La Sagesse des Amis d’Allah : Aziz Mahmud Hüdâyî

Nov 26, 2023 par

î

Osman Nuri Topbaş

Aziz Mahmud Hüdâyî (1541-1628), qui a grandi en Anatolie, fait partie des figures distinguées de notre ciel spirituel. La communauté musulmane profite encore aujourd’hui de son savoir, de sa sagesse et des services liés à la fondation qu’il a établie.  

             Il est un descendant de Junayd-i Baghdadî, donc un « Sayyid »[1].

             Dans l’un de ses hymnes en l’honneur du Messager d’Allah (r), il écrit :

             Quoi qu’il en soit, considère la situation de Hüdâyî,

            Tu es certes mon aïeul, mon ascendant, ô source de la grâce…

             Et dans un autre hymne :

            Ô Messager d’Allah, c’est toi

            Mon aïeul, mon ascendant, mon sultan…

Outre ses services rendus à la science et à la sagesse, sa vie pleine d’enseignements est une leçon en soi[2]. En effet, après avoir atteint un haut niveau de savoir suite à toute une vie d’apprentissage, les fonctions de professeur et de juge (cadi) qu’il a occupées lui ont valu une grande réputation dans la société. Cependant, cette grande notoriété ne l’avait pas empêché de se tourner en direction du climat de la réalité spirituelle, car il observait et méditait sur les signes spirituels des événements qui se produisaient autour de lui.

Selon une maxime célèbre, les voies qui mènent le serviteur au Créateur sont aussi innombrables que les âmes des créatures. Concernant la cause de l’orientation du cadi Mahmud Hüdâyî vers le chemin de la rencontre avec Allah, ce fut tel le procès d’un couple, chargé de secrets spirituels. Il entreprit de s’investir corps et âme dans la poursuite de ce procès et se retrouva finalement à la porte de Hazrat Uftâde.

Durant son séjour dans la loge (soufie) de son guide spirituel Uftâde, Mahmud Hüdâyî avait au préalable renoncé à sa notoriété, à son rang social et à sa fortune. Il s’était débarrassé de toute chose à même de l’empêcher d’atteindre Allah. Ainsi, selon ses propres termes, il vécut une vie de servitude, riche d’extase et de méditation dans la proximité avec le « Matlab-i Âlâ wa Maksad-i Aksâ », c’est-à-dire le But Ultime, Allah le Très-Haut.

Il avait profondément réalisé que les désirs égoïstes qui rendent le serviteur insouciant de son Seigneur étaient comme des ombres vouées au déclin. Son cœur avait atteint un tel horizon de sagesse qu’à ses yeux le plus grand trésor du bonheur était de fondre toute son existence et son essence dans l’Existence Absolue d’Allah Tout-Puissant. Parce que tout dans la vie spirituelle commence après que l’on ait réalisé son propre néant. Celui qui se connaît, connaît son Seigneur. Il est absolument impossible d’atteindre la Vérité sans s’être débarrassé de l’orgueil, de l’arrogance, de la jalousie et de tout caractère pernicieux, parce que le principe du tawhid n’admet pas que le cœur soit lié à autre que l’Unique Créateur.  

L’un des objectifs fondamentaux du soufisme (at-tasawwuf) est d’aider le serviteur à surpasser son égo, car la soumission à l’égo est incompatible avec l’esprit du « tawhid ». Le soufisme aide le serviteur à prendre conscience qu’il est « une créature faible et impuissante ». Il lui apprend à vivre une vie de servitude digne envers Allah Tout-Puissant dans un climat de décence, d’humilité et d’effacement de soi.

Ici, afin de vaincre les désirs de son égo, Hazrat Hüdâyî renonça à sa notoriété, à son statut social et à sa richesse. Sous l’autorité de son guide spirituel, il nettoya les toilettes de la loge des derviches et vendit du foie dans les rues de Bursa en robe de brocart. En vertu de son obéissance stricte aux ordres de son guide et de ses sincères efforts acharnés, il paracheva son chemin de purification en une courte période de trois années. Son cœur s’ouvrit sur des horizons infinis. Après avoir atteint ce degré, il n’avait pas manqué de déclarer les mêmes propos que Hazrat Mawlânâ Rûmî qui, nonobstant ses connaissances profondes, s’était défini comme « une matière brute », car son cœur n’était pas encore profondément habité par la lumière spirituelle. Il se considéra finalement comme « un produit fini », « une matière consumée » lorsque les fenêtres du monde spirituel s’ouvrirent à lui après qu’un derviche nommé Shams-i Tabrizî eut enflammé son cœur avec l’étincelle de l’amour divin…

