Préférer ce bas-monde a l’Au-delà

Sep 24, 2021 par

Osman Nuri Topbaş Efendi

Allah le Tout-Puissant nous dit :

كُلُّ نَفْسٍ ذَائِقَةُ الْمَوْت

« Toute âme goûtera la mort. »[1]

Il dit encore :

كُلُّ مَنْ عَلَيْهَا فَانٍ

« Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaitre. »[2]

En vérité, il n’y a que Dieu qui soit Éternel.

Il y a même un penseur qui affirme :

« Ne demande rien d’éternel à ce bas-monde, car lui-même est éphémère. Il n’a rien d’éternel pour pouvoir t’en offrir aussi. »

L’insouciant oublie la mort mais Azrâil (A.S.) ne l’oublie pas.

C’est pour cela qu’il est mentionné dans un hadith charif :

« Rappelez-vous fréquemment de la mort qui met fin aux différentes formes de plaisir. »[3] 

En bref, le serviteur ne doit pas se laisser berner par cette vie passagère en considérant que ses jouissances trompeuses sont la finalité ultime.

Par conséquent, une des trois réalités fondamentales de ce bas-monde est son caractère éphémère.

Quant à l’une des trois réalités de l’au-delà, c’est qu’on y vit une éternelle immortalité.

Dieu L’Exalté invite Ses serviteurs au Paradis (Dar as-Salam – Le lieu de Paix), à la vie éternelle.

C’est-à dire que choisir cette vie terrestre, c’est préférer la goutte d’eau.

Et privilégier la vie future, c’est préférer l’océan…

La foi exige des sacrifices. Elle en exige dans les actes d’adoration, mais elle en exige aussi dans la bonne moralité.

La deuxième réalité de ce bas-monde est :

“Quelle que soit la quantité de biens que tu possèdes dans ce monde, viendra le jour où tu les abandonneras tous.”

Que tu le veuilles ou non, tu les abandonneras, et ce sera un énorme regret.

Notre Seigneur nous ordonne ceci dans le verset 10 de la sourate Al-Munâfiqûn :

« Et dépensez de ce que Nous vous avons octroyé avant que la mort ne vienne à l’un de vous et qu’il dise alors : “ Seigneur ! Si seulement Tu m’accordais un court délai : je ferais l’aumône et serais parmi les gens de bien.” »

Et c’est à ce moment que l’homme vivra le plus grand regret de sa vie et qu’il dira :

“Ô Seigneur, si seulement le temps de ma vie pouvait être légèrement prorogé !”

Le Messager de Dieu (pbsL) a affirmé ceci :

Même les serviteurs pieux quitteront ce bas-monde avec regret, car ils auraient souhaité vivre encore longtemps pour accomplir beaucoup plus de bonnes actions.”[4] 

Lorsque l’ange Azrâil (A.S.) se présenta au prophète Ilyas (A.S.), ce dernier sursauta.

Azrâil lui dit :

“Est-ce la mort que tu redoutes ? Tu es pourtant un prophète”.

Et Ilyas (A.S.)  lui répliqua :

“Non, pas du tout ! Je ne redoute point la mort. Qu’elle est belle la vie terrestre ! En effet, j’y étais en état d’adoration de mon Seigneur. J’y vivais le plaisir du rapprochement, de la rencontre avec Lui. J’y propageais la Parole Divine, je la vivais et j’exhortais sans cesse les gens à la mettre en pratique. J’étais envahi par le plaisir de l’aspiration à la rencontre divine. Mais à présent, je vais être enfoui dans la tombe et y demeurerai jusqu’au Jour dernier.”

Il n’y a pas de gagnant ou de perdant. Dans ce monde on ne gagne pas.

En bref au Jour Dernier, il sera ordonné :

اِقْرَاْ كِتَابَكَ كَفٰى بِنَفْسِكَ الْيَوْمَ عَلَيْكَ حَسِيبًا

« Lis ton écrit. Aujourd’hui, tu te suffis d’être ton propre comptable. »[5]

Il est aussi mentionné dans le 49ème verset de la sourate Al-Kahf (18) :

« Et on déposera le livre (de chacun). Alors tu verras les criminels, effrayés à cause de ce qu’il y a dedans, dire : «Malheur à nous, qu’a donc ce livre à n’omettre de mentionner ni pêché véniel ni pêché capital ?» Et ils trouveront devant eux tout ce qu’ils ont œuvré. »

Ceci pour dire qu’au Jour Dernier, tout acte commis en bien ou mal, fût-ce le poids d’un atome, sera mis à nu.

Et la troisième réalité stipule ceci :

“Tout acte accompli, en bien ou mal, sera inéluctablement dévoilé au grand jour.”[6]

Le monde céleste de l’au-delà ne sera pas le lieu d’accomplissement des actes.

