Sommes-nous conscients du commerce que nous faisons ?
Murat Kaya
- Sommes-nous conscients du commerce que nous faisons avec Allah ?
- Remplissons-nous les exigences et respectons-nous les conditions ?
Parfois, un vendeur vend son article sans que cela ne soit encore livré au client. Et lorsqu’un autre client se présente et lui propose d’acheter la même marchandise, il lui fait savoir que cela a été vendu et ne la revend plus. Il veille sur cette marchandise vendue comme le souhaite le propriétaire.
Il en va de même pour un croyant qui vend son âme et ses biens à Allah.
Lorsque la tribu Quraysh persistait dans son refus de l’Islam, le Messager d’Allah r commença à chercher le soutien d’une autre tribu contre ses ennemis pendant qu’il accomplissait son devoir prophétique. Mais aucune tribu ne lui accorda son soutien.
Il rencontra alors un groupe de jeunes venus de Médine. Il leur parla de l’Islam. Les jeunes furent très impressionnés, se convertirent à l’Islam et retournèrent à Médine. En peu de temps, le nombre de musulmans à Médine augmenta. Mais ils n’osèrent pas inviter le Messager d’Allah r, car ils étaient conscients de l’énormité du danger auquel ils s’exposeraient en l’accueillant chez eux.
Lorsque les polythéistes accrurent leur cruauté envers le Prophète r, les Médinois décidèrent de l’inviter chez eux malgré tout. Ils se rendirent à La Mecque non seulement pour exprimer cela, mais aussi pour prêter allégeance.
Ils rencontrèrent secrètement l’Envoyé d’Allah r à Aqaba pendant la saison du pèlerinage.
Abdullah b. Rawâha t dit au Messager d’Allah r :
« Dis-nous la condition d’allégeance que tu veux pour Ton Seigneur et pour toi-même ! »
Alors le Prophète dit :
« Je stipule pour mon Seigneur que vous n’adorez que Lui Seul sans rien Lui associer. Je stipule pour moi-même que vous me protégiez de ce dont vous protégez votre vie et vos biens. »
Les habitants de Médine demandèrent :
« Qu’obtiendrons-nous en retour si nous faisons cela ? »
Le Messager d’Allah dit : « Le Paradis. »
Les Ansars (Médinois) dirent :
« C’est un commerce très rentable ; nous ne romprons pas ce contrat et ne voulons pas non plus qu’il soit rompu. »
Sur ces entrefaites, les versets suivants furent révélés :
إِنَّ اللّهَ اشْتَرَى مِنَ الْمُؤْمِنِينَ أَنفُسَهُمْ وَأَمْوَالَهُم بِأَنَّ لَهُمُ الجَنَّةَ يُقَاتِلُونَ فِي سَبِيلِ اللّهِ فَيَقْتُلُونَ وَيُقْتَلُونَ وَعْدًا عَلَيْهِ حَقًّا فِي التَّوْرَاةِ وَالإِنجِيلِ وَالْقُرْآنِ وَمَنْ أَوْفَى بِعَهْدِهِ مِنَ اللّهِ فَاسْتَبْشِرُواْ بِبَيْعِكُمُ الَّذِي بَايَعْتُم بِهِ وَذَلِكَ هُوَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ التَّائِبُونَ الْعَابِدُونَ الْحَامِدُونَ السَّائِحُونَ الرَّاكِعُونَ السَّاجِدونَ الآمِرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَالنَّاهُونَ عَنِ الْمُنكَرِ وَالْحَافِظُونَ لِحُدُودِ اللّهِ وَبَشِّرِ الْمُؤْمِنِينَ
« Allah a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens contre don à eux du Jardin. Ils combattent dans le chemin d’Allah. Ils tuent ou sont tués. Ils sont ceux qui se repentent, qui adorent, qui louent, qui parcourent la terre (ou qui jeûnent), qui s’inclinent, qui se prosternent, qui commandent le convenable et interdisent le blâmable et qui observent les lois de Dieu… et fais bonne annonce aux croyants. »[1]
Ibn Abbas t a dit :
« Par Allah, Allah a conclu un marché avec les gens et a donné un prix très élevé. »[2]
Le fils du noble compagnon ‘Ali t a dit à Muhammad b. Hanafî :
« Allah a fait du Paradis le salaire pour vos âmes, ne les vendez donc pas pour autre chose que cela ! »[3]
Notre Seigneur Tout-Puissant nous a honorés et a élevé notre prix, mais certaines personnes osent vendre leur âme et leurs biens pour des futilités.
Quand Hasan al-Basrî lisait le verset susmentionné, il exprimait ainsi son étonnement :
« C’est Allah qui a créé les âmes, et c’est Lui qui pourvoit en biens tout ce qui relève de la subsistance ! »[4]
Puis il ajoutait ceci :
« Allah t’a gratifié avec les biens de ce monde, alors achète donc le Paradis en usant d’une partie de ces biens ! »[5]
Notre Seigneur, le Tout-Clément, nous donne d’abord un capital, puis nous demande de dépenser juste une partie en faveur de Sa cause en contrepartie d’une récompense au-delà de toute imagination.
Tous les musulmans sont inclus dans cet accord. En cas de besoin, ils risquent leur vie, attaquent l’ennemi et se rendent utiles aux musulmans. Quiconque n’attaque pas l’ennemi quand on en a besoin sera exclu de cet accord.
