Lève donc les voiles intermédiaires!

Mar 13, 2019 par

Dr. AdemErgül

« Ô homme, valeureux ami ! Sache que ton être ne constitue pas une seule personne mais plutôt toute une communauté entière ! Tu représentes une mer très vaste et considérablement profonde ! Ton éminente existence e s’élève probablement jusqu’à neuf cents degrés et indique un océan sans fonds et sans rivage. Des centaines de mondes se sont engloutis et noyés dans cet océan qu’est ton être ! »

C’est ainsi que le rapproché de Dieu MawlânâRûmî s’adresse à l’être humain qui souhaite réaliser la conquête de sa propre personne : « Sois conscient de ton être ! Ne marchande pas ta personne à vil prix et ne perds pas le trésor qu’il y a en toi ! Ne te laisse pas berné par ton apparence ! Explore les différentes couches de ton être et découvre désormais les joyaux enfouis en ton sein ! »

Bien évidemment, tous les prophètes et saints ont, de leur vivant, exhorté les fils d’Adam à s’extirper des ténèbres vers la lumière de la guidance, à lever les voiles intermédiaires entre eux et leur Glorieux Seigneur, afin qu’ils parviennent à la conquête de leur être propre. C’est pour la concrétisation de ce noble idéal que notre Auguste Seigneur, le Tout-Miséricordieux et le Très-Miséricordieux a, tout au long de l’histoire de l’humanité, délégué des envoyés et hommes pieux auprès de Ses serviteurs, c’est-à-dire nous, déclarant dans Son Noble Coran :

« C’est Lui qui fait descendre sur Son serviteur des versets clairs afin qu’il vous fasse sortir des ténèbres à la lumière ; et assurément Allah est Compatissant envers vous, et Très Miséricordieux. » (Sourate Al-Hadîd, verset 9).

« Alif, Lam, Ra. (Voici) un livre que nous avons fait descendre sur toi, afin que – par la permission de leur Seigneur – tu fasses sortir les gens des ténèbres vers la lumière, sur la voie du Tout Puissant, du Digne de Louange. » (Sourate Ibrahim, verset 1).

Que veut dire le mot “zulumât” que nous traduisons par ténèbres ? Quels sont les voiles qui occasionnent la cécité, la surdité et le mutisme spirituels, qui verrouillent l’intellect et rouillent le cœur de l’homme, l’empêchant ainsi de voir et d’admettre la vérité ? Comment ces voiles se forment-ils ? Comment l’homme peut-il se libérer de cet emprisonnement pour parvenir à la réalité de sa servitude vis-à-vis de son Seigneur et réaliser la conquête de son être ?

Nous apprenons des versets coraniques et nobles hadiths que le plus considérable des voiles entre le serviteur et son Seigneur demeure la mécréance, la négation et le polythéisme. D’ailleurs, la locution “kufr“ que nous traduisons par mécréance veut dire “voiler“; c’est-à-dire voiler la nature saine de l’homme (fitra), verrouiller la conscience et obstruer les voies qui mènent à la réalité divine et l’Absolu. Les choses qui empêchent l’être humain d’accéder à la vérité sont pour la plupart l’ingratitude vis-à-vis de Dieu, l’ignorance, le rattachement au mensonge, le suivisme, l’adhérence aux croyances infondées, le fanatisme et les préjugés. Tous ces éléments constituent pour le serviteur de Dieu la plus énorme oppression à sa propre guidance. En de pareilles circonstances, l’âme du serviteur lance des appels au secours du fond des précipices ténébreux et que ne peuvent entendre que les doués de sagesse. Il est fort probable que le serviteur lui-même n’entende pas ces appels au secours.

Les péchés sont aussi des voiles ténébreux qui cachent à l’homme la réalité divine. Par ailleurs, faut-il signaler que le caractère des péchés commis, grand ou petit et leur nombre peu ou considérable, enveloppent et obscurcissent corrélativement l’essence même du serviteur. Le Noble Messager de Dieu (pbsl) nous enseigna ceci :

« Lorsque le serviteur commet un péché, une tache noire est apposée sur son cœur. Quand il se repent et implore le pardon de son Seigneur, le cœur est purifié de cette tâche. Par contre, s’il ne se repent pas et récidive dans le péché, la tache noire s’accroît et finit par envelopper intégralement son cœur. En effet, c’est ce qui est évoqué dans ce verset coranique : “En vérité, leurs cœurs furent couverts de rouille en héritage de ce qu’ils commettaient“. » (At-Tirmidhî, Tafsir, 83; Ibn Mâja, Zuhd, 29).

