Le Pèlerinage
Tels sont les versets coraniques abordant le sujet du pèlerinage :
“ Le pèlerinage a lieu dans des mois connus. Si l’on se décide de l’accomplir, alors point de rapport sexuel, point de perversité, point de dispute pendant le pèlerinage. Et le bien que vous faites, Allah le sait. Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure provision est la piété. Et redoutez-Moi, ô doués d’intelligence ! ”[1]
“ Là sont des signes évidents, parmi lesquels l’endroit où Abraham s’est tenu debout ; et quiconque y entre est en sécurité. Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui ont les moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas… Allah Se passe largement des mondes. ”[2]
Le Messager de Dieu r dit ceci :
“ Quiconque accomplit le Hajj sans commettre un péché ni une turpitude, sera purifié comme le jour où il fut enfanté par sa mère. ”[3]
“ Que celui qui est résolu d’accomplir le pèlerinage s’empresse de le faire car, il peut tomber malade, égarer sa monture ou être confronté à un imprévu. ”[4]
“Accomplissez le pèlerinage car il purifie des péchés tout comme l’eau nettoie de l’impureté ! ”[5]
Selon le rapport d’Abu Hurayra t, on demanda un jour à l’Envoyé de Dieu r :
« Quelle est l’œuvre la plus méritoire ? »
Il répondit : « La foi en Dieu et en Son messager r. »
On dit : « Et quoi d’autre encore ? »
Il dit : « Le combat dans le sentier de Dieu. »
On dit à nouveau : « Et quoi d’autre encore ? »
Il dit : « Le pèlerinage agréé. »[6]
Aicha c demanda au Messager de Dieu r :
« Ô Envoyé d’Allah ! Les femmes doivent-elles (elles aussi) accomplir un djihad ? »
Le Messager de Dieu r répondit :
« Oui, elles doivent un djihad sans bataille : le pèlerinage et la oumra ».
Le Noble Prophète r a encore dit :
« Chaque jour, Dieu fait descendre cent vingt miséricordes sur ceux qui visitent la sainte Kaaba ; soixante miséricordes sont accordées à ceux qui font la circumambulation, quarante pour ceux qui accomplissent des unités de prière, et vingt pour ceux qui admirent la Kaaba. »[7]
Omar ibn Abdelaziz t raconte : « Une fois, le Prophète Moussa u demanda à Dieu en état de prière :
« Ô Seigneur ! Qu’est-ce que le pèlerinage ? »
Allah Tout-Puissant répondit :
« C’est de visiter la Maison que J’ai rendue supérieure à toutes les maisons, de manifester de la révérence à l’égard de l’édifice bâti par Mon intime Ibrahim. Mes serviteurs, venus de partout dans le monde, s’y rendent et récitent les formules de talbiyah[8] et de tahlil[9], tout comme un serviteur qui prend toutes les dispositions nécessaires pour faire les éloges de son maitre… »
Sur ce, Moussa u demanda à nouveau :
« Seigneur, quelle récompense leur réserves-Tu en contrepartie de la visite de Ta Maison ? »
Dieu L’Exalté dit alors :
« Je leur pardonnerai leurs péchés ; Je ferai même d’eux des intercesseurs pour leurs proches et voisins… »
Moussa u dit encore :
« Mais Seigneur, leurs gains ne sont pas licites, de même que leurs cœurs ne sont pas purifiés ! »
Dieu répliqua ainsi :
« Je leur pardonnerai leurs fautes, en souvenir de leurs bonnes actions. »
Le saint Hasan Basri g affirma ceci :
« Les Anges accueillent les pèlerins et adressent leurs salutations chaleureuses à ceux qui s’y rendent à dos de chameau, serrent la main à ceux qui sont à dos de cheval et d’âne, et étreignent ceux qui vont à pied. »
D’après ce qui a été rapporté par Dekkak t, l’Envoyé de Dieu r a dit :
« Tout musulman qui quitte sa maison pour combattre sur le sentier de Dieu et meurt avant même de s’engager dans le combat est martyr, peu importe la façon dont il est mort. De même, tout musulman qui quitte sa maison pour visiter la Kaaba et accomplir le pèlerinage et meurt en cours de chemin avant d’atteindre la Kaaba, Dieu le fera entrer au paradis. »
Abdullah ibn Mas’ud t raconte :
« Nous étions avec le Prophète à Mina lorsqu’une délégation du Yémen se présenta. Ils s’adressèrent à lui r et lui dirent :
“ Que nos pères et nos mères te soient sacrifiés Ô Messager d’Allah ! Pouvez-vous nous informer des vertus du Hajj ? »
Le Béni Messager r dit : «Je vais vous les expliquer !» puis il commença à parler :
« Les péchés de celui qui, peu importe qui il soit, quitte sa maison pour accomplir le pèlerinage ou une Omra et se met en route, sont jetés, comme les feuilles des arbres tombent à l’automne, à chaque pas qu’il fait. Dès qu’il vient à Médine, le salue et me tient la main, les anges le saluent et tiennent sa main. Quand il vient à Dhul Huleyfa et se lave, ils lui nettoient aussi des péchés. Quand il revêt deux nouveaux habits (ihram), Allah renouvelle ses bonnes actions. Quand labbayk dit Allahumma labbayk, Allah lui dit conjointement en réponse : labbayk ve sa’deyk, c’est-à-dire : “ O Mon serviteur, Je t’écoute, te regarde !”.