Suleyman b. Mûsa dit :
« Eu égard à cet accord dans lequel Allah a acheté la vie des croyants, il est donc obligatoire pour chaque musulman d’aider les autres musulmans. »[6]
En temps normal, les musulmans mènent une bonne vie conformément aux qualités énumérées dans le verset, telles que la repentance, l’adoration, l’invocation d’Allah et le commandement du bien.
Sommes-nous conscients du commerce que nous faisons avec Allah ?
Remplissons-nous les exigences et respectons-nous les conditions ?
Parfois, un vendeur vend son article sans que cela ne soit encore livré au client. Et lorsqu’un autre client se présente et lui propose d’acheter la même marchandise, il lui fait savoir que cela a été vendu et ne la revend plus. Il veille sur cette marchandise vendue comme le souhaite le propriétaire.
Il en va de même pour un croyant qui vend son âme et ses biens à Allah U.
Il n’a plus le droit de dire :
« Mon corps, n’est-il pas à moi ? J’en fais ce que je veux. »
« Mes biens, ne sont-ils pas à moi ? Je les dépense comme je veux. »
S’il avance de tels propos, il doit savoir qu’il n’a pas le droit de s’attendre au « Paradis » qui est la rétribution de l’utilisation de ces grâces dans le sentier divin.
Certaines personnes, qui ne sont pas conscientes de cet engagement avec Allah, veulent disposer de leur vie et de leurs biens selon leurs propres désirs et aspirent paradoxalement à occuper les hautes positions dans le Paradis. Tout ceci n’est que tromperie de Satan.
Dans la Torah, l’Évangile et le Coran. Allah Tout-Puissant a fait la promesse du Paradis à tous Ses serviteurs.
Notre bonheur éternel dépend donc du respect du pacte conclu avec Lui.
Si nous prétendons avoir vendu nos âmes et nos biens pour Allah U, nous devons alors les dépenser comme Il le souhaite jusqu’à ce que nous retournions à Lui.
Sufyan b. Uyayna t a dit :
« Allah a acheté aux gens leurs âmes afin qu’ils ne puissent s’en servir que pour lui obéir, tout comme Il leur a acheté leurs biens afin qu’ils les dépensent qu’à Sa guise. »[7]
Cet accord commercial est très capital. Il faut donc prendre conscience de sa portée et de son importance.
Les loyaux compagnons étaient conscients de cet accord extrêmement fructueux et s’en réjouissaient, bien que cela demandait de lourds sacrifices.
Lorsque les versets au sujet de cet accord étaient récités dans la mosquée, tout le monde prononçait allègrement le takbir[8], car Allah Tout-Puissant annonce cette bonne nouvelle dans le verset suivant :
« […] Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez conclu avec Lui […] »[9]
Après un certain moment, un homme des Ansars se rendit auprès du Messager d’Allah r avec les deux extrémités de son manteau drapées sur ses épaules et lui demanda :
« Ô Messager d’Allah, un tel verset a-t-il vraiment été révélé ? »
Le Prophète répondit : « Oui ! »
L’Ansari déclara à la suite :
« C’est un commerce très rentable ; nous ne rompons pas ses clauses, ni ne voulons qu’elles soient rompues par l’autre partie. »[10]
Dans l’exégèse de ces versets, les savants ont avancé que pour mériter le titre des vrais martyrs mentionnés dans le premier verset, il est nécessaire de s’imprégner des bonnes qualités mentionnées dans le second verset.
En fait, Ibn Abbas t a dit :
« Un martyr est une personne qui jouit de ces neuf caractéristiques », puis il récita ce verset. »[11]
Combien Yûnus Emre a magnifiquement défini cet accord commercial à travers l’art poétique :
Nous avons lu pour Allah,
Nous avons tout vendu à Allah,
Et par amour pour Le Créateur,
Nous avons été bienveillants envers les créatures.
En d’autres termes, nous avons fait le commerce en gros ; nous avons vendu nos vies et nos biens à Allah sans compter. Ainsi, notre vision de la vie a changé, nous avons commencé à tout regarder avec l’œil de la sagesse et à nous s’efforcer d’adapter chacune de nos actions à l’agrément d’Allah.
[1] Sourate At-Tawba, versets 111 et 112; Tabarî, Jâmiu’l-Bayân, XIV, 499.
[2] Tabarî, XIV, 499.
[3] Ibn Abi’d-Dunyâ, Az-Zuhd, p. 144; Abū Nuaym, Hilya, III, 176.
[4] Ibn Abî Shayba, Musannaf, XIV, 20.
[5] Samʻânî, Tafsîru’l-Kur’ân, cf. Yâsir b. Ibrâhim, Riyad: Dâru’l-Vatan, 1418/1997, II, 351.
[6] Suyûtî, Ad-Durru’l-Mansur, IV, 296.
[7] Ibn Atiyya, Al-Muharraru’l-wajîz, III, 87.
[8] Ibn Abî Hâtim, Tafsîr, VI, 1886. « Allahou Akbar » ou « Allahu Akbar » signifie « Dieu (Allah) est le Plus Grand » en arabe. Il faut ajouter le son « ou » à la fin du mot « Allah », qui désigne Dieu, pour respecter la grammaire exacte. Cette formule est très utilisée en Islam et est nommée « at-takbir ».
[9] Sourate At-Tawba, verset 111.
[10] Ibn Abî Hâtim, Tafsîr, VI, 1886; Suyûtî, Ad-Durru’l-Mansur, IV, 295.
[11]Suyûtî, Ad-Durru’l-Mansur, IV, 296. Cf. Tabarî, XIV, 500.