Ne pas abandonner son cœur et son âme à Satan

Mar 12, 2019 par Editeur

Prof. Dr Hasan Kâmil Yılmaz

En règle générale, le nom de Satan est attribué aux personnes, aux esprits et aux animaux qui sont couramment mauvais et agités.¹ Les appellations attachées à Satan et aux anges sont mentionnées 88 fois dans le Coran ; elles sont en outre citées comme étant opposées au pluriel comme au singulier. Satan ou Iblis est proche du groupe des anges.² Dans le Coran, il est longuement mentionné l’épisode durant lequel Satan fut testé afin qu’il se prosternât devant Adam. En raison de sa vanité et des sentiments de jalousie qui l’animèrent, il ne se plia pas à l’ordre et échoua au test. ³ Dans ces versets, le message qui est délivré consiste en ce que les sentiments diaboliques et les désirs aient des impacts sur le cœur des hommes. Dans le mystère lié à la création de l’homme, la première règle de l’assujettissement est la foi. Le centre de la foi, c’est le cœur. Le cœur de l’homme est une forteresse bien gardée pour la foi. Satan est un ennemi acharné qui désire pénétrer dans cette forteresse. Pour protéger cette forteresse de l’ennemi, il est possible d’en renforcer les portes et d’en fermer les ouvertures. De la même façon, il est possible de protéger la forteresse de la foi de l’homme et c’est son cœur ; il lui suffit de connaître les accès par lesquels Satan veut y pénétrer et les condamner.

Selon Ghazalî, il est ainsi envisageable de répertorier les portes et les voies par lesquelles Satan pénètre dans le cœur des hommes :

