Le secret de l’amour réside dans la pauvreté

Nov 26, 2023 par

Rabia Brodbeck

On ne peut atteindre le secret de l’amour sans franchir la porte du néant, de la privation, de la pauvreté[1] et de la proximité avec Allah. Le secret de l’amour réside dans la pauvreté. La pauvreté représente notre état le plus riche. La pauvreté est le degré le plus élevé qu’une personne puisse atteindre, c’est la plus haute éducation de l’âme. Mawlânâ Jalâl ud-Dîn Rûmî dit : « Les cœurs des amis d’Allah forment un cercle autour de la pauvreté : la pauvreté est le cheikh des cheikhs, et tous les cœurs sont ses disciples. »

Encore une fois, Mawlânâ Jalâl ud-Dîn Rûmî a déclaré : « La nuit du Mi’raj (ascension), le Messager d’Allah (r) a quitté son âme et a effectué un voyage équivalent à 100 000 ans de marche. « 

Il n’y a que l’altruisme qui puisse illuminer l’univers. Dans ce sens, il est demandé au croyant de s’humilier en la présence d’Allah, le Tout-Puissant, en réalisant son impuissance, sa faiblesse, ses défauts et imperfections.

Le Messager d’Allah r était analphabète et orphelin de mère et de père. Par conséquent, pour pouvoir comprendre la situation de notre bien-aimé Prophète, il faut comprendre ce que c’est qu’être orphelin, ce que signifient l’analphabétisme et l’exil.

Lorsque nous examinons la vie du Prophète, nous apprenons qu’il a toujours été du côté des faibles, des impuissants, des pauvres, des sans-abris et des délaissés. Un de ses noms est Maldja-i-Fukara qui signifie le refuge des pauvres, l’île de la sécurité. Un autre est “Anis-iz-Zuafa, c’est-à-dire l’ami des faibles.

Connaitre le Prophète r, c’est prendre conscience de sa pauvreté vis-à-vis de son Seigneur, c’est comprendre l’essence de ce hadith chérif : « Mon état est la pauvreté, ma pauvreté est ma fierté. » L’état de pauvreté était pour le Prophète une source d’inspiration. Il a prié son Seigneur comme suit : « Fais-moi vivre pauvre, mourir pauvre et ressusciter pauvre. « 

La seule chose qui nous rapprochera d’Allah Tout-Puissant, c’est le fait d’être toujours dans un état de pauvreté. La pauvreté est l’essence de l’Islam. La pauvreté renferme toutes les caractéristiques précieuses d’un croyant. En effet, elle pousse une personne à sacrifier son essence pour se consacrer exclusivement à l’Existence d’Allah. Le niveau de réalisation du néant de son être donne naissance à la véritable humilité, à un abandon sincère, à l’affection (divine) la plus profonde, à une admiration impressionnante, à une générosité sans fin et à une pure servitude.

Si nous réalisons notre néant, notre nature insignifiante, nous comprendrons la Grandeur Immense et la Puissance Infinie de notre Seigneur. Ainsi, le mensonge s’estompera-t-il sous nos yeux au profit de la vérité divine, notre âme sera purifiée de toute hypocrisie et de désir pour les intérêts mondains. Elle s’éloignera de tout ce qui est malhonnêteté, immoralité, dépravation des mœurs, exploitation, abus et oppression. Et c’est ainsi qu’elle retrouvera le chemin de la guidance, de la miséricorde, du pardon, de la confiance, de la tranquillité, de la quiétude, du salut et de la paix intérieure.

Afin de se débarrasser de l’emprise des jouissances mondaines, il est nécessaire de lutter dans le chemin de la réalisation de sa nature négligeable. Il faut inconditionnellement s’humilier devant Dieu le Très-Haut et se réfugier en Lui, en toute sincérité, dans un état d’impuissance, de pauvreté et d’effacement de soi.

Comme l’a dit Mawlânâ Rûmî : « Le Mi’raj (l’Ascension) est synonyme de surpasser son être. »

Le but ultime pour un croyant est d’être pauvre face au monde et de s’affranchir de son âme pour accéder aux richesses éternelles auprès d’Allah. Telle est la lumière émanant de l’essence de son être, le trésor de « l’ihram »[2]. Lorsque nous portons l’ihram, la lumière de l’ingéniosité brille dans notre cœur et nous permet d’atteindre le niveau de l’ascension. Cet état est synonyme de la rencontre avec notre Seigneur, qui est plus proche de nous que nous-mêmes.

 Mawlânâ Rûmî dit :

« Qu’est-ce que l’ascension vers les cieux ? C’est la prise de conscience de son insignifiance. La religion et l’école juridique des amoureux d’Allah, c’est l’effacement de soi. « 

 « Ô les amoureux du Divin ! Débarrassez-vous des attributs de votre existence et effacez-vous devant la Beauté Sublime d’Allah ! « 

« J’ai été tellement consumé par l’amour divin que l’extinction de mon être m’est mille fois plus délicieuse que mon existence. « 

 L’état de pauvreté est l’établissement d’une relation humble avec son Créateur. L’état de pauvreté ouvre les horizons de la perception de sa servitude, de son besoin absolu et de sa dépendance vis-à-vis de son Seigneur. L’état de pauvreté consiste à se libérer des liens de ce bas-monde pour se soumettre à la Main d’Allah. L’état de pauvreté ouvre les portes de l’espoir, du besoin, de la sobriété et de l’humilité. L’état de pauvreté dépouille le mensonge, lève les voiles, soulage l’indigestion spirituelle, l’ennui, les angoisses, et renforce le partage et la solidarité.