Il est évident que pour un serviteur dont l’âme brute n’a pas subi de formation spirituelle :

  • La connaissance acquise peut devenir un outil d’injustice et d’oppression au lieu de fournir des avantages,
  • Une position hiérarchique peut cesser d’être un moyen de servir autrui et devenir source de division et de désordre dans la société,

–  La gloire et la notoriété peuvent se transformer en idoles que son cœur va adorer.

En d’autres termes, si des choses qui semblent très précieuses en surface ne sont pas autant de moyens transformés en finalité, elles peuvent amener le serviteur à entrer dans la vie éternelle comme un failli dont les mains sont vides.

              Si Hazrat Hüdâyî n’avait pas été fidèle à l’enseignement de son maître spirituel en abandonnant sa richesse et son rang social, il serait resté un (simple) enseignant dans une mosquée (müderris) ou un juge (cadi) ordinaire comme tant d’autres. Mais quand il eut évolué spirituellement après avoir forgé son âme à l’école de son guide Uftâde, il devint un « sultan du cœur » exceptionnel qui porta son enseignement à un large public, des échelons les plus bas de la société jusqu’aux sultans du monde. À travers les innombrables lettres qu’il a écrites, les conseils qu’il a donnés, et les poèmes instructifs qu’il a composés, il a guidé spirituellement les sultans et les hauts-fonctionnaires de l’État. En témoigne le poème suivant :

Ne te vante pas de ton état

Ne te laisse pas tromper par ces plaisirs éphémères

Ne t’éloigne pas de l’obéissance divine

Réveille-toi du sommeil de l’insouciance !

En vérité, Hazrat Hüdâyî, à l’instar des descendants d’Edebali[3] qui ont assuré le précieux service de la guidance du peuple durant les premières années fondatrices de l’Empire ottoman, a lui aussi été l’un des distingués serviteurs qui ont guidé les gens avec le même amour, extase et enthousiasme, à une époque où l’Empire ottoman avait atteint son apogée.  

Comme l’a fait remarquer le grand poète Yunus Emre : « C’est l’animal qui meurt ; les amoureux (d’Allah) ne meurent pas ! », malgré les quatre siècles qui se sont écoulés depuis sa mort, Hazrat Mahmud Hüdâyî continue également de vivre dans le cœur des gens à travers les œuvres qu’il a laissées, ses hymnes qui sont transmis de génération en génération et qui éveillent les cœurs, et aussi la fondation qu’il a établie et qui est aujourd’hui pourvue d’une prospérité et d’une baraka exceptionnelles.

Assurément, Allah Tout-Puissant fait aimer Ses serviteurs bien-aimés aux cœurs bénis et ne permet pas que ces derniers les oublient. À ce propos, le verset coranique suivant stipule :

« À ceux qui croient et font de bonnes œuvres, le Tout Miséricordieux accordera Son amour. »[4]

En effet, les Amis d’Allah ne sont pas sujets à l’oubli, même après que l’on ait porté leur corps en terre ; on se souvient toujours d’eux avec amour, respect et admiration. Même leurs tombes demeurent un centre d’attraction exceptionnel, en particulier pour les croyants fervents. Le fait même que des visiteurs venant des alentours ou de plus loin affluent vers le tombeau de Hazrat Hüdâyî est une manifestation évidente de cette réalité.

 En un mot, les guides vertueux, à l’instar de Hazrat Mahmud Hüdâyî, qui sont les héritiers des prophètes, sont les suprêmes représentants de la morale prophétique étalée dans le temps pour ceux qui n’ont pas pu côtoyer le Prophète (r) et ses Compagnons.