1. Pour Satan, la plus grande et la plus importante ouverture est la colère et la sensualité. La colère annihile l’intelligence et c’est lorsque l’intelligence est faible que Satan passe à l’offensive. La sensualité, en supprimant la volonté, ouvre la voie à Satan. Pour cette raison, Satan parvient à convaincre l’homme lorsque la colère, la haine et la sensualité prennent le dessus. Même s’il est question d’un peu de nourriture licite (halal), le simple fait de vouloir remplir son ventre correctement, dans le sens d’un désir toujours plus grandissant, donne un avantage certain à Satan. En effet, manger excessivement donne du poids à l’homme pour accomplir la prière et les actes cultuels, le rendant ainsi lent et apathique. La colère et le désir chez l’homme l’amènent à avoir des sentiments de haine et de supériorité vis-à-vis de ses semblables. Et ceci signifie que Satan devient associé du désir de l’homme.
2. Deux autres portes d’accès pour Satan sont la jalousie et l’ambition démesurée car c’est ce qui l’a amené à sa chute. Il est celui qui a fait sortir Adam du paradis et celui qui avait l’ambition d’y rester. Quand un homme a une ambition (démesurée) pour une chose, ses yeux ne discernent plus ce qui est juste et droit et ses oreilles n’entendent plus la réalité. Ce qui annonce la venue de Satan dans le cœur des hommes, c’est la lumière de la clairvoyance. La jalousie et l’ambition rendent la clairvoyance aveugle. L’homme devient aveugle et Satan lui montre le chemin pour parvenir à son objectif et à son désir.
3. Une autre porte d’accès pour Satan est l’inclination vers les bienfaits de ce bas monde. Lorsque Satan aperçoit cette maladie chez l’homme, il se place dans le cœur de celui-ci et commence à préparer des pièges issus des choses attractives de ce monde.
4. Une autre porte d’accès pour Satan dans le cœur de l’homme est le sentiment de cupidité. Ce sentiment qui parvient à vaincre le cœur pousse l’homme à la fraude et au mensonge (pour obtenir toutes sortes de choses). La fraude et le mensonge, quant à eux, détruisent le cœur.
5. Une autre porte d’accès pour Satan est l’impatience. Penser consciencieusement et décider en adaptant les conclusions tirées baissent les possibilités de l’homme à se tromper. Au moment où il sait que les sentiments d’impatience sont des sentiments diaboliques et que les comportements consciencieux sont divins, les horizons de la sérénité⁴ lui sont ouverts et la clairvoyance lui permet de prendre moins de décisions erronées.
6. Une autre porte d’accès pour Satan dans le cœur est la crainte de la pauvreté ainsi que l’avarice. Ce sentiment empêche l’homme de faire l’aumône en amassant des biens et en lui permettant de s’occuper des choses de ce monde comme l’or et l’argent. Mais plus que le besoin, les choses sont le centre d’exécution de Satan⁵. En vue du Jour du Jugement dernier, Allah le Tout-Puissant approuve tout ce qui est donné en Son nom au lieu que l’intérêt se porte sur les biens de ce monde ; être partenaire de Satan est assurément une bien mauvaise chose.⁶ Toutes les ouvertures dans le cœur de l’homme sont des points où Satan pose ses pièges. Il chasse les cœurs en y plaçant des appâts tels que la colère, la sensualité, l’ambition de ce monde, l’amour de l’argent, le désir de dominer. Tout cela prépare à la destruction du cœur de l’homme. À l’instar de l’oiseau qui parvient à s’échapper des appâts laissés par le chasseur, l’homme qui n’y succombe pas bénéficiera de l’élan de la vérité ; il sera en conséquence libre et émancipé. Le témoignage de reconnaissance consécutif à la libération des pièges de Satan consiste à ne pas y tomber une nouvelle fois et à ne plus le laisser rôder tout autour. Satan, en voulant conquérir le cœur de l’homme par l’intermédiaire de toutes sortes de soupçons, n’insiste pas seulement sur la sensualité et l’amour de ce bas monde, mais, en marchant dans des voies diverses, il désire se venger de l’homme. Le Coran affirme qu’Allah renvoya Satan du droit chemin par le biais d’Adam et que Satan demanda à Allah l’autorisation de faire sortir les hommes du droit chemin en se présentant à eux par-devant, par derrière, par la gauche et par la droite.⁷ Face à cette demande de Satan, Allah lui donna la réponse suivante : « Vas ! Ceux qui se conforment à toi, leur sanction sera l’enfer. Les personnes qui se suffisent de ta force : étonne-les par ton appel ; avec tes cavaliers et tes soldats : envahie-les par tes criailleries. Soit associé de leurs biens et de leurs enfants, fais-leur des promesses ! La promesse de Satan n’est rien d’autre que la tromperie de l’homme. Ceux qui ont reçu d’Allah la sagesse ne subiront aucune influence de Satan. »⁸ Ce qui permet à l’homme de tomber dans les pièges de Satan, c’est son manque de foi en Allah. L’absence de foi incite Satan à être dans son bon droit. Lorsque Satan pousse un homme hors du droit chemin, ce dernier croit toujours qu’il y demeure. Cet ami de Satan, parvenu en présence d’Allah, réalisera que Satan était le pire des amis et s’écrira (à l’adresse de Satan) : « Ah ! S’il y avait eu entre toi et moi une distance aussi éloignée que celle existante entre l’est et l’ouest ! »⁹ Mais, hélas, ce sera trop tard ! Satan est une malédiction pour l’homme. D’une façon ou d’une autre, il tend à s’occuper de tout le monde. Par ailleurs, il n’y a aucune place au paradis pour la fraude et pour Satan. C’est pour cette raison qu’Adam et Eve furent éloignés du paradis à cause du piège tendu par Satan. Vu sous un certain angle, affirmer que « Satan ne pourra rien me faire » n’est qu’un tissu de mensonges ; car, même pour les prophètes apparus avant l’avènement de notre Prophète (sallallahu ‘alayhi wa salam), le Coran indique que Satan lui-même avait tenté de s’immiscer dans leurs demandes et aspirations.¹⁰ À partir de cette allégation, notre Prophète a dit : « De telles choses arrivent parfois dans mon cœur que je me repens moi-même cent fois par jour. »¹¹ Si l’action n’est pas effectuée au nom d’Allah mais au profit de quelqu’un d’autre, en y ajoutant la pression de Satan et la force du désir, la foi présente dans le cœur lui causera assurément du tort. Le manque d’une foi véritable et solide, et à cause justement de ce manque, amènera l’homme à connaître des tourments par le biais des attaques répétées de Satan. Comme le soulignait Mawlana Rumî : « Satan est tel un chien. Il pénètre dans le cœur de milliers de personnes. Quand Satan pénètre dans le cœur d’une personne, celle-ci devient un diable. Celui qui te prive d’Allah, de la vérité et de ton culte, c’est Satan. Le véritable Satan, s’il ne trouve pas une personne aussi diabolique (que lui) pour l’aider, pénétrera au cœur de tes rêves et tu en subiras les conséquences. Il se promènera au sein de ton monde onirique et courra derrière toi. Des joies reçues de la foi, des prières, des jeûnes et de toutes sortes de bienfaisance, Satan viendra et les emportera. » ¹²

