L’habit mouillé
Yacouba Sawadogo
Le sage Bâyazid Bistâmî, un grand ami d’Allah, avait entrepris d’effectuer un long voyage en compagnie d’un ami. En chemin, ils lavèrent leur habit respectif dans un lieu où ils s’étaient arrêtés. Son compagnon, désireux de faire sécher l’habit du sage, voulut lui apporter quelque aide en lui proposant de l’étaler quelque part.
– Me permets-tu t’étaler ton habit sur la clôture du jardin afin que celui-ci puisse sécher plus rapidement ? demanda ce dernier.
– Ce n’est pas possible, répondit Bâyazid Bistâmî, on n’utilise pas sans permission une clôture qui appartient à autrui.
– Alors sur cet arbre.
– Non car il peut se casser et nous lui ferions du tort.
– Si c’est ainsi, je vais le déployer sur ces herbes géantes !
– Non car elles servent de nourriture aux moutons et aux chèvres. Il ne serait pas normal que nous l’étalions ainsi.
Le compagnon de Bâyazid Bistâmî, un peu étonné, réfléchit alors à la manière dont l’habit en question pouvait sécher sans nuire à aucune créature vivante. Le sage se leva de sa place, puis s’assit en tournant son dos vers le soleil et étala son habit (sur son dos). Lorsqu’une partie de l’habit devint sèche, il se tourna encore afin de pouvoir faire sécher l’autre. Son camarade, de son côté, sembla satisfait de la manière utilisée pour faire sécher l’habit sans causer le moindre préjudice. Quelle pensée délicate ! Quel sentiment impressionnant ! Voulant respecter le droit de la créature pour ne lui causer aucun dommage, le sage a pu rester ainsi sous le soleil pendant plusieurs heures.
Ce dernier, pour consoler son camarade qui était en train de le regarder sous l’arbre, lui dit :
« Le Messager d’Allah (paix et bénédiction sur lui) a décrit le musulman comme étant celui dont on ne craint ni la main ni la langue. (Bukharî, Imân, 4-5) Mon cœur ne serait pas satisfait que je fasse du tort à une créature, ne serait-ce que pour le prétexte de faire sécher mon habit. »
Puis, en cours de route, ils entendirent l’appel à la prière et ils se dirigèrent tous deux vers une mosquée qui se trouvait au bord du chemin. C’était la prière de l’après-midi. Bâyazid Bistâmî déposa son bâton devant la porte, à côté d’un autre bâton (qui avait en fait l’apparence d’une canne). Après la prière, il vit un vieillard qui, après être sorti le premier, s’inclina devant la porte et prit son bâton. Quand lui-même sortit après la prière, il s’aperçut que son propre bâton était incliné et que cela avait fait tomber celui du vieillard. C’est ainsi qu’il le suivit jusque chez lui :
– Seigneur, pardonnez-moi, dit-il au vieillard, (à la mosquée) j’avais mal positionné mon bâton et ceci a certainement dû faire tomber le vôtre. Par ma faute, vous vous êtes baissé pour le ramasser et cela a dû certainement beaucoup vous fatiguer.
Le vieillard apprécia la pensée délicate de ce jeune homme et l’admira pour son propos :
– Il n’y a aucun inconvénient, ne t’inquiètes pas pour cela, lui répondit-il.
Même si le vieillard l’avait déjà excusé, le sage Bâyazid Bistâmî rajouta :
– Notre Prophète (paix et bénédiction sur lui) a dit : « Ô vous les hommes ! Si vous disposez d’un droit ancien que vous devez absolument payer, payez-le aussitôt. Qu’il ne pense pas qu’il sera déshonoré dans le monde ! Sachez bien que le déshonneur dans ce monde d’ici-bas est très léger en comparaison de celui de l’au-delà. » (Ibn al-Asîr, al-Kâmil, II, 319) Je crains demain le déshonneur le Jour du Jugement devant mon Seigneur. »
Les amis d’Allah vivent en conformité avec la moralité de notre Prophète (paix et bénédiction sur lui). Ils sont ceux qui nous enseignent, ayant eux-mêmes vécu concrètement sa compassion, sa charité, ses adorations et ses autres vertus. Le Jour du Jugement Dernier, ils seront également ceux qui seront les plus proches du Messager d’Allah (paix et bénédiction sur lui). Allah annonce que le Jour de la Résurrection, Ses Amis n’auront aucune crainte et ne seront nullement découragés. Si nous pensons également à notre avenir, faisons-en sorte de prendre garde aux ordres d’Allah et faisons l’effort nécessaire pour devenir aussi son ami.