Dans cet article, nous tenterons, si Allah le veut, de tirer profit de l’univers de son cœur autour des précieuses expressions que nous avons choisies parmi ses œuvres poétiques en prose.  Hazrat Hüdâyî écrit :

Le mois du Mawlid est enfin venu

Le sultan des deux mondes est né

Il est l’être béni qui détruira les ténèbres

Il est la clarté du monde…

Le mois béni s’est manifesté

La meilleure des créatures est apparue

Sa venue est un honneur pour toutes les créatures

Que les prières infinies du Seigneur soient sur lui…

 Que la louange soit rendue à Allah Tout-Puissant pour nous avoir réintroduit dans le mois béni de Rabi’al-Awwal[5] au cours duquel l’univers tout entier fut honoré par la naissance du Messager d’Allah (r) !

La commémoration de la naissance du Prophète (r) commence d’abord par le fait de vivre dans son cœur la joie et le bonheur d’appartenir à sa noble communauté. Se réjouir de la venue au monde du Prophète Muhammad (r) est pour chaque croyant synonyme d’enthousiasme et de devoir de servitude. Hazrat Hüdâyî a exprimé cette joie et cet enthousiasme en composant de nombreux poèmes commémorant la naissance du Prophète (r).

L’Imam Kastalanî relate :

L’oncle du Prophète, Abbas (t), vit en rêve son frère Abû Lahab, mort polythéiste, et lui demanda :

« ‒ Dans quel état te trouves-tu ? »

Il répondit :

« Je suis en Enfer, dans un tourment douloureux. Ce n’est que le jour de lundi que mon tourment s’allège. Car (le jour de la naissance de Muhammad), lorsque mon esclave Thuwayba m’eut apporté cette bonne nouvelle : “Vous avez un neveu né aujourd’hui ! ”Je fus si heureux, compte tenu de notre lien de parenté, que je pris la décision d’affranchir Thuwayba, mon esclave. »[6]

Ibn al-Jazarî (mort en 1429), spécialiste de la récitation du Coran et des commentaires relatifs aux hadiths, dit à propos de cet événement :

« Si un ennemi d’Allah et de Son Messager bénéficie d’un allègement de son tourment en Enfer juste en raison des liens de parenté et parce qu’il s’était réjoui de la naissance du Prophète, qui sait quelles seront les récompenses d’un croyant qui, par amour pour le Prophète et satisfait d’appartenir à sa communauté, fait l’aumône, organise une assemblée religieuse, récite le Coran et adresse des chants élogieux au Prophète ? »[7]

Nous de même, faisons tout notre possible pour multiplier au maximum nos bonnes actions durant le mois de la naissance du Prophète afin de tirer profit de la spiritualité et des bénédictions infinies qui sont attachées à ce mois béni. Tendons notre main secourable aux pauvres, aux démunis, aux orphelins et aux délaissés ! Soyons aux côtés de nos frères croyants venus chercher le bonheur dans notre pays, tout comme les Ansars étaient aux côtés des Muhadjirines ! Car, faire preuve de compassion et de miséricorde envers les membres de la communauté islamique est l’une des plus belles actions à même d’honorer l’âme sublime de l’Envoyé d’Allah (r) qui se souciait lui-même de sa communauté bien plus qu’un parent ne se soucie de son enfant.

Cependant, n’oublions pas que la relation d’un musulman avec le Messager d’Allah (r) ne doit pas se limiter qu’à la commémoration de sa naissance. Pour cela, la meilleure façon de la célébrer :

–   C’est d’être de cœur avec lui tout au long de notre vie,

‒ C’est de nourrir dans notre cœur jusqu’à notre dernier souffle les sentiments et les pensées suivantes : « ‒ Si le Noble Prophète était à présent parmi nous, se réjouirait-il de notre état ou serait-il attristé ? « .

– C’est d’avoir un cœur si sensible que celui-ci nous pousserait à réfléchir avant chaque action et découvrir si cela conduit à la satisfaction d’Allah et de Son Messager.

En d’autres termes, tout comme nous commémorons avec enthousiasme la naissance du Prophète et essayons de renforcer notre proximité avec lui durant le mois de cet événement exceptionnel, de même nous devons développer cet enthousiasme et cet effort de rapprochement durant toute notre vie. Car, si nous limitons notre souvenir du Prophète qu’à certains moments et l’oublions pendant les autres étapes de notre vie, la sincérité de notre amour (envers lui) se révèlera défectueuse.

Tout comme nous commémorons la naissance de notre vénéré Prophète dans les mosquées, lors des assemblées religieuses et de la ‘umra, de même nous devons également étendre cette commémoration dans nos maisons, dans l’éducation de nos enfants, sur notre lieu de travail, à l’école, au marché, et nous devons nous efforcer de toujours organiser notre vie selon ses enseignements fondamentaux.