Depuis la nuit des temps, on a discouru pour savoir si Satan et le nafs (le moi ou l’ego) étaient oui ou non deux choses différentes. Une chose est sûre : elles poussent les hommes vers les mauvaises actions. Satan, de l’extérieur et dans une forme différente, tente de diriger l’homme vers les mauvaises actions ; le nafs, par contre, provient de l’intérieur de l’homme et s’associe à Satan pour réaliser son objectif. Autrement dit, ce qui fait dévier l’homme de l’intérieur, c’est le nafs. Le nafs qui domine le sujet, étant une déviation, devient un diable pour les autres. Satan est d’ensemble tandis que le nafs est particulier. Le nafs a aussi un côté diabolique, mais on ne peut pas considérer chaque diable comme le fruit du désir.

Que ce soit pour les uns l’appel à commettre de mauvaises actions ou pour les autres le nafs, dans les deux cas il s’agit de choses relevant de Satan. C’est la signification apportée par tous les versets coraniques, hadiths et sentences traitant de ce sujet. Ainsi, Mawlana Rumî a dit : « Puisque depuis la nuit le temps Satan et le nafs sont liés, Satan est devenu l’ennemi d’Adam et il en est jaloux. N’ayant pas discerné sa vérité, il eut peur de cet être fait de terre. Quant à l’ange, il discerna la lumière d’Adam et devant lui il se prosterna. » ¹³

L’homme qui fait de bonnes actions sur terre est semblable à un agriculteur qui a rempli son entrepôt de blé. Mais cet agriculteur ignorait qu’une souris s’y était introduite, qu’elle le videra et qu’il se retrouvera vide. Pareillement, si l’homme donne son cœur à Satan et laisse dominer son nafs, tous deux voulant être associés à son action, celle-ci n’aura plus aucun sens. Le désir du cœur ira par conséquent dans les mains de Satan. De cette façon, son « au-delà » sera un monde de désespoir, et, de cet avenir, nous nous réfugions en Allah.

1 Isfahânî, al-Mufradât, s. 383

2 Iblis et Satan sont deux appellations utilisées par le Coran pour signifier la même chose. Iblis est employé dans le sens de « désespoir » et sa racine est « be-se-le ». Iblis signifie « celui qui n’a plus d’attente et d’espoir d’Allah ». Cette appellation est spécifiée dans onze passages du Coran. Se réfugier en Allah contre Iblis qui n’a plus d’espoir en Allah est un ordre du Coran et ce fait est indiqué dans onze passages.

3 Coran, Al-Baqara, 2/34-37 ; Al-Âraf, 7/11-22 ; Al-Hijr, 15/32-42 ; Al-İsrâ, 17/61-66 ; Al-Kahf, 18/50-51, Tâ-hâ, 20/116-123 ; Sâd, 38/74-83.

4 Tirmidhî, Sunnan, Beyrouth., Birr wa’s- sila 65; Bayhaqî, Shuabu’l-îmân, Beyrouth 1410, s. 89.

5 Voir İhyâ ulûmi’d-dîn, Kahira, ts, s. 30-39.

6 Coran, An-Nisâ, 4/38-39.

7 Coran, Al-Âraf, 7/16-17.

8 Coran, Al-İsrâ, 17/ 63-65.

9 Coran, Az-Zuhruf, 43/36-38.

10 Voir Coran, Al-Hajj, 22/52.

11 Ahmed ibn. Hanbal, Musnad, Kahira ts. IV s. 211.

12 Mathnawî, III, b. 4326-4335.

13 Mathnawî: III, b. 3197-3200.