple à toute la communauté.
Même durant l’époque où il y avait de fortes pressions contre l’Islam et où il était très difficile de se maintenir sur la voie de droiture, notre maître Emin Saraç fut l’une des personnalités exceptionnelles qui purent représenter la dignité de l’Islam sans s’incliner et sans fléchir dans son attitude digne. Lui-même rappelait de temps en temps les persécutions à l’encontre des croyants du passé, et racontait les souvenirs désagréables de cette période. Ainsi, nous conseillait-il d’augmenter notre service et nos efforts dans le sentier divin en prenant conscience de la valeur précieuse de chaque jour que nous voyons naître.
Il visitait notre fondation de temps en temps, s’enquérait des activités dans le pays et à l’étranger, et en écoutant les services accomplis, il exprimait à la fois sa satisfaction et encourageait à de plus grands services.
Notre maître, qui faisait vivre aux autres sa piété et rendait sans cesse grâce à Dieu pour ses connaissances et sa sagesse en forgeant d’innombrables disciples, fut l’un des derniers piliers fermes des serviteurs bénis du monde scientifique ottoman à notre époque.
Que notre Seigneur soit satisfait d’eux ! Qu’Il préserve l’héritage qu’ils ont légué ! Et qu’Il ne prive pas notre chère nation et la communauté de Muhammad des érudits et des savants bien-guidés !
Quelle est belle cette parole du noble compagnon Ali (t) :
« Mène une vie si parfaite au point que tu puisses manquer aux gens durant ta vie, et susciter en eux la mélancolie après ta mort ! »
Shaykh Sadi a également déclaré :
« Mène une vie si vertueuse de sorte que lorsque tu mourras, les gens puissent se souvenir de toi avec miséricorde et mélancolie en disant : « Un soleil s’est couché, une étoile s’est éteinte ». »
Bienheureux sont les serviteurs justes qui, à l’instar de notre maître Emin Saraç, sont capables de migrer vers la vie éternelle en laissant d’eux un souvenir agréable dans ce monde éphémère !
Récitons la Fatiha pour l’âme bénie de notre vertueux maître !
Osman Nuri TOPBAŞ
[1] Sourate Al-Fajr, versets 27 et 30.
[2] Les six plus grands recueils de hadiths : Sahih Al-Bukhârî, Sahih Muslim, Jāmi`at-Tirmidhī, Sunan Abû Dâwûd, Sunan An-Nasâ’î (Sughra), Sunan Ibn Majah.