Hazrat Hüdâyî proclamait :

Ton apparition est une miséricorde, un bonheur immense,

Et une libération, ô Messager d’Allah

Ta venue est le remède aux ennuis, ô Messager d’Allah

Tu étais déjà prophète quand Adam était encore entre l’eau et l’argile

Le statut d’Imam des prophètes te sied, ô Messager d’Allah

Intercède pour le pauvre Hüdâyî

Qui s’est réfugié à ta porte, ô Messager d’Allah…

« La venue au monde du Prophète de la miséricorde apporta la paix, le bonheur et l’abondance à l’univers entier. Avec son apparition, les amoureux d’Allah ont trouvé un remède à leurs maux. Sa gloire est si grande que, bien avant même la création d’Adam (u), Allah Tout-Puissant avait déjà honoré la “lumière muhammadienne” par le don de la prophétie. Par conséquent, il est le plus méritant au titre d’Imam et le pionnier de tous les prophètes. »

Après avoir ainsi glorifié le Prophète (r), Hazrat Hüdâyî lui exprima ainsi sa supplique la plus chère :

« Ô Messager d’Allah ! Intercède pour Hüdâyî, cet esclave impuissant qui a frappé à ta porte… »

Ibn ‘Arabî a dit :

« Quand Allah L’Exalté annonça à Muhammad (r) la bonne nouvelle concernant sa prophétie, Adam (u) n’avait pas encore été créé ; il était entre l’eau et l’argile… Ceci dit, toutes les sentences des différentes charia-s établies à travers tous les prophètes et les messagers avaient été concrétisées à l’intention du Messager d’Allah. Le Noble Prophète (r) était déjà détenteur de la charia avant cette période. En effet, il a dit dans un hadith sharif : “J’étais Prophète quand Adam était encore entre l’âme et le corps[8].” Il n’a pas dit : « J’étais humain » ou « J’existais déjà. ». Et quand on parle de prophétie, il est question de recevoir de la part d’Allah la charge d’établir une charia. « [9]

En d’autres termes, relativement à la lumière du Prophète et à son don de prophétie, l’Envoyé d’Allah (r) était là bien avant la création d’Adam. En ce qui concerne sa venue dans ce monde, il occupe le dernier rang dans le calendrier prophétique.

Allah Tout-Puissant a créé Son Bien-aimé, métaphoriquement parlant, à la fois comme “une enveloppe” et aussi comme “la lettre de l’enveloppe”. Le Prophète (r) représente l’enveloppe de la lettre dans laquelle sont inscrites les vérités qui guident les serviteurs à la mârifatullâh (la connaissance divine). Ceux qui ouvrent cette enveloppe et parviennent à lire son contenu avec un cœur pur recevront des parts de sagesse et nombre de réalités et de secrets divins.

Encore une fois, selon le point de vue des gnostiques, la cause de l’existence de l’univers est l’amour divin à l’égard de la “lumière muhammadienne” qui représente la personnalité spirituelle du Messager d’Allah. L’univers entier a donc été créé en l’honneur de la lumière prophétique et correspond à une lettre dont le Prophète est “l’enveloppe”.

Un bijou précieux est d’abord placé dans un emballage précieux puis rangé dans un écrin précieux. L’écrin doit toute sa valeur au bijou qu’il contient. Ceci pour dire que le Prophète (r) est pour l’univers ce qu’un bijou est pour l’écrin.

Notre Seigneur dit :

« Allah a très certainement fait une faveur aux croyants lorsqu’Il a envoyé chez eux un Messager de parmi eux-mêmes, qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils fussent auparavant dans un égarement évident. »[10]

En effet, le fait d’appartenir à la communauté du Messager d’Allah (r) qui est un prophète – selon le récit qui en est fait – parmi les cent vingt-quatre mille prophètes envoyés sur terre, est une immense bénédiction qui nous a été accordée. Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de cette bénédiction incommensurable ? Jusqu’à quel point pourrions-nous être reconnaissants pour cette grâce exceptionnelle ?