La réalisation des actions n’est que la réalité de ce bas-monde.

Citons ce beau poème du Sultan Ahmed Han :

Évoque Allah à chaque souffle,

Allah suffit, le reste n’est que désir éphémère…

Garde ton espoir en Lui Seul,

Grâce à l’invocation constante de Son nom.

En bref, il ne faut jamais oublier Allah Tout Puissant, rien que Lui, car en fait Lui Seul suffit. Tout le reste n’est que jouissance futile et éphémère.

Allah ordonne : «وَالْفَجْر Par l’aube ! »[7]

Par conséquent, Il  I  dit (et jure même) “par l’aube” (وَالْفَجْرِ) car le moment où se réveillent les créatures est appelé l’aube (الْفَجْرِ – Al-Fajr).

Cela veut dire que lorsqu’on se réveille le matin, il nous faut être habité par ces pensées :

“Aujourd’hui, mon Seigneur m’a encore ouvert une nouvelle page dans le calendrier de la vie. Il a prorogé mon existence d’un jour de plus. Plus tard, j’aurai besoin de ce jour. Alors, comment dois-je tirer profit de ce jour-ci ? Comment dois-je organiser ma vie d’aujourd’hui ? Comment vais-je l’utiliser en prenant la direction de la satisfaction divine ? Etc…”

Le temps représente l’une des plus précieuses grâces. Et l’un des pires actes demeure le gaspillage du temps. Il n’est pas possible de faire revenir le temps passé.

Allez ! Essayez de faire revenir la journée d’hier ! C’est impossible parce que c’est terminé.

La grâce de la vie ne nous a été octroyée qu’une seule fois. À chaque instant, nous enregistrons la cassette de notre vie. Et au Jour du Jugement, on fera défiler ce qui aura été enregistré dans notre cassette. Tout ce que nous aurons fait et enregistré à chaque instant de notre vie nous sera dévoilé. Un témoin étranger ne sera pas nécessaire pour témoigner de nos actes ; en effet, notre propre personne suffira comme témoin de nos actions mondaines.

Les humains ont peur de la mort, ils redoutent les tremblements de terre, ils craignent les incendies. Et pourtant ! La principale chose à craindre, ce sont nos péchés.  

Il est une opportunité dont il faut être conscient à chaque souffle de vie, c’est celle d’être en mesure de se repentir constamment avec regret…

Car, en effet, Allah L’Exalté nous ouvre les portes du repentir jusqu’à notre dernier souffle. Mais à quel moment rendrons-nous notre dernier souffle, personne ne le sait …

Lorsque nous perdons un bienfait mondain, à savoir la richesse, les biens matériels, le statut social et autres, nous sommes envahis par la tristesse et la déception.

Et pourtant, la perte pour laquelle nous devrions nous lamenter, c’est celle du temps.

C’est pour cela qu’on dit (à propos de ceux qui remettent au lendemain ce qu’ils auraient pu faire à l’instant même) :

“Ceux qui ont dit demain ont été détruits  !” Alors : “Y-a-t-il un demain ou pas ?”

C’est pour cela que le Noble Prophète (pbsL) a dit :

« Il y a deux bienfaits que les hommes ne mesurent pas à leur juste valeur. Ce sont la santé et le loisir. »[8]

Aujourd’hui, tu demeures en bonne santé, mais le seras-tu demain ? Rien n’est certain.

Bref, nous devons à chaque instant nous soumettre à un examen de conscience.

Le Prophète (pbsL) aimait beaucoup Muadh (r.a.) et avait pour habitude d’échanger longuement avec lui. Il le prenait sur sa monture et voyageait avec lui.

Muadh nous fait le récit d’un voyage qu’il fit avec le Messager d’Allah (pbsL) :

Le Messager d’Allah (pbsL) prit ma main et me dit :

« Je t’aime ô Muadh ! »

Et je lui dis : « Et je t’aime ô Messager d’Allah ! »

Alors le Messager d’Allah (pbsL) dit :

« Muadh, je t’enseignerai une invocation. Tâche de la dire dans chaque prière !

اَللّٰهُمَّ اَعِنِّى عَلٰى ذِكْرِكَ وَشُكْرِكَ وَحُسْنِ عِبَادَتِكَ

Seigneur ! Aide-moi à T’invoquer, Te remercier, et T’adorer comme il se doit.”[9]

Cela nous enseigne qu’il nous faut nous rappeler constamment de Dieu.

Et comment faire ?