Quand il entre à La Mecque, visite la Kaaba et effectue le parcours (Say) entre Safa et Marwa, Allah U le rétribue par beaucoup de bonnes choses. Quand il se tient à Arafat et élève la voix pour demander ses besoins, Allah se glorifie et avec Lui les anges de ses sept cieux en disant : “O Mes anges, ô habitants de Mes cieux ! Ne voyez-vous pas? Mes serviteurs sont venus pour moi d’endroits lointains”.
“Leurs cheveux sont en désordre, ils sont couverts de poussière, ils ont dépensé leurs richesses rien que pour Moi, et ils sont tombés dans une détresse physique. Par Mon honneur, Ma gloire et Ma grâce, je dis que je pardonnerai leurs péchés en l’honneur de la bonté de leur visage. Alors je purifierai chacun d’eux du péché et le ferait revenir comme s’il était nouvellement né de leur mère. Quand ils jettent des pierres et visitent la Kaaba, une voix de l’intérieur du Trône dit : «Rentrez pardonnés. Reprenez la vie et faites de bonnes actions.» ”[10]
Il est ainsi mentionné dans un hadith chérif :
“L’homme qui commet le plus grand des péchés est celui qui observe le stationnement à Arafat et désespère quand même du pardon de Dieu. Un pèlerinage est plus méritoire que vingt combats dans le sentier de Dieu. ”
Il est rapporté qu’un chameau qui sert de monture pour le pèlerinage est plus honorable que quarante chameaux ordinaires. Si un chameau sert de monture pour l’accomplissement de sept pèlerinages, Dieu le fera obligatoirement paitre dans les jardins du paradis.
C’est ce que confirment les explications de Nehrani g qui raconte ceci:
“D’après ce qui m’a été parvenu, un boulanger de bains municipaux apporta des os de chameau à brûler qu’il mit dans son four. Les os sortirent du four ; il les jeta encore une seconde dans le four et les os ressortirent. Le boulanger s’entêta et les remit dans le four pour la troisième fois. Cette fois, les os se retirèrent du four et percutèrent violemment la poitrine du boulanger. Juste à ce moment, la voix d’un être invisible lui révéla ces mots :
« Que c’est dommage pour toi ! Ces os-ci sont ceux d’un chameau qui se rendit dix fois à La Mecque. Comment peux-tu donc les jeter au feu ? » ”
Si tant de compassion et de miséricorde sont manifestées à l’égard de la monture d’un pèlerin, imaginez donc ce qu’il en sera pour le pèlerin lui-même.
Les signes d’un pèlerinage agréé : Un serviteur au pèlerinage agréé délaisse ce bas-monde au profit de l’au-delà. Les péchés de celui qui revient d’un pèlerinage agréé sont pardonnés et ses prières sont exaucées. C’est pour ce motif qu’il est recommandé de solliciter les bénédictions du pèlerin et de lui demander de prier pour le pardon de nos péchés.
D’après un récit : Un Turc qui assistait aux assemblées de Cheikh al-Islam Ahmed en Namiki al-Cami avait l’habitude de voir un bouclier lumineux au-dessus de la tête du Cheikh. Il se rendit au pèlerinage et à son retour, cette lumière au-dessus de la tête du Cheikh ne lui apparut plus. Il ne manqua donc pas d’en demander la raison au Cheikh. Il reçut cette réponse : « Avant le pèlerinage, tu étais un serviteur humble et plein de repentir alors que maintenant tu es habité par la fierté et l’orgueil. Tu accordes de l’importance à ton âme. C’est pour cette raison que tu as été déchu de ton rang spirituel et ne peux plus voir cette lumière. »
Ceci dit, pour qu’un pèlerinage soit agréé, on doit éviter les actes illicites et s’efforcer de s’assurer une subsistance licite. Car Allah agrée ce qui est bon et licite.