À chaque instant de notre vie, nous devons nous réjouir pour la grâce d’appartenir à la communauté du Prophète empli de compassion et de tendresse. Chaque fois que nous serons entraînés dans le tourbillon des angoisses et des soucis, nous devons nous souvenir de cette grâce et ainsi nous décharger. Méditons sur ceci :

Si une personne qui possède une fortune estimée à des milliards venait à perdre cent centimes, s’attristera-t-elle pour cette perte ? Que représentent cent centimes face à des milliards ?

Nous aussi, lorsque nous sommes confrontés aux épreuves, nous devons être patients et nous rappeler qu’être un serviteur d’Allah et un membre de la communauté de Son Envoyé est à la fois une grande bénédiction et un bonheur immense. Nous sommes tenus de nous éloigner des plaintes et des lamentations. Malgré la sévérité des épreuves inhérentes à ce monde d’ici-bas, nous sommes censés trouver le réconfort parce que nous avons été gratifiés par le don de l’Islam et inscrits parmi les membres de la communauté de Muhammad (r).

Hazrat Hüdâyî a dit :

« La parenté peut être définie de deux manières : « Tiyniyya » et « Diniyya ». La première parenté (tiyniyya), ce sont les liens familiaux ; quant à la deuxième (diniyya), c’est l’affinité entre les âmes, la conformité des tempéraments et la concordance dans les actes commis.

Par conséquent, tous ceux qui suivent le chemin du Messager d’Allah sont comptés parmi les Ahl al-Bayt[11] et proches du Prophète (r). »

La parenté avec le Prophète (r) ‒ tout comme la supériorité aux yeux d’Allah ‒ réside en fait dans le secret de la « taqwa (piété) ». En effet, le Messager d’Allah (r) lui-même a déclaré :

« Les gens les plus proches de moi sont les pieux qui craignent Allah, peu importe où ils se trouvent. »[12]

Dans un autre hadith sharif, il est mentionné ceci :

« Sachez que mes amis ne sont pas les membres de la famille de mon père. Mes vrais amis sont Allah et les croyants pieux. »[13]

Notre Prophète (r) a encouragé les gens de sa maison à accomplir leur devoir de servitude et à faire de bonnes actions à chaque occasion. Même pendant ses derniers instants, il n’avait pas manqué de leur lancer l’avertissement suivant :

Ô Fatima, fille du Messager d’Allah ! Ô (ma tante) Safiyya ! Accomplissez les actes qu’Allah agrée ! (Si vous n’accomplissez pas de bonnes actions, ne comptez pas sur moi) ! Car je ne pourrai vous sauver du châtiment d’Allah (si vous n’avez pas accompli votre devoir de servitude) ! »[14]

Le plus grand souhait des Compagnons était d’être avec le Messager d’Allah dans l’Au-delà, tout comme ils ont été honorés par sa compagnie ici-bas.

Pour cela, le Prophète (r) avait dit à ses Compagnons :

اَلْمَرْءُ مَعَ مَنْ اَحَبْ

« Le serviteur demeurera avec celui qu’il aime. « [15]

Anas (t) a dit :

« Après notre entrée en Islam, rien ne nous a autant réjoui que cette parole de l’Envoyé d’Allah : “Tu seras en vérité avec celui que tu aimes”. »[16]

Abû Kurad as-Salamî relate:

« Nous étions avec le Messager d’Allah (r). Il demanda de l’eau pure (pour les ablutions) et y trempa sa main. Puis il fit ses ablutions. Nous tentâmes de récupérer l’eau de ses ablutions afin de la boire. Là-dessus, l’Envoyé d’Allah dit :

« ‒ Qu’est-ce qui vous a poussé à faire cela ? » Nous répondîmes :

 » ‒ L’amour d’Allah et de Son Messager. »

Le Messager d’Allah (r) ajouta alors :

« – Si vous voulez qu’Allah et Son Messager vous aiment aussi, ne trahissez pas le dépôt que l’on vous confie, dites la vérité quand vous parlez, et soyez bienveillants avec vos voisins. »[17]

Cela signifie qu’il ne suffit pas de dire : « J’aime Allah et Son Messager ». En effet, nous devons refléter cet amour sur notre état et notre comportement, sur nos efforts dans le sentier d’Allah, notre culte, nos mœurs et nos transactions, et surtout sur notre foyer, notre travail, notre manière d’éduquer nos enfants, nos relations humaines, bref, sur tous les aspects de notre vie.