On y parviendra grâce à l’éducation et à la purification du cœur. Un cœur brut et un esprit dépourvu d’éducation spirituelle sont enclins à oublier sans cesse le Créateur. Ceci pour dire que le serviteur doit obligatoirement soumettre son cœur à une éducation spirituelle.

Dieu Lui-même nous informe :

قَدْ اَفْلَحَ مَنْ زَكّٰیهَا

A réussi, certes, celui qui la purifie (son âme).[10]

قَدْ اَفْلَحَ مَنْ تَزَكّٰى

Réussit, certes, celui qui se purifie.[11]

La deuxième mission des prophètes consistait à purifier les individus.

Les purifier de toute chose à même d’éloigner leur attention d’Allah “Lâ ilâha”.

Et avec “Illallah”le contact permanent est établi entre les cœurs et Allah.

Le Coran nous dit :

فَاَلْهَمَهَا فُجُورَهَا وَتَقْوٰیهَا قَدْ اَفْلَحَ مَنْ زَكّٰیهَا

Et lui (l’âme) a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie.[12]  

Ainsi, le cœur s’éloignera de l’immoralité, fera des pas en direction de la taqwa et se purifiera.

D’où l’importance de ne pas oublier cette invocation prophétique :

اَللّٰهُمَّ اَعِنِّى عَلٰى ذِكْرِكَ

Seigneur, aide-moi à T’invoquer !

Qu’est-ce que le dhikr (rappel) ?

C’est l’aptitude du cœur à se souvenir constamment de Dieu, à dire “Allah” face à tout ce que le serviteur voit.

Lorsque le Prophète  (pbsL)  admirait le ciel, il méditait et rendait gloire à Dieu.

Il regardait le sol, ce qui sort de la composition du sol, il était dans un état de gratitude.

Cela signifie être reconnaissant, protéger le cœur de l’égarement face aux bénédictions sans fin d’Allah Tout-Puissant.

Le serviteur doit demeurer en état de louange et de remerciement envers son Créateur.

Tel est le premier verset du Coran :

اَلْحَمْدُ لِلّٰهِ رَبِّ الْعَالَمِينَ

Louange à Allah, Seigneur de l’Univers.[13]

Ce verset, qui traduit la gloire due à Dieu, est la démonstration de la gratitude.

Et c’est ce qui est mentionné dans le hadith cité plus-haut :

Seigneur, aide-moi à Te remercier, à Te rendre gloire !

C’est-à dire que le cœur progresse dans la voie de la purification, au fur et à mesure que la langue rend grâce en permanence. Et comment doit-elle rendre grâce ? Elle doit dire du bien ou observer le silence. Pendant son silence aussi, elle doit méditer sur la grandeur divine. En admirant une fleur, elle doit pouvoir dire “Ô Dieu ! comment, d’une portion de terre, a pu apparaître une fleur dotée d’une telle couleur, d’une telle forme et d’une telle odeur ?” Il doit en être de même lorsqu’on admire un arbre, un fruit ainsi que les diverses merveilles de la nature…

À qui Dieu a fait largesse de tous ces bienfaits ?

Médite sur la poule qui nous procure des œufs. Combien de protéines, de calcium peut-on trouver dans l’organisme d’un animal ? Nul ne sait. Dieu a préparé tout ça pour toi. C’est pour toi aussi que l’abeille produit du miel.

Bref, la langue doit remercier Dieu pour toutes ces grâces ou garder le silence. Aucun grief ne sera retenu contre toi si tu choisis de parler. Mais sache que chaque parole que tu profères est soit source de bien ou de mal.

Venons à présent au remerciement des yeux… Allah t’a fait don des yeux. T’en a-t-il fait don en vain ? Tes yeux doivent constituer pour toi un moyen de rapprochement et non d’éloignement d’avec Lui. Tu dois les préserver de l’illicite et de tout accessoire du Diable. Tu dois mettre un voile entre tes yeux et tout ce qui a trait au Diable. Nos yeux doivent être orientés vers tout ce qui est source de pureté. Ils doivent regarder des choses à même de nous pousser à méditer sur la puissance divine.

Imagine un atome qui contient en son sein un électron, un neutron, un proton, et un ensemble de substances. Une substance minuscule à l’intérieur d’une autre minuscule, infime au sein d’une autre infime, négligeable au sein d’une autre négligeable ; bref, des substances qui, jusque-là, n’ont pu être déterminées par l’homme…

Si tu agrandis un atome, tu découvres tout un univers ; et si tu le réduis, il donne encore un autre atome. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, la science n’est pas parvenue à décrire la nature de certaines substances qui se trouvent à l’intérieur de certains atomes. À partir des atomes se produit le phénomène de la radiation ; nous avons l’hélium, les rayons beta, gamma et autres. Des éléments qui dénotent tous de la sagesse divine, encore beaucoup de sagesses qui nous restent à découvrir.