Lorsque l’œil regarde permanemment l’illicite, il finit par se couvrir d’un voile et occasionner une plaie très infectieuse au niveau du cœur. De même, quand l’oreille s’habitue à écouter des propos mensongers, médisants et diffamatoires, elle commence à être affectée par la surdité et à perdre sa sensibilité. La langue, quant à elle, est souillée par les paroles illicites qu’elle profère régulièrement. C’est ainsi que l’homme est atteint et envahi par le mal depuis son essence et devient finalement l’esclave de son âme et du diable.

Au nombre des éléments à même d’être un voile entre le serviteur et son Majestueux Créateur, il y a aussi l’orgueil, la surestimation et l’amour excessif de sa propre personne, la divinisation de ses passions, le cramponnement à ce bas-monde et aux créatures éphémères au détriment du Créateur Éternel.

En vérité, l’origine fondamentale de chacun de ces voiles est bel et bien l’insouciance de l’homme à l’égard de son Seigneur. L’épaisseur de ces voiles s’élargit ou rétrécit parallèlement au degré d’insouciance du serviteur vis-à-vis du Divin. Au terme de cette insouciance, la conscience de l’homme, son cœur, ses yeux, ses oreilles, sa raison voire l’intégralité de son être jusqu’à ses cellules sont pleinement l’objet de toutes sortes d’attaques orchestrées par les soldats du Diable, et ce au point de les empêcher de fonctionner dignement. Le Noble Coran stipule à ce propos :

« Nous avons destiné beaucoup de djinns et d’hommes pour l’Enfer. Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore. Tels sont les insouciants. » (Sourate Al-A’râf, verset 179).

Afin de pouvoir reconnaitre l’Autorité Absolue de Celui qui détient son existence et de libérer son être de cet emprisonnement du Diable, l’homme doit en permanence mener le combat contre son égo. Il doit procéder à une purification de son for intérieur. Lors du processus de conquête de soi :

Le but : c’est d’orienter toute notre essence vers l’Unique et l’Absolu au détriment de toute créature à l’autorité et au pouvoir éphémère. En d’autres termes, tel que le mentionne le Noble Coran, il s’agit de renier toute sorte d’idolâtrie, de croyances et de philosophie agnostiques, et d’admettre indubitablement la Réalité et l’Autorité Divines. Notre Seigneur nous révèle :

 

« Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient. » (Sourate Al-Baqara, verset 256).

L’itinéraire : c’est la conformité à la Saine Parole Divine et à la Tradition (Sunna) du Noble Messager de Dieu (pbsl). Tel est le chemin à suivre pour extirper son être des gouffres ténébreux et le mener à la lumière de la guidance.

Le guide : ce sont les pieux successeurs et héritiers qui s’inspirent et qui ne prennent que le Noble Prophète (pbsl) pour modèle.

Le soutien : il s’agit de tous les croyants pieux et véridiques qui s’enjoignent mutuellement la piété et la patience. En effet, même si nous réalisons nous-mêmes la conquête de notre personne, sachons que l’accession au salut final ne sera rendue possible qu’au moyen d’un soutien mutuel.

La mobilisation individuelle : il est question ici de consentir des efforts colossaux et de mobiliser tous les moyens nécessaires à même de nous faire parvenir à Dieu notre Majestueux Créateur. Lors de la mise en application de cette condition sinequanon, le soutien, la guidance et l’assistance divine aux appels au secours du serviteur l’aideront par la grâce divine à concrétiser sa conquête. Il est ainsi notifié dans le Glorieux Coran :

 

« Et quant à ceux qui luttent pour Notre cause, Nous les guiderons certes sur Nos sentiers, Allah est en vérité avec les bienfaisants. » (Sourate Al-Ankabût, verset 69).

Ce processus de conquête de soi est un processus qui débute par le repentir sincère, qui se poursuit par l’orientation exclusive vers l’Unique et l’Absolu et qui s’achève en apothéose avec l’obéissance et la piété. D’ailleurs, le Saint Coran nous révèle ceci :

 

« A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. » (Sourate Ash-Shams, versets 9-10).

Afin de s’affranchir des influences ténébreuses, l’homme doit continuellement vouer son être à un rude combat contre son égo, jusqu’à ce qu’il concrétise sa conquête et demeure sur la ligne de cette victoire spirituelle. Méditons sur ces bénédictions du Noble Bien-aimé de Dieu (pbsl), l’infatigable soldat de Dieu qui nous enseigna durant toute sa vie les secrets de la réussite éternelle :

« Ô Seigneur ! Illumine mon cœur, mes yeux, mon oreille ; mets de la lumière à ma droite, à ma gauche, au-dessus de moi, en dessous de moi, devant moi, derrière moi et tout autour de moi ! » D’autre ajouts viennent compléter cette version : « Illumine mes veines, ma chair, mon sang, mes cheveux et ma face ! » (Al-Bukharî, Da’wat, 9; Muslim,Misafirin, 181).

Sans nul doute, le salut de notre âme ne peut être rendu possible que par la grâce et l’assistance de Dieu, Seigneur des mondes.

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