Il est indiqué dans un hadith chérif :
“Celui qui accomplit le pèlerinage à l’aide de moyens licites, Dieu fait mentionner soixante-dix bonnes actions en contrepartie de chaque pas qu’il effectue, efface soixante-dix de ses péchés, et l’élève de soixante-dix degrés.”[11]
Le pèlerinage est une adoration obligatoire pour tout musulman pubère, sain d’esprit et possédant les moyens financiers. La négligence de ce pilier a pour conséquence d’encourir la punition divine. Celui qui remplit les conditions néglige l’accomplissement du pèlerinage, il sera tenu de l’accomplir obligatoirement même s’il devient pauvre, vieux et malade.
Durant toute sa vie, chaque serviteur n’est tenu d’accomplir le pèlerinage qu’une seule fois. Son accomplissement plus d’une fois est recommandé sans être une obligation stricte et requiert d’énormes mérites. Le pèlerinage est un culte très précieux puisqu’il nécessite un sacrifice à la fois physique et financier. Il permet d’accéder à l’agrément divin. De plus, lors du pèlerinage, il se crée de belles rencontres, les sentiments d’amour, d’affection et de sincérité s’intensifient entre les musulmans venus de partout. Apparemment, leurs langues, races et coutumes sont différentes, mais, leurs cœurs sont unis et embrasés par l’amour ardent d’Allah. C’est pour cela qu’ils manifestent un grand amour les uns envers les autres. Ils respectent mutuellement leurs droits et principes. Tous les pèlerins qui accomplissent leur pèlerinage dans la crainte et l’humilité sont conscients qu’ils sont en présence de leur Seigneur ; leur degré de méditation augmente autant qu’ils préservent leurs bonnes manières. Ainsi, sont-ils constamment habités par la présence divine.
Dieu Tout-Puissant ouvre et bonde de richesses les cœurs de ceux qui accomplissent dûment le pèlerinage. Si nous prêtons attention, nous remarquerons que de nos jours la majorité de ceux qui font des œuvres charitables dans notre pays sont ceux ayant plusieurs fois accompli le pèlerinage.
L’Imam Azam g, bien qu’il eût des milliers d’étudiants et de nombreuses occupations, consacra la moitié ou soit le tiers de sa vie au pèlerinage, en raison de son importance. Pourtant, à son époque, le pèlerinage était difficile car il fallait se rendre à La Mecque et à Médine à dos de chameau. Imaginons à quel point ce voyage pouvait être pénible ! Et dans ces difficiles conditions l’Imam Azam g fit selon une source, quarante fois le pèlerinage, et selon une autre narration, cinquante-trois fois. Les serviteurs proches de Dieu savent pertinemment qu’accomplir le pèlerinage à chaque occasion qui se présente est synonyme de gains énormes.
À Damas, il y avait un serviteur pieux du nom de Hadji Yakoub. Malgré les nombreux adeptes et disciples qu’il avait à Damas, notre honorable maitre Sâmî Efendi ç avait un amour exceptionnel pour ce serviteur. Grâce à la foi et la santé dont il jouissait, Hadji Yakoub avait accompli le pèlerinage sans interruption jusqu’à ce qu’il atteignît ses cent ans. Sa sainteté sultan-ul ârifin Mahmud Sâmî ç effectua lui aussi le pèlerinage sans arrêt de 1962 à 1974. Il tomba malade par la suite et ne put plus s’y rendre. Il ne quittait sa maison que pour accomplir la prière du Vendredi. Pendant ces derniers moments de sa vie, il continuait de présider les assises spirituelles et de s’acquitter de tout ce qui était de son devoir de servitude vis-à-vis de Dieu Tout-Puissant. Ainsi, mena-t-il une vie très honorable.
Rappelons à présent quelques hadiths chérifs du Noble Prophète r :
“ Celui qui visite ma tombe après ma mort est comme ceux qui m’ont visité de mon vivant. ”[12]
“ Quiconque fait le pèlerinage et ne me visite pas a été grossier envers moi. ”[13]
“ C’est une obligation pour moi d’être au Jour de la Résurrection le médiateur de celui qui me visite sans aucun but avéré d’autre que ma visite. ”[14]
Celui qui souhaite visiter Médine l’illuminée devrait déjà en cours de chemin faire beaucoup de prières sur le Noble Prophète r.
Dès l’instant où il commence à voir de loin les murs et arbres de Médine, il doit dire :
“Ô Seigneur ! Ce lieu est la propriété privée de Ton messager. Fais que ce lieu soit pour moi un bouclier contre le feu, et un lieu de sécurité contre un mauvais jugement et le châtiment céleste !”