Hasan al-Basrî a dit à ce propos :

« Ô gens, ne vous méprenez pas sur le sens du hadith : « Le serviteur demeurera avec celui qu’il aime ! » Vous ne serez pas des serviteurs justes tant que vous n’accomplirez pas (à la mesure de votre possible) de bonnes actions ! D’ailleurs, les Juifs et les Chrétiens aiment leurs prophètes à leur manière, mais eux ne seront pas avec eux. »[18]

Par conséquent, au sujet du hadith sharif : « Le serviteur sera (dans l’Au-delà) avec celui qu’il aime« , il ne faut pas penser qu’il suffira d’un simple amour pour mériter cette compagnie. Car ceci est une compréhension incomplète, et même erronée. Ceux qui aspirent à demeurer avec notre Bien-aimé Prophète (r) dans l’Au-delà sont appelés à fournir des efforts indéfectibles pour l’imiter dans leur adoration, dans la piété et la sincérité. Ils doivent être déterminés à toujours manifester envers autrui de la miséricorde, de la générosité, de la bonté et de la bienfaisance comme le faisait l’Envoyé d’Allah (r). Ils doivent s’imprégner du minimum d’abnégation et d’enthousiasme du Prophète (r) en vue du service dans le sentier divin, la propagation du message islamique et la promotion de l’enseignement du Noble Coran. En un mot, ils doivent s’évertuer à hériter d’une part de la moralité sublime du Noble Prophète (r)…

Prétendre aimer Allah et Son Envoyé sans fournir ces efforts n’est que prétention vaine. Car, si on aime vraiment quelqu’un, on lui manifeste de l’attention et on essaie de lui ressembler.

Si nous parvenons à nous moraliser à la lumière de la moralité du Prophète (r) et à nous soucier de sa noble communauté comme il le faisait, rien ne nous empêchera, avec la permission de notre Seigneur, d’étendre la commémoration de sa naissance à tous les jours de l’année. Et c’est à ce prix que nous serons concernés par la bonne nouvelle de ce hadith sharif : « Le serviteur demeurera (dans l’Au-delà) avec celui qu’il aime. « [19]

Veuille Allah Tout-Puissant nous permettre d’hériter d’une part de la moralité éminente de notre vénéré Maître Muhammad al-Habîbî (r) et profiter au maximum des sages paroles émanant des Amis d’Allah à l’instar d’Aziz Mahmud Hüdâyî, étant eux-mêmes les héritiers du Prophète (r) !


[1] Sayyid est un titre honorifique appliqué aux gens reconnus descendants du Prophète de l’Islam.

[2] Pour des informations détaillées sur la vie de Hazrat Hüdâyî, se référer au chapitre correspondant de notre livre “Âbide Şahsiyetleri ve Muesseseleriyle Osmanli ”.

[3] Shaykh Edebali, né vers 1206 à Karaman et mort vers 1326 à Bilecik, était un influent et respecté chef religieux qui a façonné et développé les débuts de la politique et de la culture ottomane naissante. 

[4] Sourate Maryam, verset 96.

[5] Rabīʿ al awwal, qui signifie : “la première saison du printemps” est le troisième mois du calendrier islamique.

[6] Voir Ibn Kathir, al-Bidâya, II, 277; Ibn Sa’d, I, 108, 125.

[7] Voir Kastalanî, Mawâhib-i Ladunniya, I, 39.

[8] At-Tirmidhî, Manakib, 1.  

[9] Ibn ‘Arabî, Futûhât, II, 171; IV, 66-67.

[10] Sourate Al-‘Imrân, verset 164.

[11] Expression arabe qui se traduit littéralement par « les Gens de la Maison ». Son sens peut signifier plus généralement, dans la tradition musulmane, ceux qui sont proches de Muhammad.  

[12] Ahmad, V, 235; Al-Haythami, IX, 22.

[13] Muslim, Iman, 366; Al-Bukharî, Adab, 14.

[14] Ibn Sa’d, II, 256; Al-Bukharî, Manakib, 13-14.

[15] Al-Bukharî, Adab, 96.

[16] Muslim, Birr, 163.

[17]At-Tabaranî, al-Mu’jamu’l-Awsat, VI, 320.

[18] Ihyâ, tome II, p. 402.

[19] Al-Bukharî, Adab, 96.  

Articles liés

Tags

Partager

Exprimez-Vous