Ceci pour dire que nous devons méditer sur la grandeur et la force divines à travers tout ce que nos yeux observent.

Le remerciement des oreilles se traduit par le fait de leur éviter d’écouter les médisances, les diffamations, les propos d’espionnage et de colportage. L’oreille doit apprendre à être sourde à ces choses, et être attentive aux récitations coraniques, à l’appel à la prière, aux prêches et autres paroles spirituelles. Ainsi l’oreille pourra véhiculer au cœur des messages sains.

Évoquons maintenant le remerciement pour notre situation : si Dieu te fait don d’un bien, pense au prophète Suleyman (A.S.), à ton bien-aimé Prophète Muhammad (pbsL) qui, durant sa vie, eut des moments où Allah lui octroya d’énormes biens.

Qu’en a-t-il fait ?

Les a-t-il dépensés tous pour lui seul ou partagés et donnés en aumône ?

De même, il y a eu des périodes où le Prophète (pbsL) fut éprouvé par la pauvreté, au point d’attacher des cailloux sur son ventre pour supporter la faim.

Le prophète Ayyûb (A.S.) aussi fut sévèrement éprouvé.

Cela veut dire que le serviteur doit être satisfait de sa situation et pouvoir dire :

“Ma situation actuelle est ce qu’il y a de meilleur pour moi. Si je vivais une situation autre que celle-ci, peut-être cela n’aurait pas été pour moi source de bien.”

Bref, il doit, en toute circonstance, rendre grâce pour sa situation.

Il y a aussi le remerciement du corps.

Médite sur la force que Dieu t’a donnée. Interroge-toi : “Est-ce que j’utilise cette force pour satisfaire mon âme ou pour servir le sentier divin ?”

Comment les prophètes, les nobles compagnons et les serviteurs pieux ont-ils fait usage de la force dont ils jouissaient ?

Allah nous avertit :

ثُمَّ لَتُسْئَلُنَّ يَوْمَئِذٍ عَنِ النَّعِيمِ

“Puis, assurément, vous serez interrogés, ce jour-là, sur les délices.”[14]

Avec la force que Dieu leur a donnée, les Compagnons y se rendirent jusqu’en Chine, à Samarkand, et dans toutes les contrées du monde pour annoncer le message divin aux gens et les appeler au sentier de la droiture.

L’autre point important est celui du remerciement du cœur. Le cœur doit constamment se souvenir de son Créateur.

Le Coran nous enseigne ceci :

اَلَا بِذِكْرِ اللّٰهِ تَطْمَئِنُّ الْقُلُوبُ

“N’est-ce point par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les cœurs ?”[15]

Dans ce monde immense, le cœur ne pourra vivre en toute quiétude que s’il demeure en contact permanent avec Allah.

Dieu nous avertit de la sorte dans le verset 3 de la sourate Al-Insân :

“Qu’il soit reconnaissant ou ingrat…”

Ô mon Dieu ! Nous ne sommes même pas en mesure de supporter la chaleur d’un petit morceau de feu ; comment pourrions-nous donc supporter le châtiment de l’Enfer ?

À chaque instant, dans chacun de nos actes, nous devons agir comme si le Paradis et l’Enfer se trouvaient en face de nous.

Face aux péchés et aux tentations du Diable, le cœur devra être imprégné de la crainte divine et dire, à l’instar de Yûsuf (A.S.) :
“  مَعَاذَ اللّٰهِ Qu’Allah me protège ![16]

C’est ainsi qu’il sera habité par la quiétude et la tranquillité divines.


[1].          Sourate Al- ‘Imrân, verset 185.

[2].          Sourate Ar-Raḥmân, verset 26. 

[3].          At-Tirmidhî, Zuhd, 4.

[4].          At-Tirmidhî, Zuhd, 59.

[5].          Sourate Al-Isrâ, verset 14.

[6].          Sur le sujet, voir les versets 6 à 8 de la Sourate Al-Zalzalah (99) – (N.d.T).

[7].          Sourate Al-Fajr, verset 1.

[8].          Al-Bukharî, Riqāq, 1.

[9].          An Nasa’i (60)1303; Abû Dâwud, Witr (8) 1522.

[10].         Sourate Ach-Chams, verset 9.

[11].         Sourate Al-A‛lâ, verset 14.

[12].         Sourate Ach-Chams, versets 8 et 9. 

[13].         Sourate Al-Fatiha, verset 2.

[14].         Sourate At-Takâthur, verset 8.

[15].         Sourate Ar-Ra’d, verset 28.

[16].         Sourate Yûsuf, verset 23. 

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