Le visiteur doit se purifier et faire la grande ablution (ghusl) avant de commencer la visite. Il doit porter les meilleurs et les plus propres de ses vêtements et se parfumer, car cela constitue un signe de dignité et de respect. Lorsqu’il foule la Terre Sainte de Médine, il doit être habité par l’humilité et la révérence et faire cette invocation en y effectuant son entrée :
“J’entre dans la ville de Médine par le Nom Béni de Dieu. J’entre à Médine en tant que membre de la communauté de Ton Envoyé. Ô Seigneur ! Fais que je puisse entrer à Médine et en sortir par la porte de droiture ! Accorde-moi la force pour m’acquitter dûment de mes devoirs !”
Le visiteur pourra ensuite effectuer son entrée dans la sainte Mosquée du Prophète r. S’il trouve l’occasion, il entre dans la Rawza et accomplit deux unités de prière en prenant la chaire du Prophète à sa droite. Après, il se rend devant la sainte tombe de notre vénéré maitre Mohammad r, puis il récite ces paroles:
“Que la Paix soit sur toi, ô Messager de Dieu, ô l’Élu de Dieu, ô Bien–aimé de Dieu, ô Serviteur probe de Dieu, ô distingué Serviteur d’Allah, ô la plus noble des créatures…ô le plus honorable des fils d’Adam, l’Imam des Prophètes, ô symbole de la bienfaisance, ô vainqueur de la bonté, ainsi que sur tes valeureux compagnons ! ”
Il ajoute à cela la formule de prière sur le Prophète r instituée et récitée par le saint Abdelkader Geylânî ç en présence du Prophète. Ceux qui ne l’ont pas mémorisée doivent formuler ces prières à l’honneur du Noble Prophète r :
« Ô Seigneur ! Fais-moi miséricorde et facilite-moi l’accomplissement des actes qui me rapprocheront de Toi ! Ne nous abandonne pas à nous-mêmes et fais que chacun de nos états et actions soient dignes de Ton Agrément ! Guide-nous sans cesse sur le chemin de la vérité, préserve-nous des péchés et erreurs, accorde-nous ainsi qu’à nos descendants le bonheur ici-bas et dans l’au-delà, et préserve-nous du tourment de l’enfer ! »
Par la suite, il récitera une fois la sourate “al-Fatiha” et trois fois la sourate “al-Ikhlas” en guise de présent pour le bien-aimé Messager de Dieu r, sa noble famille, de même que pour ses deux compagnons Aboubakr et Omar y dont les tombes se trouvent juste a côté de la sienne.
[1]. Sourate al-Baqara (2), verset 197.
[2]. Sourate Al-’Imrân (3), verset 97.
[3]. Al Boukhari Hajj (25) 4/1521.
[4]. At-Targhib wa Tarhib.
[5]. At-Targhib wa Tarhib.
[6]. Al Boukhari.
[7]. At-Targhib wa Tarhib.
[8]. La Talbiyah est l’invocation des pèlerins affirmant leur intention d’accomplir le Hajj uniquement pour la gloire d’Allah. Elle est invoquée à plusieurs reprises pendant le Hajj, lors de l’Ihram, afin que les pèlerins puissent se purifier et se débarrasser des préoccupations du monde.
Le texte de la Talbiyah est : لَبَّيْكَ ٱللَّٰهُمَّ لَبَّيْكَ، لَبَّيْكَ لَا شَرِيكَ لَكَ لَبَّيْكَ، إِنَّ ٱلْحَمْدَ وَٱلنِّعْمَةَ لَكَ وَٱلْمُلْكَ لَا شَرِيكَ لَكَ
“ Labbayk Allahomma labbayk, labbayk la Charika laka labbayk, innal Hamda wa-niyamata laka wal Mulk la Charika lak. – Me voilà, ô Seigneur, me voilà. Me voilà, Tu n’as pas d’associé, me voilà. En vérité la louange et la grâce T’appartiennent ainsi que la royauté. Tu n’as pas d’associé.
[9]. Le Tahlil (arabe : تَهْلِيل), est un rappel (Dhikr) de l’unicité divine Dieu dans laquelle on dit : « لَا إِلَٰهَ إِلَّها لهَّ (La ilaha ill Allah) ce qui signifie : Il n’est pas d’autre divinité que Dieu (Allah) ».
[10]. Gafletten Kurtuluş, Pages 733-734.
[11]. Tafsir de la sourate al-Bakara, p. 254.
[12]. Tabarani wa Dâraqutnî.
[13]. Ibn Adiyy, Dâraqutnî.
[14]. Tabarani, ibn Omar.