 Seul un cœur doté du secret de la pauvreté spirituelle peut atteindre le niveau de la proximité avec Allah. Un cœur plein d’idoles et d’immondices de ce bas-monde ne peut atteindre le paradis de la proximité divine. Lorsque nos cœurs sont remplis de caractéristiques égoïstes, il n’y reste pas de place pour la miséricorde d’Allah. Il est donc nécessaire de nettoyer notre monde intérieur de la jalousie, de l’orgueil, de l’envie, de l’arrogance, de la cupidité, de la paresse et de l’ignorance.

 Mawlânâ Jalâl ud-Dîn Rûmî dit :

 « L’égoïsme engendre une ivresse terrible ; il détruit la raison et l’humilité du cœur. « 

« Le monde entier se dirige dans la mauvaise direction parce que les gens ont peur de la pauvreté (privation) qui est pourtant leur principal refuge. « 

On ne peut atteindre le secret de l’amour sans franchir la porte du néant, de la privation, de la pauvreté et de la proximité avec Dieu. Le secret de l’amour réside dans la pauvreté. La pauvreté représente notre état le plus riche. La pauvreté est le degré le plus élevé qu’une personne puisse atteindre, c’est la plus haute éducation de l’âme.

 Mawlânâ Jalâl ud-Dîn Rûmî dit :

«  Les cœurs des amis d’Allah forment un cercle autour de la pauvreté : la pauvreté est le cheikh des cheikhs, et tous les cœurs sont ses disciples. « 

Pour atteindre le degré de la pauvreté (l’effacement de soi), notre vénéré Prophète r, le Soleil des deux mondes, nous a enseigné le secret suivant : « Mourez avant que la mort ne vienne à vous ! »

Au sujet de cette parole prophétique, Junayd-i Baghdâdî a dit ce qui suit :

« Le soufisme consiste en ce que Allah t’éloigne de toi-même à travers la mort (spirituelle), pour te faire vivre en Lui. « 

Muhyiddin Ibn ‘Arabî dit :

« Nous soumettons à Allah Ses Noms sublimes, quant à Lui, Il nous soumet Son Existence. « 

Ibn ‘Arabî nous décrit ainsi les trois phases successives de la sainteté :

« Si la pauvreté est le silence de la volonté, l’analphabétisme est le silence de l’esprit et la servitude le silence de l’existence. » Le silence de l’existence représente le niveau de la servitude. 

Les saints se sont éteints en la présence du Tout-Miséricordieux. Leurs âmes ont vu les éclairs de la lumière éternelle. Après avoir été témoin de cette immense beauté divine, on ne peut qu’envier l’état d’extinction de soi.

Comme l’a dit Bahauddin Veled :

« Quand on observe la pauvreté, on voit qu’elle a besoin de quelqu’un qui versera des larmes d’amour pour elle. « 

L’un des sublimes compagnons, Bilal t, a subi de son maître les tortures les plus sévères après qu’il ait embrassé l’Islam. Pendant qu’il subissait ces souffrances atroces, il lui a été demandé de renier sa foi ; mais il répétait sans cesse : « Ahad, Ahad (Il est l’Unique) ! ».

À travers sa détermination, son courage et son endurance héroïque, telle est la sagesse qui nous a été enseignée par ce glorieux esclave :

« Il n’y a qu’Allah, (moi) je ne suis rien ! » ; « J’ai sacrifié peu, mais j’ai tout gagné ; j’ai été gratifié avec l’immortalité ! »

Salmân-i Farisî a déclaré que la vraie richesse et la vraie liberté consistent à être un membre fidèle de la noble communauté du prophète r :

« Je suis Salmân, fils de l’Islam. J’étais dans l’égarement, Allah m’a guidé avec Muhammad r. J’étais pauvre, Allah m’a enrichi avec Muhammad Mustafa r. J’étais un esclave, Allah m’a affranchi avec Muhammad Mustafa r. »

Si un croyant ne réalise pas sa faiblesse et son néant en présence de son Seigneur Tout-Puissant, s’il n’éprouve pas un désir ardent, une envie féroce, un besoin profond de supplication de son Créateur, s’il n’est pas emporté d’admiration et d’extase face à la Beauté Sublime du Très-Haut, il n’atteindra pas le degré de la véritable servitude.


[1] Pauvreté : le mot Fakr, en arabe, signifie à la fois pauvreté matérielle et pauvreté spirituelle. On peut aussi le traduire par “esprit de pauvreté”. (Note de la Rédaction).

[2]1. État de sacralisation dans lequel se trouve le musulman pendant la prière et le pèlerinage. 2. Vêtement traditionnel du pèlerin musulman.

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